par djipido 39 Ven 29 Avr 2011 - 9:22
Pour Jean Veillon
Nous avons vécu les mêmes événements. Je transcris ci-après un extrait de "Marin de guerre" le livre écrit par l'Amiral Hervé Jaouen, pour les problèmes de l'escale de Gdynia, alors qu'il était commandant en second du "Du CHAYLA"
Le séjour à Gdynia,
intéressant mais austère, va prendre fin sans histoire. A 4 heures du matin, le
jour de l'appareillage, je suis réveillé par l'officier de quart: « Commandant,
il nous manque 4 hommes, qui ne sont pas rentrés de terre.» Ailleurs,
ce ne serait qu'assez peu inquiétant: le jour les ramènerait. Ici, c'est
probablement le début d'une mauvaise affaire. Je vais aux renseignements sur
le bâtiment Amiral. Il y manque 2 hommes. Ouf! Nous ne sommes pas les seuls à
nous débattre dans cette affaire. Réflexe un peu égoïste, encore accusé quand
j'apprends que le bâtiment voisin a lui aussi 3 manquants.
Au lever du jour, le bâtiment Amiral récupère ses absents.
Notre voisin en récupère deux sur trois, et nous deux sur quatre. Chose
curieuse, l'officier de liaison Polonais est debout depuis quatre heures et
semble tout à fait satisfait que nous ayons ce genre de problème. En effet,
quelques années auparavant, au cours d'une escale à Brest, une dizaine de
marins Polonais ont demandé le droit d'asile, qui leur a été accordé; on
voudrait bien nous rendre un peu la pareille. Mais nos hommes étaient prévenus;
qu'ont-ils bien pu faire ?
A 9 heures du matin, nous appareillons: il reste à terre
deux manquants du « du Chayla »
dont le chef de poste des quartiers maîtres « chefs », vieux canonnier
chevronné, et un manquant du « Casabianca ». Nous les recommandons
aux bons soins du Consul de France et de
notre attaché naval adjoint. Sur le du
Chayla, nous aurions volontiers attendu nos marins, mais l'Amiral a voulu
minimiser l'affaire et la traiter comme un
problème de routine.Les trois lascars avaient été copieusement abreuvés
au dernier bistrot avant le bord, livrés à des filles qui les ont embarqués
dans des voitures, et vidés dans un fossé à 120 km de Gdynia. Quand ils
sont revenus à eux, puis au port, les autorités Polonaises les ont
immédiatement pris en charge. Ils réclamaient une seule chose: être remis au
Consul de France: « Oui, bientôt » leur a-t-on répondu pendant toute la
journée, tandis que sous des prétextes divers, on les interrogeait. Aucun ne
détenait de secrets d'Etat et ils ont répondu un peu n'importe quoi sauf le
matelot du « Casabianca » qui
a dit: « Voici mon nom et mon matricule, vous n'aurez rien d'autre ». Remis au
Consul le lendemain de notre appareillage, ils ont été rapatriés par avion par
Varsovie, traités presque en héros, en tous cas gentiment, par nos
représentants diplomatique. A leur arrivée à Brest, en revanche l'Amiral leur a
octroyé 45 jours de prison; j'ai seulement regretté qu'une petite différence
n'ait pas été faite au bénéfice du marin du Casabianca,
qui avait eu une attitude plus ferme que les autres.