Nous sommes en fin 1949 à Agadir, l'Aéronautique navale vient de prendre la responsabilité totale de la base, surveillance des pistes, sécurité générale et incendie, moyens radio tour de contrôle, etc.
Jusqu’alors assurés par l'armée de l'AIR depuis les années 1930.
Et ceci en conformité avec la décision du SGACC et de la DGA/TER, la Base Aérienne 151 venant d'être dissoute.
Les moyens techniques radio, tour de contrôle, les balises, le gonio, et les émetteurs de la station sont remis tels quels aux services de la BAN.
Certains services encore inexistants devront être constitués entièrement, comme le contrôle aérien, la sécurité piste, la sécurité incendie.

L'équipe des radios volants affectés à la BAN ( sans compter ceux des formations présentes) se compose alors de cinq personnes :

Le MP Mallegol certifié à Hourtin en 1931 surnommé l’Amiral ; une légende chez les radios… notre patron à tous.
Le PM Gode certifié à Hourtin en 1936, certifié radariste en GB en 1945
Le SM2 Dejean certifié à Hourtin en 1940, rafraîchi en GB en 1943
Le SM2 Ternisien certifié à Lartigue en 1946
Le SM2 Laffrat certifié à Lartigue en 1946

Tout est vétuste et en piteux état, les émetteurs graphie de la station sont des matériels de bord de Catalina, GO9 HF de 200W CW montés à poste fixe et alimentés par des convertisseurs 400hz comme à partir du 24V ...
Le matériel de la tour de contrôle date de la période américaine 1943-1945, soit un émetteur phonie HF 6440 Khz de marque Collins et un VHF de bord à quatre quartz correspondants aux fréquences d'approche et d'atterrissage réglementaires.
Un récepteur phonie de C-47 de type BC 438 vient compléter le dispositif, un interphone d'origine US permet le dialogue entre la tour le bureau des vols et la météo.
Tout ce fourbi est pratiquement sans rechanges spécifiques à l'exception de quelques tubes et deux ou trois éléments comme des convertisseurs 400Hz et des alims.
Il faut donc se débrouiller à faire marcher tout ça dans l'attente de la mise en service d'une nouvelle tour de contrôle Aéro prévue sur le bâtiment de commandement.

De nouveaux moyens radio plus modernes commandés depuis quelques mois chez Sadir-Carpentier, comme des émetteurs HF de 500 et 1000 W et des récepteurs de trafic SFR RU 93 et 95 pour la tour et la station font partie de la nouvelle dotation prévue pour les BAN par le service central de l'Aéro.
Mais à l'époque l'industrie radioélectrique peine encore à produire et il faudra attendre la fin du premier semestre 1950 pour voir arriver les premiers matériels.

Pendant tout ce temps, avec les moyens du bord, afin que la BAN soit opérationnelle et que les avions puissent se poser et décoller sans problèmes, nous parvenons à nous acquitter de la tâche, profitant du passage des avions pour se faire envoyer quelques pièces essentielles, impératif premier ; que les balises d’approche fonctionnent et que les communications HF et VHF soient assurées ...

En 1950 quand la nouvelle tour fut mise en service on s'aperçut que la dotation n'avait pas prévu d'interphone entre la tour, le PC/Ops et le bureau des vols situés à l'étage en dessous ...
Sans chercher les coupables de cette situation, impensable aux yeux du commandement, vu sa responsabilité sur le terrain pour la conformité DGA/TER.
On intima aussitôt aux radios d'installer un dispositif de secours en attendant les matériels réclamés en urgence en métropole.

C'est alors qu'avec mon copain Bernard Ternisien, nous avons eu l'idée de récupérer le câblage et les boites de jonction d'un interphone de Lockheed Ventura, des clés téléphoniques de central PTT et de petits hautparleurs/micro réversibles achetés chez le représentant Philips d'Agadir montés dans des petites boites en contreplaqué ...
En deux jours le tout était monté et fonctionnait, ce dispositif de fortune continua à fonctionner encore pendant trois mois jusqu’à l'arrivée des matériels ad hoc.
Inutile de préciser que notre petite équipe fut appréciée à sa juste valeur par la hiérarchie, même si le travail était un peu empirique …
Seule l’efficacité comptait.

Mes excuses pour avoir été un peu long, mais tout ce qui précède, malgré mon grand âge, n'est pas un conte de grand père destiné à amuser les petits enfants, mais reflète tout à fait ce qu'étaient les conditions de travail particulières des radios de l'Aéro dans l’après-guerre, dans une base d'AFN ; avant que ceux de votre génération ne prennent le relais, avec les compétences nouvelles qui s'imposaient.

Bon dimanche.

JC