Le site brestois des Quatre-Pompes est connu (mondialement
![[ Histoire et histoires ] L'Aiguade des Quatre-Pompes 580511](/users/2913/33/99/84/smiles/580511.gif)
Mais que sait-on de l'histoire de ce site et de l'origine de son nom ?
Il n'y a pas si longtemps je n'y connaissais rien à ce sujet, jusqu'à ce que je déniche un ancien numéro des Cahiers de l'Iroise de 1963.
Dans le même temps, Jobic me contacte, car il possède la fin de l'histoire : un autre numéro des Cahiers de l'Iroise de 1966.
Une aiguade est un endroit dédié au ravitaillement en eau douce des navires.
Voici l'histoire de celle des Quatre-Pompes, ainsi que son origine patronymique.
- Spoiler:
- L’eau a toujours représenté pour Brest un besoin qui s’est souvent traduit par un manque.
La ville disposait bien de sources, mais de production insuffisante pour subvenir aux besoins de la population.
De surcroît, les modes de vie des citadins engendraient souvent des pollutions dans lesquelles les foyers cholériques trouvaient matière à se développer.
La Ville de Brest, depuis le XVIIe siècle, est en perpétuelle recherche de solution.
Il n’est pas question ici de développer les caractéristiques de multiples sources que la ville abritait, ni de s’étendre sur ces foyers cholériques, mais de se concentrer sur le site naturel des Quatre-Pompes.
Priorité à la défense de la cité (2).
Brest s’est construit autour de sa garnison et durant des années a donné la priorité à la Marine, notamment pour les vivres.
Les bateaux ont de tout temps rempli leurs réserves d’eau douce lors de leurs escales ; c’est toujours aujourd’hui une des priorités lorsqu’un navire, civil ou militaire, touche le quai.
Une pensée pour les anciens des Avisos Escorteurs qui ont manqué d’eau jusqu’au début des années 1990.
Il fallait pouvoir fournir aux navires de la Royale de l’eau en quantité et qualité suffisantes, le tout via des infrastructures permettant aux bateaux d’accoster.
Les sources de Brest, et de ses communes limitrophes, étaient connues depuis longtemps.
Cependant, la mission confiée en 1686 au Sieur Jongleur de chercher de l’eau et de la faire parvenir en ville et au port, a certainement permis de renforcer ces connaissances.
L’expert a repéré plusieurs sources de bonne qualité en provenance des vallons portant aujourd’hui les noms de Maison Blanche (à cette époque, se regroupaient les eaux des vallons du Houarné, du fort de Chaulmes et du Douric Mad) et des Quatre-Pompes (anciennement le vallon Sainte-Brigitte) en Saint-Pierre-Quilbignon.
Il fait débuter des travaux dès 1690 de façon à collecter et canaliser les différentes productions.
Pour des raisons budgétaires, seules trois sources sont canalisées.
Une quatrième sera adjointe en 1719.
Les débits sont alors jugés acceptable pour que des navires puissent venir s'y ravitailler.
L’aiguade est crée, alimentée par « quatre fontaines ».
La première appellation de lieu-dit « Quatre-Pompes » apparaît la même année au mois de novembre.
Les Quatre-Pompes et son aiguade (3).
Si des navires se ravitaillent depuis 1720, car les quatre sources produisent 540 m3/jour, c’est à partir de 1808 qu’un véritable élan de construction est entrepris, suivant l’étude d’un certain Mr Trouille.
Le projet Trouille, qui ne se concrétisera qu’en 1837, consiste à établir des moyens industriels véritablement adaptés, comprenant des réservoirs de stockage et une usine de distribution.
Cette date marque véritablement la naissance de l’aiguade moderne.
Des travaux sont ensuite entrepris de 1839 à 1849 pour augmenter le réservoir de 400 m3 à 1500 m3.
Parallèlement, le 11 novembre 1845, a lieu l’adjudication des travaux de l’aiguade au profit des navires pour « réparations d’avaries et d’ouvrages non-prévus ».
L'ère de la vapeur et le XXe siècle (4)
Avec la Révolution Industrielle, la Marine à voile cède la place progressivement à une nouvelle forme de propulsion : mécanique à vapeur.
Technologie gourmande en eau douce, il ne suffit plus d’abreuver les hommes, il faut désormais abreuver les chaudières.
D’autres sources sont alors recherchées, et les Quatre-Pompes se voient adjoindre les eaux de Keroual, en 1893.
Les besoins s’avérant toujours plus importants, en 1903 de nouvelles sources sont captées à proximité de la route du Conquet : Questeria, Lannivel, Querias et La Trinité. La source de Kerjoani est ajoutée avant la Seconde Guerre mondiale, mais elle nécessite d’être relevée.
Un réservoir surélevé (château d’eau) et alors construit au carrefour avec la route de Sainte-Anne.
Ces dernières sources produisent un peu plus que les sources du XIXe siècle, et sont dirigées vers le port par un tuyau qui passe dans les champs des cultivateurs du plateau agricole du Portzic, puis dessert le fort avant de longer la route de la corniche.
Ce collecteur sera bien endommagé lors des bombardements sur le Portzic, mais remis en état, il dessert aujourd’hui le port, comme hier.
Les ateliers de l’aiguade (5)
Cette bâtisse abritait donc des ateliers de réparation navale tels que mécanique, chaudronnerie, fonderie et forge.
Cette usine travaillait autant pour les armements privés que pour la Marine Nationale.
Extrait du livre d'André Hascoët
Saint-Pierre-Quilbignon, une commune sagement progressive
2019, Éditions Sutton.
Cet atelier fonctionne de 1869 à 1874, tenu à bout de Bras par Henri-Pierre Faud, ingénieur Breton.
Dès 1850, il s'associe avec un certain Giffrad officiant dans le domaine des machines à vapeur et, ensemble, déposent un brevet pour des pompes à eau.
Les pompes Giffard-Flaud rencontrent un succès mondial.
Les pompes Giffard-Flaud, sont d'un grand secours lorsque le 30 mars 1929 (6) un violent incendie ravage la chapelle de Sainte-Anne du Portzic.
Le 12 août 1874, la grande faucheuse emporte Henri-Pierre Flaud.
L'usine disparaît avec son fondateur, les matériels de production industrielle, machines et outillages de pointe sont mis en vente.
À cette occasion, le public découvre un riche patrimoine.
Au début du XXe siècle l’atelier est repris, mais une activité bien moindre se maintient tant bien que mal.
Les infrastructures portuaires de Laninon, créés au sein de la rade refuge, assurent désormais la maintenance navale militaire.
Les navires de commerce bénéficient également d'infrastructures industrielles, à l'image des ateliers Sauvion, sur le port de commerce.
Vue des Quatre Pompes avant la Seconde Guerre mondiale
Cependant, dans la période de l’entre-deux-guerres, l’étage est habité à la belle saison et le plan d’eau est un espace de baignade certainement privilégié.
La Seconde Guerre mondiale, aura raison de l’aiguade...
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Sources utilisées :
Les deux principales sources qui m’ont servi pour traiter ce sujet de « sources », sont deux numéros des Cahiers de l’Iroise mentionnés ci-dessous.
J’ai beaucoup résumé ces deux sujets, très intéressants, et très complets sur Brest et l’eau douce.
- Cahier de l’Iroise n°1-10ème année, janvier-mars 63
- Cahier de l’Iroise n°5-13ème année, juillet-septembre 66
(1) Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales
(2) Michel Floch, « Si ta soif, Brestois si ta soif... », Les Cahiers de l’Iroise n°1 10ème année, janvier-mars 63, p.28-29
(3) Michel Floch, « Si ta soif, Brestois si ta soif... », Les Cahiers de l’Iroise n°1 10ème année, janvier-mars 63, p.31
(4) Michel Floch, « Si ta soif, Brestois si ta soif... », Les Cahiers de l’Iroise n°1 10ème année, janvier-mars 63, p.31
(5) Michel Floch, « L'usine des Quatre-Pompes en Saint-Pierre-Quilbignon », Les Cahiers de l’Iroise n°5 13ème année, juillet-septembre 66, p.170-171
(6) François Kergonou, « La chapelle de Sainte-Anne du Portzic », L'écho de Saint Pierre.