TEVA i UTA
Teva i Uta, seule commune française au régime sec …
Tel un « dry county », comté sec qu’on trouve principalement dans le sud des Etats-Unis où survit une mesure datant de la Prohibition (1920 – 1933), Teva i Uta est une commune où on ne trouve pas d’alcool dans les cinq épiceries situées sur son territoire.
Comme le village d’Astérix qui résiste à l’envahisseur romain, Teva i Uta est réfractaire à l’alcool – il s’agit sûrement de la seule commune française qui se trouve dans cette situation.
Un peu d’histoire :
D’après certaines personnes, il y a bien longtemps, un papa avait demandé à sa petite fille d’aller lui chercher à boire au magasin ; la gamine s’étant faite écraser en ramenant le gallon de vin à son père, le tavana de l’époque aurait pris la décision d’interdire la vente d’alcool dans la commune ; aucun document administratif ne vient toutefois étayer cette triste histoire.
Pour d’autres encore, ce serait l’américain Harisson Smith (1872 – 1947), créateur du Jardin botanique de Papeari qui aurait fait donation du jardin à la Polynésie française et qui, en contrepartie, aurait demandé qu’il n’y ait pas d’alcool en vente dans les magasins situés sur le territoire de la commune de Teva i Uta ; cette assertion paraît dénuée de fondement dans la mesure où peu de temps avant sa mort, Harisson Smith a légué le jardin botanique à son ami botaniste Jean-Marie Boubée.
D’après plusieurs sources concordantes provenant des matahiapo de la commune, ce serait W. Coppenrath, Tavana de Teva i Uta de 1953 à 1977 qui aurait demandé aux épiciers de la commune de ne plus vendre d’alcool.
Cette mesure étant rendue nécessaire par le fait que certaines vahine se plaignaient d’être rossées par leur tane en état d’ivresse tandis que d’autres venaient se plaindre du manque de nourriture pour leur famille, pénurie due au fait que leur tane avait dépensé la plus grande partie de leur salaire hebdomadaire en boissons alcoolisées.
La réglementation
L’alcool est une drogue légale dont la production, le commerce, la distribution et la consommation sont réglementés.
Le commerce et la distribution des boissons alcoolisées sont régis en métropole par le Code du Commerce et l’ancien "Code des débits de boissons et des mesures contre l'alcoolisme" qui a été intégré au Code de la Santé Publique en juin 2000.
En Polynésie française c’est la Délibération n° 59 – 53 du 4 septembre 1959 (modifiée) qui fixe l’encadrement légal du commerce et de la distribution des boissons alcoolisées.
A Teva i Uta, ce n’est pas un arrêté municipal qui a fixé l’exception. Les tavana peuvent prendre des arrêtés tendant à la restriction des horaires de vente d’alcool s’il est établi que des ventes tardives par exemple peuvent être à l’origine d’accidents de la circulation ou de troubles à l’ordre public.
En aucun cas un maire et son conseil municipal ne peuvent interdire purement et simplement la vente d’alcool.
Cette mesure irait à l’encontre du principe de liberté de commerce et d’industrie et serait donc attaquable devant le juge administratif.
La situation actuelle :
Depuis la décision de Tavana Coppenrath, la mesure est rentrée dans les mœurs et s’est maintenue sans qu’un quelconque texte interdise aux commerçants de vendre des boissons alcoolisées.
Pour ce faire, il faut constituer un dossier et le transmettre au Service des affaires administratives de la Polynésie française pour demander l’attribution d’une licence de 1ère classe.
Avant de délivrer la licence, ce service demande l’avis du maire de la commune ; il va sans dire que si l’avis est défavorable, la licence a très peu de chance d’être accordée.
Actuellement les positions des différents épiciers contactés reflètent les divers courants d’idées de la population de Teva i Uta : 40% sont favorables à la vente, 40% sont opposés et 20% sont indifférents ; certaines personnes émettant le souhait que les commerçants ne puissent vendre que des boissons non réfrigérées.
Ce qui était valable il y a une cinquantaine d’années n’a plus, actuellement, les mêmes raisons d’être qu’à l’époque … la majorité des habitants possédant un véhicule font leurs achats dans les communes avoisinantes Papara ou Taravao.
Ce sont ces communes qui bénéficient ainsi des retombées financières – centimes additionnels - générées par la vente de ces boissons.
Par ailleurs on assiste à un développement de « détaillants clandestins » qui vendent à prix élevés des boissons alcoolisées aux clients – généralement les personnes les plus démunies - qui n’ont pas la possibilité de faire leurs achats ailleurs ; ce qui provoque une certaine forme de discrimination.
Le fait de ne pas trouver d’alcool dans les différents magasins de Teva i Uta n’empêche pas les gens de consommer les boissons qu’ils vont acheter ailleurs légalement ou illégalement et, le fait que Teva i Uta perde un jour son caractère exceptionnel et s’aligne sur l’ensemble des communes françaises n’obligera en aucune manière les abstinents à acheter des boissons alcoolisées.

A.K.