Mon père, ma mère, mon frère et ma sœur ont tous été très marqués par la présence des militaires allemands à Saint-Nazaire en 1940-1945. Sans parler des bombardements !!! Mon père travaillait au chantier naval de Penhoët comme ouvrier électricien (il a peut-être travaillé sur le München lors de sa transformation en navire hôpital) et, comme je l'ai déjà raconté x fois, nous avons vécu pendant toute la guerre en cohabitation forcée avec douze marins allemands de la Flak Saint-Nazaire Nord. Je suis né au milieu de tout ça en mars 1943. Pour toutes ces raisons, je suis passionné par l'histoire de Saint-Nazaire durant cette période très particulière 1940-1945. C'est mon histoire et celle de ma famille. J'ai même fait des recherches sur des sites d'anciens marins allemands.

Précisions complémentaires sur la reddition allemande (1ère photo msg 323) :

Juste derrière le général américain, on voit un officier de marine français. Il s'agit du capitaine de vaisseau Le Gac. Deux autres officiers de marine français l'accompagnaient, le capitaine de frégate de Gourcy et le capitaine de corvette Leonnec.

Ce qu'a répondu le général américain Kramer au général allemand Junck :

"Général Junck, au nom des forces alliées, j'accepte votre reddition. Vous et vos hommes seront traités correctement en tant que prisonniers de guerre."

Le général de division Hans Junck, ancien commandant des forces armées allemandes de la "Festung Saint-Nazaire", restera prisonnier de guerre jusqu'au 19 septembre 1947. Ce jour-là, il sera jugé par le 1er tribunal militaire de Paris et acquitté des accusations de réquisitions et de pillage.

Sur les lieux de la reddition allemande, un monument sera inauguré le 9 octobre 1946 par le général de Larminat. Il sera salué par le général de Gaulle le 20 mai 1951.

Sources : version allemande de wikiki / "L'incroyable histoire de la Poche de Saint-Nazaire" de Luc Braueuer / "Forteresse Saint-Nazaire" de Luc Braeuer.

Opération "Eclipse" à Saint-Nazaire,
récupération du matériel allemand
et saisie des navires allemands par la marine française,
suite :

Le München, futur Ile d'Oléron dans la Marine Nationale, ne fut pas le seul bâtiment allemand saisi par la marine française à Saint-Nazaire. Entre autres navires également saisis, quatre dragueurs de mines en parfait état. Ils seront réarmés par un équipage mixte franco-allemand, convoyés de Saint-Nazaire à Lorient et par la suite réutilisés pour le déminage de la côte Atlantique.

Dans une lettre écrite à ses parents, un marin français raconte le convoyage du dragueur allemand M28 de Saint-Nazaire à Lorient. Mécanicien, il est responsable du bouilleur. Il ne parle pas allemand. Son homologue allemand ne parle pas un mot de français (une quinzaine de marins allemands ont été maintenus à bord). Et pourtant, en travaillant ensemble, les deux mécaniciens se comprennent et le binôme franco-allemand fonctionne parfaitement.
Arrivés à Lorient, marins français et marins allemands rentrent ensemble à Saint-Nazaire par le train.
Ensuite, pour les marins allemands, ce sera direction un camp de prisonniers.

Petit retour en arrière à propos du trajet Lorient - Saint-Nazaire
Lorsqu'il était dans son QG du Kernevel à Lorient/Larmor, l'amiral Dönitz est venu à plusieurs reprises à Saint-Nazaire, grande base de sous-marins.
Pour faire le trajet Lorient - Saint-Nazaire, il n'utilisait pas le train mais sa voiture.
Une grosse Mercedes comme tous les autres officiers généraux ?

Marines Magazine N° 46 de décembre 2006 / Dönitz à Lorient - les débuts de Saint-Nazaire 1940-1941
Non, une Cadillac !
Voiture de l'amiral Dönitz lorsqu'il était à Lorient.
W = véhicule militaire
M = Marine
H = Heer = Armée

Après cette petite parenthèse, revenons à l'opération Eclipse :

Station d'émission HF de la marine allemande à Saint-Nazaire
Le service transmissions était installé à Villès-Martin et au Petit Gavy.
Ces puissants émetteurs HF permettaient à la marine allemande de Saint-Nazaire d'être en contact direct et permanent avec l'Allemagne.

Source : "Forteresse Saint-Nazaire" de Luc Braeuer
Station d'émission HF de la marine allemande à Saint-Nazaire
Juste avant l'arrivée des Français, les Allemands ont détruit toutes les machines à chiffrer/déchiffrer Enigma. Tout le reste était en parfait état de fonctionnement.
Que sont devenus ces puissants émetteurs HF ? Ont-ils été réinstallés quelque part en France ou outre-mer ? Je l'ignore.
Personnellement, côté matériel trans allemand, je n'ai utilisé que des téléphones auto générateurs et des manipulateurs morse Junker. Côté récepteurs, émetteurs et émetteurs-récepteurs HF, VHF ou UHF, du matériel américain, oui, mais aucun souvenir de matériel allemand.

Que ce soit à terre ou à bord des navires saisis par la marine française, les marins allemands, de matelot à officier, se montrèrent très coopératifs avec leurs homologues français et fournirent toutes les explications demandées. Les binômes et les équipages mixtes franco-allemands ont très bien fonctionné.

Extrait d'un article publié dans Ouest-France aujourd'hui intitulé
"Ils témoignent de leur enfance pendant la guerre"
Conclusion de ces dix Morbihannais qui racontent leurs souvenirs d'enfance de la seconde guerre mondiale :
"Immortaliser les souvenirs d'une génération, les partager au plus grand nombre, c'est notre façon à nous de contribuer à la préservation de l'histoire locale."
Que ce soit à Lorient, Saint-Nazaire, Brest ou ailleurs, je suis 100 % d'accord avec eux.

Merçi Max ,
Merçi pour ce partage sur ces années historiques et dramatiques de St-Nazaire. On saisi bien , à travers ta chronologie des événements , la reddition des Allemands , les situations et les anedoctes que cela à entrainé ,ta passion et la précision de ton travail de recherche pour conserver puis transmettre les traces de ce passé douloureux et historique des Nazairiens.
Amicalement.

Très intéressant Max
Le haut commandement des U Boat a été un temps basé à Saint Barthélémy d'Anjou, près Angers. Il reste quelques bunker qu'une asso tente de restaurer.
Pour les curieux vous trouver sur internet.

Opération "Eclipse" à Saint-Nazaire,
récupération du matériel allemand,
suite de la suite

Après
l'Opération "Eclipse" côté Marine Nationale,
l'Opération "Eclipse" côté ... famille Péron

Après le départ des marins allemands de la batterie Flak proche de chez nous, une question se posa : que faire de tous les matériels et butins divers qu'ils avaient laissés derrière eux ? Les armes, munitions et équipements militaires furent évidemment récupérés par les autorités militaires. Tout le reste fut rassemblé et stocké sous la responsabilité du maire pour être redistribué aux habitants. Dans cette petite commune de la proche banlieue de Saint-Nazaire, ma famille ayant été probablement la seule ou une des seules à avoir subi la cohabitation forcée avec douze marins allemands fut une des toutes premières invitée à choisir ce qu'elle voulait.
Voici donc l' Opération Eclipse à l'échelle de notre famille :

Le piano du Kapitänleutnant (lieutenant de vaisseau) réserviste Fritz Rogge, chef de batterie Flak
Ma mère était musicienne à ses heures. Elle chantait très bien et jouait du violon. Par ailleurs, elle voulait que ses enfants apprennent le piano. Elle jeta donc son dévolu sur le piano du capitaine. Plus tard, c'est sur ce piano que je révisais mes leçons de piano.
Un ancien marin de Ploemeur a flashé sur ce piano et son histoire. Combien pour ce piano ? Affaire conclue !

Le grand miroir trumeau du Kapitänleutnant (lieutenant de vaisseau) réserviste Fritz Rogge, chef de batterie Flak
Un très grand miroir rectangulaire surmonté d'un tableau hollandais ou de style hollandais, le tout joliment encadré avec des moulures, dorures, etc. De temps en temps, on voit ce genre d'objet dans l'émission "Affaire conclue".
Je l'ai vendu à un brocanteur de Saint-Nazaire au prix qu'il me proposait.

Le pistolet Walther PP de l'officier marinier Rademacker (orthographe non garantie)
C'était le plus gradé des marins qui squattaient chez nous. Il avait promis à mon père qu'il lui donnerait son arme personnelle avant d'être fait prisonnier. Que s'est-il passé exactement après le 11 mai 1945 au niveau de la batterie proche de chez nous ? Je l'ignore. Toujours est-il que mon père n'a pas pu récupérer ce pistolet.

L'outillage courant de la batterie Flak
Mon père a récupéré des dizaines d'outils de la Kriegsmarine. Entre autres, une grosse perceuse électrique.
J'ai tout donné à un ferrailleur de Saint-Nazaire qui, en contrepartie, a vidé toute la cave.

Signal
"Signal", c'était le magazine officiel des forces armées allemandes Terre/Air/Mer. Toutes les unités, même les plus petites, le recevaient. Dans "notre" école, mes parents ont récupéré la collection complète des années 1940-1945.
Je ne les ai pas retrouvés. Je suppose que mon frère aîné (dcd) s'en est débarrassés.

Pièces d'uniforme de la Kriegsmarine
Galons, insignes de spécialité, aigle de poitrine, boutons de veste, etc.
Je les ai récupérés.

A gauche, bouton de veste français sur une de mes tenues N° 22
A droite, bouton de veste d'un des marins allemands avec qui nous avons cohabité de 40 à 45 (j'en ai douze).
Hormis la taille, ils sont quasiment identiques.

Depuis XX années, c'est comme ça, ma sœur et mon beau-frère ont en même temps (comme dirait quelqu'un) un pied à Saint-Nazaire et un pied aux Etats-Unis.
Extrait de Ouest-France, édition de Saint-Nazaire, du 6 juillet 2019 :

Ouest-France Saint-Nazaire, version internet, du 06/07/2019
Un ancien élève de ma sœur à Methacton High School est devenu PDG d'une compagnie aérienne américaine.
Une autre ancienne élève de ma sœur, ex petite amie de mon plus jeune neveu US, après avoir été une proche collaboratrice d'un ministre de la Défense US, occupe aujourd'hui un poste important au ministère du Trésor (le ministère des Finances US à Washington). Elle a été plusieurs fois à la Maison Blanche et elle est toujours en relation avec ma sœur.
Jennifer Holm est également une ancienne élève de ma sœur et de mon beau-frère à Methacton High School près de Philadelphie. Elle est toujours restée en contact avec ses anciens profs. De passage en Paris, elle est venue à Saint-Nazaire pour rendre visite à ses deux anciens professeurs.

Spoiler:

et merci Max pour tes récits de ton vécu avant et après guerre
Je suis cela de "prés"

J-M