Je découvre cette rubrique : les cours de PD et PD rouge.
Commençons par le premier. Des instructeurs de différentes écoles de la marine, de différentes spécialités donc, se retrouvent rassemblés là. L'avantage est, que en dehors de la formation dispensée, il y a grand intérêt à suivre les prestations des copains. Ainsi j'ai été initié, entre autres, au fonctionnement du réacteur nucléaire des SNLE, aux mystères du Doppler et surtout au circuit de lubrification des avions. Joël nous parle de ciseaux et cartons pour fabriquer des aides pédagogiques. Un jeune SM mécaé nous en avait fait une démonstration époustouflante. Même moi, secrétaire, complètement hermétique à la mécanique, cela m'avait paru limpide. Petits bouts de cartons après petits bout de carton, disposés selon les propositions de réponse de la classe aux questions du stagiaire, le circuit de lubrification avait pris forme sous nos yeux. Nous avions ovationné, applaudi, ce SM pour sa prestation. Il existait aussi beaucoup de solidarité, d'entre-aide entre les stagiaires de grades et de spécialités différentes.
Et pourtant, si plus tard il y a la possibilité, selon les fonctions exercées, de passer au PD rouge, moi c'est au cours de PD que j'ai vu rouge, rouge cramoisi même. J'étais alors un jeune maître qui avait tout intérêt à marcher dans les clous s'il voulait poursuivre une carrière sans accroc. Néanmoins, au moment du debriefing, malgré la présence des autorités, j'ai explosé. Colère rouge. Si nous étions des stagiaires, il n'en demeurait pas moins que nous étions instructeurs dans nos écoles respectives, dotés de capacités de jugement, que nous n'étions pas aveugles à ce qui se passait autour de nous, et que nous étions des militaires porteurs de certaines valeurs. Il est des pratiques, des comportements, qu'on ne peut cautionner, quel qu'en soit le risque, par son silence. En quittant les lieux, j'avais dit au CF chef de la division que jamais plus je ne remettrai les pieds dans cet établissement, on y bafouait tous les principes qui font l'honneur et la fierté du militaire. Et si j'en parle aujourd'hui c'est parce que je le pense toujours avec autant de force et que ma colère couve toujours sous les cendres.

Perfecad
Malgré mes déclarations tonitruantes, peu de temps après, je suis à nouveau au CIN St-Mandrier.
Le mot d'accueil du MP instructeur : s'il y en a parmi vous qui sont passés récemment par la salle d'à côté, sachez que ceux qui officient là ne sont pas mes copains. Suit un réquisitoire. Les collègues sont surpris par cette entrée en matière. Moi je sais de quoi il parle. Je comprends surtout que cette fois nous sommes entre de bonnes mains. Et c'est le cas. Ce MP se révèle un excellent pédagogue , mais aussi par ses qualités et son « vécu », une personne que l'on peut s'honorer d'avoir côtoyée.
Nous sommes très peu nombreux à ce stage. Table ronde. Autour de la table, il n'y a pas de préséance, pas plus de vieux maître principal que de jeune maître. L'ambiance est très conviviale. C'est un vrai plaisir de se retrouver là tous les matins. Excellent souvenir.
Cette qualification va me permettre, bien plus tard, de vivre un instant rare et particulièrement jouissif. En effet, pour mon ultime affectation dans la Marine, plus de 20 ans plus tard, je reviens à l'école des Fourriers, comme « coordo » de la division secrétaire chargé, entre autres d'établir les emplois du temps des différentes classes et donc aussi des instructeurs. Peu de temps après mon arrivée, je constate que le module « formation au commandement » est prévu incessamment pour les BAT, or l'instructeur en charge de cette partie, un MP ancien vient de partir en retraite. A qui vais-je pouvoir confier cette partie ? Je vais voir mes copains des autres divisions pour voir comment cela se passe chez eux. C'est le plus ancien dans le grade le plus élevé, qui assure cette formation. C'était donc le cas aussi chez nous. En cas d'absence d'un titulaire, l'un ou l'autre des « spécialistes » peut intervenir chez le voisin. A la date qui m'intéresse, mes interlocuteurs sont déjà pris par des cours de spécialité chez eux. C'est moi le coordonnateur, c'est à moi qu'incombe de trouver une solution. Chez nous, le plus ancien c'est moi, le plus gradé, c'est moi, le seul disponible, c'est encore moi. Pas besoin de faire un dessin. Je prends l'affaire en mains. A l'issue de ma prestation, j'établis ma feuille de notes que je fais parvenir au directeur des études pour visa. Voyant mon nom au bas de la feuille, celui-ci décolle de sa chaise, appelle mon chef de division qui bien sûr m'appelle à son tour. Vous avez assuré le cours de formation au commandement ? Oui. Le directeur des études (quatre galons) est furieux et nous convoque tous les deux, immédiatement, dans son bureau. Ca c'est tout l'école des Fourriers, une insignifiante risée devient tout de suite ouragan. J'en prends pour mon grade. Qui suis-je pour me permettre de prendre de telles initiatives ? On ne s'improvise pas instructeur formation au commandement, etc, etc... Je laisse dire. Je jubile en mon fort intérieur. Pour faire durer le plaisir, j'avance : dans les autres divisions c'est le gradé le plus ancien qui assure ce cours, chez nous c'est moi le plus ancien et le plus gradé (les autres instructeurs sont de jeunes PM). Le dit commandant assène alors l'argument sans appel, le coup de grâce, celui qui doit me faire prendre conscience de ma vanité : pour assurer ce cours, il faut être impérativement certifié PERFECAD. Là, c'est la jouissance. Comme dans le film Johnny Guitare, l'homme sans arme que tout le monde tient pour un imbécile jusqu'à ce qu'il sorte ses flingues du pistoléro qu'il est en réalité, je sors mon artillerie : Commandant, ce certificat n'est plus délivré depuis une bonne dizaine d'années dans la marine. Les deux instructeurs des autres divisions ne sont pas titulaires de cette qualification et d'ailleurs, personne sur cette école ne la possède. Sauf … moi ! But pour moi, balle au centre.