Pour essayer de comprendre et d'expliquer "le fourrier" nous le prendrons successivement dans sa spécialité, dans sa vie en unité, dans ses relations avec l'arsenal et le secteur civil, dans sa formation et nous essayerons de définir ce qu'il risque de devenir ou ce qu'il pourrait de­venir dans un avenir très proche.

I - LE FOURRIER SPÉCIALISTE.

Comme le disent les brochures des bureaux de documentation sur les carrières dans la Marine, les fourriers sont les "comptables" de la Ma­rine et pour ce faire ils assument leurs fonctions sous l'autorité des Com­missaires ou d'Officiers de Marine.

Les affectations qu'un fourrier est susceptible de recevoir sont très différentes tant sur le plan de l'organisation militaire que sur le plan administratif.
Aussi, nous pouvons le trouver dans une unité adminis­trative avec ou sans commissaire, dans un centre administratif, dans une unité rattachée, dans un bureau d'une Direction Centrale à PARIS ou au Cen­tre mécanographique du Commissariat.
Cette énumération n'est pas exhausti­ve.
Comme les autres spécialités, celle de fourrier a une hiérarchie allant de l'apprenti au major en passant par matelot, quartier-maître, se­cond-maître, maître, premier-maître et maître principal. Aussi, dans la suite de notre étude, nous retiendrons essentiellement le fourrier dans sa fonction globale et non pas le fourrier dans ses responsabilités détermi­nées en fonction de tel ou tel grade.

1. Le fourrier dans l'unité administrative.
Sous l'autorité du Commissaire ou du Commandant chargé de l'Ad­ministration, il assure la tenue des comptabilités solde, frais de déplace­ment, caisse d'Epargne, dépenses d'Outre-Mer, Vivres, Matériel et Habille­ment.
C'est dans l'unité administrative qu'il assume la plénitude de ses fonctions.
Elles s'exercent dans le bureau administratif, sous la res­ponsabilité du plus gradé que l'on a continué d'appeler "le patron four­rier" et suivant que l'unité a ou n'a pas de conseil d'administration, le patron dépend du Commissaire ou du Commandant chargé de l'Administration.

Selon la personnalité du "patron fourrier" cette dépendance peut présenter des inconvénients ou des avantages.
En effet, si la dépen­dance vis à vis d'un Commandant chargé de l'administration peut donner au fourrier l'occasion de s'affirmer et de marquer de son empreinte le fonctionnement d'un, bureau administratif il est certain qu'elle élimine tout enrichissement dû à l'apport de connaissances professionnelles, à la formation humaine, et à la collaboration qu'apporte la présence d'un Com­missaire chef de service.
En principe les tâches dans le bureau administratif se répar­tissent en trois ensembles.
- Personnel Finances, (solde, frais de déplacement, caisse d'épar­gne, comptes généraux).
- Vivres.
- Matériel - Habillement.

Et chacun d'entre eux est placé sous la responsabilité de personnes dif­férentes, le "patron" se réservant l'ensemble Personnel-Finances en plus de la direction générale du bureau.
Nous allons donc prendre chacun de ces ensembles en faisant la synthèse de l'essentiel des actions du fourrier.

1.1. L'Ensemble Personnel - Finances.

Pour le fourrier, c'est l'ensemble le plus noble et le plus re­cherché de ses fonctions, car son activité reste au contact mouvant de la réalité et exige une bonne connaissance des administres.
Chaque opéra­tion intéresse un administré, se concrétise par un résultat chiffré et en principe trouve sa finalité dans un paiement.
La satisfaction des droits des administrés qu'il s'agisse du droit aux allocations décomptées ou aux allocations non décomptées impo­se au fourrier des cheminements différents.

- En effet, pour satisfaire les droits aux allocations non dé­comptées (prime de lien, allocations prénatales, postnatales, primes de plongée, de travaux dangereux etc...), il lui faut connaître parfaitement les textes et principalement les circulaires du Service de la Solde, de CMa 1, et la 40 CMa 1, appliquer ces textes aux situations individuelles, constater les droits, enregistrer les paiements, établir les pièces jus­tificatives, obtenir l'acquit du créancier, payer, signaler au Centre mé­canographique du Commissariat (CMC) les sommes payées et établir les dos­siers de mandatement.

- Par contre, dans la satisfaction des droits à la solde, il lui faut connaître parfaitement les procédures du CMC et signaler toutes les informations ayant une influence sur les droits à la solde sur im­primés spéciaux dits bulletins de renseignements "administratifs", "fa­miliaux", "mutation", "mouvements du bâtiment".
C'est au vu de ces in­formations que le CMC détermine les crédits individuels qui apparaissent sur les bulletins de solde.
L'action concrète du fourrier n'en est pas pour autant diminuée vis à vis des administrés, car c'est à lui qu'il ap­partient de les informer, et en cours ou en fin de mois, de calculer ou d'effectuer des avances et de régulariser les soldes.

Pour que le CMC puisse établir la balance crédit-débit de cha­que administre et payer la solde en fin de mois par inscription sur lis­tes de paiements ou par virement sur compte postal ou bancaire, il appar­tient au fourrier de signaler tous les paiements faits dans l'unité et les éléments de crédit non décompté.

En fin de mois, le patron prépare le paiement du personnel fi­gurant sur listes, prend en compte aux fonds privés les sommes non payées procède aux régularisations en cas d'anomalies, et remet les bulletins de solde aux administrés.

Les paiements, outre leur signalement au CMC, sont inscrits dans les dossiers individuels des administrés et dans les comptes généraux de l'Unité, rôle de gestion, livre de caisse.
En fin de trimestre l'arrêté du rôle de gestion permet au fourrier d'établir le procès-verbal trimes­triel d'arrêté de la comptabilité pour envoi au CMC.
Trimestriellement aussi il doit contrôler l'exactitude des BP et signaler les anomalies du CMC.
Dans chaque unité administrative le fourrier assure le fonc­tionnement de la succursale navale de la Caisse Nationale d'Epargne, où chaque administré peut effectuer des opérations de dépôts ou de retraits de fonds comme dans les bureaux de poste.
Toutes les quinzaines, il lui appartient d'établir les pièces qui permettent de justifier les opéra­tions vis à vis de la direction de la Caisse d'épargne, de reverser les excédents de versements ou de récupérer l'excédent des remboursements.

En matière de frais de déplacement, le fourrier constitue les dossiers de changement de résidence pour liquidation et paiement par le service de la solde, paie les frais de mission et de déplacement et pro­cède à l'établissement des dossiers de mandatement qui permettent de "ré­cupérer" les créances du Fonds d'avances.

D'une manière générale, il revient aussi au patron fourrier de provoquer l'établissement des procès-verbaux par le Commissaire ou le Commandant chargé de l'administration, de préparer les projets de notes administratives, de tenir les comptes d'emploi.

Avant le départ de l'unité pour l'étranger, le bureau adminis­tratif participe à la mise en place des devises par l'établissement du dossier Avances Consulaires.

Dans les grandes unités, un fourrier peut être titulaire de la caisse de service et exercer les fonctions de trésorier.

1.2. L'ensemble Vivres.

Dans cet ensemble, le fourrier tient la comptabilité des allo­cations en deniers de l'unité y compris celle des unités rattachées.
Par multiplication des totaux des effectifs nourris par le taux de l'indem­nité de Vivres et éventuellement les taux du traitement de table et après arrêté des différents tableaux du registre des tables et ordinaires il obtient les sommes revenant aux différents groupements.
Ce calcul se fait en fin de mois et en liaison avec le maître commis pour l'évaluation des cessions de denrées de l'ordinaire aux groupements de l'unité.
Il lui ap­partient aussi de payer les vivres aux permissionnaires, de satisfaire les droits aux vivres payés, de calculer la valeur de l'indemnité de vivres en cas de navigation a l'extérieur, et aussi de mandater les sommes acqui­ses par l'unité.

1.3. L'ensemble matériel habillement.
Contrairement aux deux ensembles précédents, celui-ci n'a pas les mêmes "titres de noblesse" et dans les unités il est courant d'y af­fecter des officiers mariniers fourriers non brevetés supérieurs.
Bien que l'importance de cette partie ne soit plus à démontrer, elle exerce moins d'attrait sur le personnel fourrier.

- En liaison avec les différents maîtres adjoints des services, le fourrier tient la comptabilité du matériel de l'unité sur des fiches comptables.
Cette comptabilité très ponctuelle, que ce soit en matériel électronique, en matériel AF-HCC, en matériel de gamelle, en vêtements spé­ciaux, exige du fourrier beaucoup d'ordre et de méthode : dans l'établissement des billets de mouvements, dans leur enregistrement, lors des inventaires, lors du rapprochement fiches comptables - fiches inventaires afin de pouvoir â tout instant saisir les responsabilités en cas de perte et présenter au Commandement une situation exacte du matériel existant à bord.

- En matière d'habillement, le fourrier doit maintenir le stock de l'unité, effectuer les délivrances, procéder aux réintégrations, signa­ler au bureau administratif par BRH les délivrances faites, tenir la comp­tabilité - balance, livre-journal en valeur, inventaire, livrets d'enregistrement et registre des procès-verbaux.
De même le maintien du stock d'habillement en parfait état doit être l'une de ses préoccupations.

Il lui appartient aussi de délivrer les cigarettes, à moins que la coopérative en ait la responsabilité et de reverser les sommes perçues au trésorier de l'unité pour reversement au service HCC.

2. Le fourrier dans un centre administratif.

Dans un centre nous trouvons les mêmes activités que dans une unité administrative.
Dans une unité administrative de moyenne importance, le fourrier peut au cours d'une affectation de deux ou trois ans, "faire le tour du bureau administratif", c'est à dire exercer, pendant un laps de temps suffisamment long pour lui garder toute son efficacité, toutes les activités du bureau.
Par contre dans un centre, qui par définition admi­nistré plusieurs unités dites rattachées le fourrier reste plus longtemps dans le même poste de travail d'où une plus grande spécialisation.

Cette façon de faire, préjudiciable à la formation générale du fourrier, prend malgré tout une grande importance dans la recherche de l'efficacité.
Comme nous le verrons par la suite, ici le fourrier ne connaît plus l'administré, ne connaît plus la vie en unité et les administrés de ­viennent rapidement des numéros mécanographiques.

4. Le fourrier dans un bureau d'une Direction centrale.

Dans un tel poste, le fourrier est affecté à des tâches bien spécifiques.
Parfois la formation professionnelle importe peu, il y est plutôt fait appel à l'expérience, au savoir faire, à la conscience pro­fessionnelle, à la discrétion, à l'autorité et à la connaissance des hom­mes.

5. Le fourrier au Centre mécanographique du Commissariat.

Ici non plus le fourrier n'exerce pas son activité comme dans une unité administrative.

Il y reçoit des tâches de chef de bureau, de codage, d'exploi­tation des informations venant des unités, de contrôle du et des éléments du crédit.
Son rôle y est tout particulier mais n'en est pas moins important compte tenu du paiement centralise de la solde.
Il lui faut connaître parfaitement la réglementation solde, tout en connaissant aussi parfaitement les contraintes propres de l'ordinateur.

II. LE FOURRIER MEMBRE DE L'ÉQUIPAGE.

Si nous prenions le fourrier uniquement en sa qualité de spécialiste, nous pourrions aisément le comparer en tenant compte de son grade et de son ancienneté à un employé de bureau, à un aide comptable ou à un comptable du secteur civil, et cela se ferait peut être à son avantage.
Mais qui dit fourrier ne dit pas uniquement spécialiste, car appartenant au Corps des Équipages de la Flotte il est aussi marin, et par la même fait partie d'un ensemble dont la raison d'être est la préparation au combat.
Comme nous l'avons fait pour la partie "fourrier spécialiste" nous essayerons de cerner le fourrier marin dans sa vie dans l'unité administrative, dans l'unité rattachée, dans un bureau d'une Direction centrale et au Centre mécanographique du Commissariat.

1. Le fourrier en unité administrative.
Le vocable "unité administrative" n'est pas suffisant pour saisir le fourrier marin aussi le prendrons nous successivement dans une unité administrative navigante et dans une unité administrative à terre.

1/1. Le fourrier dans une unité administrative à la mer.

Ici le marin fourrier, dans le sens le plus large du mot, de­vrait se trouver à l'aise.
Hélas, ce n'est pas toujours le cas !
Quel est le jeune ou l'ancien qui n'a pas eu le mol de mer !
Qui au lieu de sortir en escale n'a dû rester à bord pour terminer des travaux même pas commencés !
En effet, la vie dans un bureau à la mer n'est pas de tout repos "mal de mer, clavier de machine à écrire animé de mouvements in­tempestifs, documents, pièces justificatives partant au gré du roulis ou du tangage, odeur des duplicateurs à alcool, tabagie etc...
Ceci étant, la vie à bord n'est pas faite que d'inconvénients.

Le fourrier est en contacts continuels avec les Officiers du bord et par la même le jeune fourrier et même l'ancien réussissent à se construire un petit univers dans lequel ils évoluent bien souvent en de­hors de toute contrainte militaire.

Il en résulte une certaine assurance et parfois une certaine auréole, qui apportent une sorte de considération de la part du reste de l'équipage.

Le rôle du fourrier ne se confine pas dans le volume compris entre les quatre cloisons d'un bureau administratif.
C'est souvent à ta­ble, dans le poste équipage, dans le poste des seconds-maîtres, dans le poste des maîtres, pendant les postes de veille, que ses voisins lui de­mandent conseil, s'inquiètent sur le montant de la solde, sur l'arrêté du cahier de gamelle ou s'interrogent sur tel ou tel bruit de coursive.

A ces questions le fourrier devra répondre.
S'il ne connaît pas la réponse, à lui de la chercher, sinon il perdra rapidement tout crédit auprès de l'équipage.
Le fourrier est le premier à connaître les problè­mes familiaux, et c'est à lui que l'administré demandera toutes les pré­cisions concernant les répercussions sur la solde d'un mariage, d'une nais­sance, d'un enfant cessant ses études, d'une séparation ou d'un divorce.
Pour l'équipage, le fourrier doit tout savoir concernant : sécurité sociale, mutuelle, prêts divers, colonies de vacances, bourses, impôts etc...
La réponse aux questions n'est pas toujours satisfaisante nous verrons par la suite s'il est possible d'y remédier.

Comme les autres membres de l'équipage, le fourrier participe aux servitudes d'intérêt général, corvées, gardes, défiles, poste de veil­le, de combat, fait partie des équipes d'intervention, de sécurité, à un poste de propreté, participe aux inspections, mais bénéficie également des excursions ou visites organisées par le bord.
Par contre il échappe en principe au quart de nuit, ce qui n'est pas un mince avantage, mais qui aussi fait naître de longues discussions entre jeunes et moins jeunes de spécialités différentes.

La participation des fourriers aux corvées est aussi un souci constant pour le chef de service, car par la même il se trouve assailli par les demandes de son personnel, et soumis aux exigences du Commandant ou de l'Officier en second, sans oublier celles du Capitaine d'Armes.

Sur le plan humain la vie dans une unité navigante est très en­richissante.
Le fourrier fait partie du Service Commissariat et y côtoie les cuisiniers, commis aux vivres, maîtres d'hôtel, boulangers, cordon­niers et des matelots recrutés affectes au service.
L'ambiance d'un bu­reau administratif sera souvent fonction de la personnalité du patron fourrier et bien entendu de celle du chef de service.
Plus que nulle part ailleurs les conditions d'une bonne entente y sont réunies, car en principe l'on n'y trouve que du personnel engagé et ayant déjà suivi un cours ou plusieurs cours de la même spécialité.
L'esprit d'équipe dans le service ou dans l'unité se trouve renforcé par le sport collectif et l'expérience montre que les "bras cassés" alimentent fortement les équi­pes d'unités.

1/2. Le fourrier dans une unité administrative à terre
Ici plus de contraintes dues à la vie embarquée, mais aussi disparition ou risque de disparition de toute cohésion.
En dehors des jours de service le fourrier comme le reste de l'équipage s'embourgeoi­se, arrive à l'heure et part à l'heure.
Les contacts avec l'équipage sont moins nombreux, car le bureau administratif n'est plus dans ce cas le centre privilégié ou l'on s'adresse pour obtenir des renseignements.
L'unité peut devenir un lieu sans âme ou n'existent plus les attraits d'une unité navigante.

Les relations entre fourriers sont limitées à celles qu'en­traîne la division du travail : bureaux, secteurs, sous-secteurs, et il faut de fortes personnalités pour réussir à faire un ensemble homogène de toutes les individualités d'un bureau administratif d'une unité à terre.

2. Le fourrier dans l'unité rattachée.

Ici le fourrier se trouve un peu esseulé, il ne peut se ratta­cher à l'organisation hiérarchisée d'un service commissariat.
Que l'uni­té soit navigante ou non, il y est en principe seul.
Vers lui vient l'équipage pour qui il reste source d'informations au même titre qu'un bu­reau administratif.
En fonction de l'expérience du fourrier, l'informa­tion peut se transformer en une collecte de questions pour information ultérieure auprès du Centre administratif.
Ainsi dans ce genre d'unité, le fourrier perd un peu de sa spécialité pour se fondre davantage dans l'ensemble de l'équipage.

3. Le fourrier dans un bureau-d'une-Direction centrale­.

Au centre mécanographique-du Commissariat.
Dans ce genre d'affectation, le fourrier se fonctionnarise, les collègues deviennent des relations de travail, l'esprit de corps, d'équi­pe, les contraintes de la vie militaire sont très atténués et les acti­vités sont purement celles de spécialistes.
Les contraintes militaires s'atténuent, le fourrier en dehors des heures de travail est libre, aus­si, comme dans les unités à terre est-il bien souvent attiré par des ac­tivités dont la finalité est l'acquisition de connaissances nouvelles ou la préparation d'examens ou concours.

III. LE FOURRIER DANS SES RELATIONS AVEC LES ORGANISMES EXTÉRIEURS A L'UNITÉ.

1. Le fourrier et le Service de la Solde.

Les relations avec le Service de la Solde sont en principe ré­servées au patron fourrier.
Elles sont généralement empreintes de beau­coup de souplesse et de docilité de la part du patron, car n'oublions pas que le Service de la Solde vérifie l'Unité administrative au moins une fois par trimestre.
Malgré toute la valeur professionnelle de l'équipe des fourriers d'une unité administrative, le Service de la Solde occupe la place du "juge" et l'unité celle de "l'accusé".
Aussi avant d'avoir à justifier son action, le patron peut s'informer afin de parer les coups, s'inquiéter de telle ou telle interprétation de texte ou s'instruire au­près du personnel spécialisé du Service de la Solde.
Ces relations exi­gent de la part du patron une bonne connaissance de ses propres capaci­tés, un désir de bien faire, une certaine réceptivité, un honnête sens des relations humaines et une ouverture sur l'extérieur.
Ceci n'est pas toujours évident, car qui n'a connu de ces fourriers qui croyaient pos­séder toute la science administrative ?

A l'heure actuelle, les procédures administratives sont si com­plexes, les textes si filandreux, qu'un patron fourrier qui voudrait tra­vailler enfermé dans sa coquille, verrait son action irrémédiablement vouée à l'échec.

2. Le fourrier et les autres services de l'arsenal.

Ces relations intéressent surtout les fourriers affectés au ma­tériel et à l'habillement.
Le sens de la débrouillardise doit être très développé, le temps ne doit plus être un impératif.
Qui n'a vu ces four­riers jouant les malheureux ou les victimes d'un système, auprès des ser­vices des arsenaux, soit pour obtenir des délivrances rapides de maté­riel, d'habillement, soit pour procéder à des échanges, soit pour obtenir des signatures de billets de demande, en se plaignant d'être soumis aux impératifs de leurs chefs et d'être les victimes du manque de compréhen­sion des services des arsenaux !
N'ayant pas eu satisfaction à l'arsenal, le fourrier rendra comp­te, sera peut être rendu responsable de la non satisfaction des demandes et aura tendance à se culpabiliser.
D'où il est utile de confier ces re­lations à des anciens déjà dotés d'une bonne expérience et d'un grand sa­voir faire.

3. Le fourrier et le civil.

Les relations des fourriers avec le civil sont bien limitées et d'une façon générale le rôle du fourrier se limite à des dépôts ou re­traits de pièces que ce soit dans les services de la Trésorerie générale des banques ou des Consulats en cas d'avances consulaires.

5. Le fourrier et le Centre mécanographique du Commissariat.

Dans ce domaine, les relations sont souvent impersonnelles , car vis â vis du CMC, le rôle du fourrier consiste surtout â fournir les informations suivant une procédure bien codifiée.

IV.- LA FORMATION DU FOURRIER.
La formation du fourrier s'effectue à l'École des Fourriers en trois étapes.
- le cours du brevet élémentaire
- le cours du brevet d'aptitude technique
- le cours du brevet supérieur

1. La formation du matelot fourrier.

Au centre de formation maritime d'HOURTIN le jeune engagé choisit sa spécialité.
Celle de fourrier exige un niveau scolaire au minimum équivalent à la troisième, une bonne motivation maritime, mili­taire, administrative, un certain esprit d'analyse et de synthèse.
Après un mois de formation militaire, le jeune apprenti rejoindra l'école des fourriers.

C'est le brevet élémentaire obtenu après quatre mois de sta­ge qui lui permet d'accomplir ses premiers pas en unité qu'il choisit en fonction de son classement de fin de cours.
La formation est très succincte, c'est surtout une formation d'opérateur : tapage à la machine, connaissance des tâches élémentaires en matière de solde, vivres, frais de déplacement, caisse d'Épargne, matériel, habillement.
Le jeune marin ne fait que prendre conscience de son rôle futur de spécialiste.
Selon sa motivation, ses capacités, ses possibilités intellectuelles, l'adap­tation sera plus ou moins rapide et la notation plus ou moins bonne.
En fonction de ces derniers critères et aussi en fonction de la note obtenue à la fin du cours du brevet élémentaire nous le retrouverons au plus tôt trois ans après, au cours du brevet d'aptitude technique.

2. Le B.A.T.

A ce cours qui dure quatre mois nous trouvons des quartiers­ maîtres ayant déjà 3, 4 ou 5 ans de pratique de la spécialité à l'ex­ception de ceux qui proviennent de la filière de formation accélérée.
A l'école ils reçoivent une formation plus approfondie de spécialiste.
De ce cours ne sortent pas des experts comptables !
Mais des quartiers ­maîtres aptes à remplir en sous-ordre toutes les tâches dévolues à un bureau administratif.
Compte tenu de l'expérience acquise en unité, de la maturité due à l'âge, du désir de faire carrière et d'une motivation certaine, l'on peut dire que ce cours forme des éléments de très bonne valeur.
La rapidité d'accès au Brevet supérieur sera ensuite fonction des notes obtenues au B.A.T et des notations annuelles.

3. Le brevet supérieur.

En principe, les officiers-mariniers qui accèdent à ce cours possèdent déjà une bonne formation professionnelle.
Mais trop souvent les connaissances se sont trop spécialisées, aussi ce cours tout en formant des chefs de bureaux administratifs, va s'efforcer d'approfon­dir et d'affiner les connaissances dans toutes les branches de la spé­cialité.
Nous ne parlerons pas du brevet supérieur technique dont le seul but est d'attribuer l'échelle de solde n° 4 aux officiers-mari­niers non titulaires du brevet supérieur.

V. ÉVOLUTION DE LA SPÉCIALITÉ DE FOURRIER 1.

1. Ce qu’elle-était.

Il y a plusieurs années, l'on trouvait chez le fourrier tou­tes les qualités du bon artisan.
C'était l'homme méticuleux, soigneux, fier de sa spécialité, aimant le travail bien fait, connaissant les tex­tes et sachant les appliquer.
Qui n'a entendu ces anciens fourriers, parlant avec nostalgie des documents tenus comme des objets d'art, de la préparation de la solde, de l'arrêté annuel des cases de rôle, du parfait paiement et de la remise de la comptabilité au service de la solde.
Mais l'évolution, la multiplicité des textes, leur complexité, la marche vers une administration tenant compte de tous les cas parti­culiers et l'adoption du paiement centralisé, le changement des mentalités, fait qu'aujourd'hui nous avons un fourrier tout différent.

2. Le fourrier d'aujourd'hui.

Aujourd'hui, le fourrier d'unité se trouve progressivement et de façon irréversible dépossédé de l'essentiel de ses activités.
En ma­tière de solde, son rôle se limite à signaler au CMC toutes les infor­mations qui lui permettent de payer le personnel et de tenir les comp­tes généraux de l'unité.
Bien entendu le fourrier garde des attribu­tions capitales tant pour la bonne marche du système, que pour le moral des administrés : ainsi il lui appartient de calculer et de payer des avances et d'effectuer des régularisations de solde, et de tenir les comptes généraux de l'unité.

Par contre en ce qui concerne les allocations non décomptées, le fourrier constate les droits, paie et mandate.
En ce domaine son ac­tion reste donc entière, mais il est évident qu'un jour plus, ou moins éloigné, le CMC absorbera le non décompté.

En matière de frais de déplacement, l'action de l'unité se limite à rassembler les différentes pièces et à les transmettre au ser­vice de la solde pour liquidation et paiement, donc ici aussi, sauf pour la satisfaction des droits aux frais de route ou de mission, le four­rier ne fait que collecter les informations.

A ce jour le rôle de l'unité sur le plan du matériel, de l'habillement, des vivres reste à peu près intact, mais pour combien de temps encore ?
Pour le jeune fourrier, le fait de remplir des imprimés dans une forme codifiée entraîne un automatisme, et par la même, atténue l'effort de réflexion et fait disparaître tout besoin de connaissances des textes.
Déjà il n'est pas rare de trouver des fourriers ne sachant plus informer le personnel de ses droits, ni expliquer un bulletin de solde, ni calculer une solde et laissant toute responsabilité de déci­sion ou de calcul au CMC.

Les textes deviennent si nombreux, si complexes et si mou­vants que le fourrier se spécialise de plus en plus; ainsi actuellement le passage d'une affectation "matériel" à une affectation "solde" se fait plus difficilement et les adaptations demandent plus de temps.

Le recrutement se fait sur des bases scolaires trop faibles­ origine du découragement de nombreux fourriers face à l'évolution ra­pide des textes et de la technique et aussi l'absence de tout effort permettant de rester averti de tous les changements.
Aujourd'hui plus que jamais, le bureau administratif est le lieu où l'administré s'adresse pour obtenir des renseignements les plus divers.
Hélas ! faute du savoir nécessaire le fourrier ne peut pas tou­jours y répondre.

Dans l'ensemble le niveau moyen du personnel est de plus en plus faible et dans un bureau, les taches qui, il y a quelques année s'étaient confiées à des quartiers-maîtres, se déplacent vers les grades les plus élevés et l'accélération de l'avancement ne suffit pas à expliquer cette évolution.

Actuellement, un fourrier pendant une affectation ne fait pra­tiquement que de la solde, ou des vivres ou du matériel-habillement.
Pour obtenir une honnête efficacité et malgré une diversité dans les connaissances acquises en école, un chef de service a tendance à main­tenir le personnel au même poste et cela dans l'intérêt du service.
Ainsi le risque est grand de voir le personnel se désintéresser de sa spécialité, ne serait-ce qu'en solde, car pour lui le CMC est un orga­nisme lointain qu'il faut informer tout en restant dans un canevas re­lativement rigide.
Si dans une tâche il faut constater les droits, leur appliquer une réglementation et en déduire les sommes à payer à l'ad­ministré qui attend derrière un guichet, il est évident que cette tâche est plus captivante et enrichissante que celle pour laquelle il suffit de collecter des informations pour un organisme qui se charge du paie­ment.
Cela est valable pour la solde et les frais de déménagement.

Ce survol du fourrier d'aujourd'hui pourrait laisser le lec­teur très sceptique mais il faut reconnaître que dans les unités nous trouvons un personnel avide de réussir, plein de bonne volonté, dévoué au service, consciencieux, honnête, tout en étant conscient des problè­mes que posent sa formation et son utilisation.

Si l'on n'y prend garde, le danger est grand de n'avoir que de simples opérateurs, bons exécutants, mais sans initiative et ne pos­sédant même plus les connaissances élémentaires de la spécialité.
L'évo­lution des techniques administratives, la concentration des moyens et du pouvoir de décision sont irréversibles donc si l’on ne veut pas que cet­te spécialité disparaisse il faut l'adapter aux méthodes actuelles et pour cela modifier sa mission et revoir la formation.

3. Le fourrier de demain.
Dans le domaine des vivres et du matériel habillement les ré­glementations sont relativement stables et n'évoluent pas dans le sens qui consiste à transformer le fourrier en simple opérateur.

Par contre le problème est tout différent en matière de solde et de comptes généraux de l'unité.

Ici, le fourrier se transforme en m lais dans la transmission des informations; de ce fait il devient de plus en plus incompétent ce qui aura pour effet d'amener les organismes centralisateurs à augmenter leurs propres attributions et par la même à minimiser encore plus le rôle des unités.

L'ordinateur a obtenu ses lettres de noblesse dans la Marine, donc de plus en plus il faudra l'approvisionner en informations de tous genres.

Aussi importe-t-il de former le fourrier à ce rôle de fournis­seur intelligent d'informations.
Il faut donc, dés le cours du brevet élémentaire lui donner une information sérieuse, sur les possibilités de l'informatique, lui enseigner le pourquoi d'une information et non pas seulement lui apprendre à remplir un imprimé.
Actuellement cette action se fait au niveau du cours du B.S, mais ce n'est pas suffisant car ce n'est pas le B.S qui à lui seul, accomplit toutes les tâches d'un bureau administratif.

Dans l'unité la manipulation des fonds est appelée à disparaî­tre, les opérations financières se faisant par comptes courants postaux, bancaires ou Trésor.
Aussi le fourrier, du matelot au plus haut grade, doit être familiarisé à l'utilisation de ces comptes et en posséder une parfaite connaissance.

De plus en plus les administrés s'adressent au bureau admi­nistratif pour obtenir des renseignements les plus divers.
Aussi serait ­il bon de saisir cette occasion pour donner au personnel administratif un complément de formation plus ouvert sur l'extérieur.
A partir du cours du B.A.T le fourrier devrait acquérir l'essentiel ou tout au moins être sensibilisé aux questions relatives à la sécurité sociale, aux mutuelles, aux différents prêts susceptibles d'être accordés au ti­tre du logement, aux actions de l'action sociale tant sur le plan des colonies de vacances que sur les aides pouvant être apportées aux famil­les nécessiteuses, aux avantages offerts par la SNCF, aux problèmes des logements du personnel dans le secteur privé ou par la SOGIMA par exem­ple, aux assurances-vie, aux relations avec les familles en cas de dé­cès, au reclassement dans le civil, aux impôts...
Cela donnerait un at­trait supplémentaire â la spécialité.
Il faut aussi développer dans cet­te spécialité l'esprit d'analyse, de synthèse, d'initiative, élever le niveau scolaire des jeunes apprentis, et leur apprendre à constituer un dossier quel qu'il soit d'une manière logique et concrète.
Tout cela im­plique l'acquisition de nombreuses connaissances mais ce n'est pas ir­réalisable.

Les cours ne doivent plus rester les seules étapes où, déta­chés du service, le fourrier apprend le maximum dans 1e minimum de temps.
La formation devrait se faire également en unité, sous forme de conférences et pourquoi pas d'études de matières déterminées à l'avan­ce puis contrôlées par des tests ou par de courts devoirs écrits.
Cela permettrait d'éliminer dans les services l'habitude qui consiste à uti­liser les connaissances du personnel en laissant à d'autres le soin de les lui donner.
Cette formation "continue" serait bénéfique pour tous et surtout l'administré obtiendrait une meilleure information et se sentirait plus près de l'administration.

Le personnel administratif ainsi se sentirait moins isole et son besoin de comprendre l'engagerait si nécessaire à élever son niveau de connaissances "scolaires".
Il devient ainsi nécessaire d'extraire le fourrier de son lieu de travail, ne serait-ce que quelques heures par mois, pour lui per­mettre de retrouver les fourriers des autres unitès.
Ces réunions pourraient se faire à l'échelon port par exemple et être organisées par les Directions locales du Commissariat.
A ces réunions les Commissaires ap­porteraient l'information générale, le pourquoi des textes et s'inquié­teraient des problèmes.
De cette manière prendrait naissance un esprit de corps et l'émulation s'installerait.

Cet esprit de corps demande à être développé, mais pour ce faire il faudrait aussi innover. Le fourrier, exécutant, n'est découvert par le Commissaire qu'à l'embarquement dans sa première affectation.
L'idéal bien sûr serait que les écoles du Commissariat se trouvent dans la même école et que vienne s'y greffer l'école des fourriers ; l'ensem­ble, place sous la responsabilité de la Direction centrale du Commissa­riat permettrait d'obtenir une meilleure orientation dans la formation, apprendrait aux futurs membres d'un même service à se connaître et cet­te action serait bénéfique tant pour le service que pour les administres.
La Marine, école de formation humaine par excellence, y aurait tout à gagner.

La formation du fourrier, principalement du B.S, pourrait aussi comprendre une initiation à la comptabilité des coopératives ce qui apporterait une aide au Commissaire et le rendrait plus disponible au bureau administratif.
Il faut aussi apprendre â l'élève B.S à mieux connaître ses administrés et développer le sens des relations humaines.

En cours d'affectation le patron fourrier devrait maintenir un contact constant avec l'école des fourriers par le truchement de fiches navettes dépourvues de tout formalisme, pour exposer les difficul­tés rencontrées et apporter toutes suggestions.
Cela aussi pourrait s'établir entre unités et CMC ou entre Unités-École des Fourriers puis CMC.

Ainsi s'établirait entre tous les responsables des échanges continus d'informations, pour une meilleure administration.
La spécia­lité posséderait ainsi une dynamique, qui la rendrait plus efficace et plus attrayante.
Ce survol de la spécialité de fourrier montre que ses tâches sont nombreuses et variées.
Malgré l'évolution des techniques le four­rier reste encore nécessaire dans l'unité, mais sa formation reste fi­gée.
Aussi importe-t-il d'adapter cette spécialité â la Marine d'au­jourd'hui en améliorant sa formation et en élargissant son champ d'ac­tion, cela pour une meilleure information et une meilleure administra­tion du personnel.

Officier des Équipages de 1ère classe Pierre LE SCORNEC