Entretien avec le CA Olivier Coupry, commandant la Force maritime des fusiliers marins et commandos (ALFUSCO).
Amiral, quelle est, selon vous, l’importance de l’histoire de Philippe Kieffer pour les commandos d’aujourd’hui ?
Haute, voire très haute !
L’histoire de Philippe Kieffer et de ses bérets verts débarquant sous le feu le 6 juin 1944 pour participer à la libération de la France est définitivement dans la geste commando, même si les commandos marine ont connu bien d'autres épreuves et bien d'autres combats au cours de la deuxième guerre mondiale puis des guerres d'Indochine et d'Algérie.
Aujourd'hui, la plupart des jeunes qui se présentent au stage commando connaissent l'épopée de leurs anciens : engagement en 1941, 42, ou 43 en Angleterre, stage de sélection et entrainement dans les Highlands, premiers raids à travers la Manche, débarquements de Normandie, opérations sur le sol de la Patrie puis en Hollande.
Même si les commandos marine ont évolué et se sont adaptés aux différents conflits qu'ils ont traversés, aux technologies et aux techniques les plus récentes, ils ont su maintenir intact l’esprit d'audace, de créativité, de dépassement de soi et d'équipage hérité de Kieffer.
Philippe Kieffer est vraiment le père fondateur des commandos marine français.
On dit souvent que les commandos sont en évolution permanente et que c’est ce qui constitue leur force.
Pouvez-vous nous préciser concrètement en quoi le commando Kieffer représente cet esprit ?
En 2001, lors d’un déplacement en Angleterre, le commandant du SBS1 me disait que son unité s'était réorganisée tous les cinq ans depuis sa création, et que selon lui ce mouvement en avant permanent était une condition impérative de succès pour des unités de forces spéciales.
Je partage ses vues, et à l'examen, il est vrai que nous aussi, les commandos marine, sommes en évolution permanente.
La remise en questions n'est pas une option si nous voulons conserver notre avantage fondé principalement sur la surprise.
Elle fait désormais partie de notre ADN.
La création du commando Kieffer en 2008 est un bon exemple de cet état d'esprit : cette unité est conçue pour donner l'avance nécessaire aux forces spéciales de la Marine : avance technologique et tactique.
Le commando est bâti autour de cette dynamique, et plus qu'une construction hiérarchique pyramidale, sa structure se compose de spécialistes, d'experts autonomes, qui savent prendre et conserver l’initiative dans leurs domaines de prédilection, au sein de cellules resserrées et dirigées par des officiers de toutes spécialités, choisis pour leur compétence et leur expérience acquises en commandos, en flottilles, à bord de bâtiments de guerre ou en état-major.
Le commando Kieffer, est aujourd'hui à la croisée de deux processus qui se nourrissent mutuellement : le retour d'expérience des théâtres d'opérations et l'anticipation des combats futurs.
Comment le patron des « forces spéciales de la Marine » utilise aujourd’hui le commando Kieffer ?
Avec fierté et un soupçon de jalousie, car j’aurais bien aimé pouvoir commander une telle unité aussi bien ancrée dans son temps et dans ses problématiques.
Concernant son emploi sur le terrain, je ne peux pas entrer ici dans le détail de ses déploiements, mais le commando est très sollicité.
Le commando Kieffer est aujourd'hui sorti de l'adolescence : toutes ses capacités ont déjà été utilisées sur différents théâtres d’opérations ou à défaut dans de grands exercices interarmées : cellule de commandement au niveau opératif ou tactique, cynotechnie de combat, micro drone, guerre électronique, NRBC2 et munitions spéciales.
Je crois que Philippe Kieffer n'aurait pas désavoué cette belle unité à l'image de son audace intellectuelle et physique.
1 Le Special Boat Service est une unité des forces spéciales de la Royal Navy.
Constituée en majorité de soldats provenant des Royal Marines, le SBS remplit les mêmes missions que le SAS (Special Air Service) de l’armée de Terre, avec une spécialité dans le milieu maritime.
2 Nucléaire, radiologique, biologique, chimique.
J-M