Beautemps Beaupré, Capetown, Août (?) 1964.

Escale, visite officielle, bâche à rayure rouge et blanche, comme chez mon boucher, lorsque j'étais gamin.
Le navire étant équipé de hamacs pour tous, sauf les maîtres et plus, chacun dormait où il voulait.
Dans les postes, en mer ou quand il fait froid.
Bonjour les ronflements, pets, grognements, rêves tout haut...
Où là où on voulait, là où on pouvait.
Local voilerie, pres de la barre, et les hélices, pour le voilier, dans la cambuse pour le marchand de soupe, dans le local photo, pour le petit malin, au pied de l'émetteur radar pour moi, sur le tapis de caoutchouc, le caban plié en boule comme oreiller, avec pour seule couche le hamac et ma couvrante, dans les passavants pour beaucoup, mais gare aux embruns, vagues audacieuses et poissons volants suicidaires...
A quai partout, ou presque.

Donc, ce jour, enfin, cette nuit, j'étais avec deux ou trois amis avec lesquels je suis resté en relation, dont l'intéressé (oui, c'est vraiment le mot).
Nous avions accroché nos sacs à viande sur la plage arrière, sous le pont des grues, au pied des échelles reliant les deux niveaux.
J'étais à deux crochets plus loin et mon pote, un jeune canonnier, assez canon, il faut reconnaître, tout près de cette échelle.
La fête commence, s'avance, continue, se prolonge, dure et se poursuit toujours.

Musique (je ne me rappelle plus si c'était un orchestre ou un pick up) les garçons au boulot, assistés de quelques volontaires, les officiers du bord, le consul, le vice machin, le directeur du port, celui du machin-chose, des représentants de l'autorité trucmuche, des guignols, des piques assiette, accompagnés de leurs épouses, maîtresses, fiancées ou call girl du moment.

Les verres se vidaient parfois plus vite qu'ils ne se remplissaient, ce qui amenait deux phénomènes que nous connaissons tous, nous les marins, même les plus sérieux : L'envie de pisser et la cuite, l'une allant parfois sans l'autre.
Toujours est -il qu'une femme, sud africaine, blanche, en robe décolletée et courte (c'était la mode de la mini-jupe), cherche les toilettes.
Elle tâtonne la bâche, ayant probablement compris que c'était son seul côté où sa délivrance pouvait venir, puisque sur les trois autres bords, c'était la mer.
Elle tâtonne et finit par trouver à passer derrière le fameux rideau et se retrouve du côté des marins dormant ou faisant semblant.
Là, mon pote dormait, en faisant du camping : sa tente était déjà montée, en autre termes, dans son sommeil, il était en érection.
La femme voit un hamac, un mec dedans, un mât bien planté, alors curieuse, à moins qu'elle ne soit en manque, elle soulève le drap, aperçoit le tangon et les bollards, et appelons une chat un chat, lui taille une pipe.
Une fois son affaire terminée, elle le remercie (en anglais) et se barre.

Les autres, les pauvres oubliés, nous n'avons pas dormi de suite.
Je crois que l'un d'entre nous a déplacé son hamac.
Mais les miracles n'arrivent qu'une fois.
Hélas !

Le pacha CV Teissereng.


Photo tirée par le photographe du bord.

Le Vice-Amiral Lorain derrière, Pierre Messmer.


Photo tirée par le photographe du bord.

La chute n'a pas eu lieu.


Photo tirée par le photographe du bord.

Michel