Je devais me présenter le lundi dans la matinée sans heure précise.
Vers les 09h00, chargé de ma valise et de mon sac, je suis arrivée devant les étraves de ces fameux navires que l'on appelait les escorteurs rapides.
En passant un par un les noms, je me suis aperçu rapidement qu'il en manquait un, et bien attendu, c'était le Champenois.
Je me suis dirigé vers une coupée tenue par un matelot et je lui ai demandé si il savait où se trouvait le Champenois. Il porte son regarde sur le côté tribord et me dit : "il était là à couple et il a du partir en mer."
Le second maître qui l'accompagnait me demande mon titre d'embarquement et me dit : "rends toi dans les bureaux de l'amirauté, ils vont te diriger vers un autre embarquement."
Donc, par ces conseils je me dirige vers ce bâtiment, un peu inquiet tout de même.
Une fois à l'intérieur, j'arrive à trouver un bureau où l'on me reçoit et au bout de quelques minutes avec un nouveau titre me voilà embarquer sur le Bourguignon.
Après les formalités, on me donne l'emplacement de ma bannette et me dirige vers le PC Télec où je fais la connaissance de mes collègues.
Le reste de la semaine s'est passé tranquillement et arrivé le vendredi, le capitaine d'arme est venu me voir en me disant que je devais rejoindre le Champenois.
Mais où et comment ?
Il est parti se renseigner et revient me voir.
Le Champenois me dit-il est en opération pour un mois et la semaine prochaine, il fait escale à Lisbonne.
Vous imaginez ma surprise surtout qu'il ne m'indique pas comment je vais me rendre au Portugal.
Du haut de mes dix huit ans, l’angoisse est grande.
La matinée passante, une diffusion par hauts parleurs m'indique que je dois me rendre dans la cabine du Commandant en Second. Et là, il me tend un nouveau titre d'embarquement sur le Rhone.
"Tu dois être présent lundi matin à Lorient avant 08h00, le navire prendra la mer pour cinq jours. Vendredi prochain, il fera escale à Lisbonne et tu rejoindras le Champenois qui y sera également."
Donc, le lundi matin à heure pétante, je me retrouve devant la coupée du Rhone avec mon bardas.
On m'indique ma bannette sans me donner d'autres précisions et me voilà en tant que passager pour cinq jours de croisière.
Le vendredi matin, le Rhone s'engage sur le Tage et vient s'amarrer le long des quais de la capitale portugaise.
Je monte à la passerelle où je vois un officier et lui pose la question de savoir comment je dois faire pour embarquer sur le Champenois.
Il me répond de rester là et de surveiller l'arrivée de l'escorteur.
Et toute la matinée, j'ai vu des bâtiments militaires de différentes nationalités défilés. Certains allant s'amarrer le long des quais et d'autres allant mouiller en rade. Vers midi, une silhouette me rappelant un escorteur est passé. C'était le Champenois. Il est parti mouiller au fin fond de la rade et là je me suis dit : tu n'es pas encore dessus ton bateau, il va falloir attendre".
Je suis allé manger et après mon repas pris, je me suis rapproché d'un officier à la passerelle qui lui, a appelé par VHF le Champenois. Quelqu'un lui a répondu que la barcasse allait être mise à l'eau et que l'on venait me chercher.
Au bout d'une bonne heure d'attente, l'embarcation était le long du Rhone et je pouvais déposer ma valise et mon sac à son bord.
A peine avions nous quitter le Rhone, que le matelot mécanicien me tend une gamelle et me dit qu'il va falloir écoper, car nous prenions l'eau. Pour vous dire, je ne m'étais même aperçu que j'avais les pieds dans la flotte.
Nous avons réussi tout de même à arriver jusqu'au Champenois sans couler et là j'ai pu monter à bord après quinze jours d'errance.

J'étais, comme beaucoup de nouveaux appelés embarqués quelques jours plutôt, un novice dans ce genre de déroulement d'action.
Dès que j'ai entendu, par la diffusion générale, l'appel, je me suis précipité directement au PC Trans, car je ne connaissais pas le lieu où je devais me rendre.
Le maître radio Bouté se tenait là et a compris tout de suite que j'avais besoin d'aide. Il désigne un chouff radio de ne m'a pas me lâcher et de m'accompagner aux différents endroits des exercices. Et bien entendu, je devais m’équiper à chaque fois des fameux téléphones à plastron. Ceux qui l'ont utilisé, savent que ces appareils fonctionnaient tant bien que mal.
Je me souviens du dernier exercice qui devait être un poste de combat où je me suis retrouvé à la passerelle, coiffé d'un énorme casque. Mon téléphone branché, j'attendais les ordres donnés par le commandant. La passerelle n'était pas très grande et le personnel présent était attentif.
L'amiral se tenait à côté de moi, lorsque le commandant m'a demandé d'appeler la plage arrière. J'ai exécuté son ordre, mais je n'avais pas de retour. Est ce qu'il y avait un problème de matériel ?
Très certainement.
Le commandant étant très concentré dans le déroulement de l'exercice m'a un peu oublié, à ma grande satisfaction.
Au bout d'un moment, le commandant s'est rapproché de l'amiral qui se tenait toujours à côté de moi, et une conversation a commencé entre eux.
Les exercices étaient finis.
L'amiral a fait les éloges des compétences de l'équipage et je voyais que le commandant était plutôt ravi.
Ils se sont serrés la main et alors que je m'y attendais pas, l'amiral tend sa main vers moi et me dit : "félicitation matelot, vous avez fait du bon boulot".
Ah, si il avait su que mes compétences étaient quasiment nuls, il ne m'aurait pas donné ses félicitations.

Ceux qui ont connu le mal de mer, peuvent comprendre que si on n'arrive pas à le maîtriser rapidement, cela devient vite catastrophique.
Mon monde à bord, c'était réduit à trois endroits.
Le PC Télec où mon activité était nul, les WC et la bannette.
Le troisième jour, je me tenais dans ce lieu confortable, allongé, où l'on peut trouver le sommeil.
J'étais tellement épuisé que je n'ai pas entendu l'appel de réveil de 15h00.
Et bien entendu, la personne qui est venu me sortir avec fracas de ma couche, a été le capitaine d'armes.
Sans écouter mes explications, il m'a amené dans la cafétéria des matelots où il m'a demandé de nettoyer le sol.
J'étais mal en point et la serpillière me permettait de nettoyer le peu qui me restait dans l'estomac.
Au bout, d'une bonne heure, il est revenu me voir et m'a dit qu'il m'avait inscrit sur le cahier des punitions et que j'allais être convoquer chez le commandant en second.
J'étais complètement dépité.
Au bout d'un moment, je me tenais dans le bureau de l'officier supérieur.
Et voici, ce qu'il m'a dit.
Matelot, cela fait seulement six jours que vous êtes présent et vous montrez déjà une incompétence à faire votre travail. Je vous ai observé au PC Télec où vous étiez avachie sur un téléscripteur.
Donc, pour les raisons de ne pas vous êtes levé et de ne pas être capable de tenir le rang à vos heures de travail, je vous inflige trois jours de prison que vous purgerez dès demain.
Cela a été pour moi, un coup de massue car je m'y attendais pas. J'aurais préférer qu'il me disse de me rendre voir le médecin du bord. Que celui ci puisse me donner un médicament contre le mal de mer et arrêter les vomissements.
Mais non, j'ai été mis à la dure réalité de la vie d'un marin.
Par la suite, j'ai appris à prendre mes précautions avant de prendre la mer en sachant que l'on allait se faire secouer, en prenant de la Nautamine.