par Max Péron Dim 8 Mar 2015 - 18:29
1978 L'affaire du "Tritonis"
Lundi matin 20 février, poste de manœuvre général. Appareillage et cap sur l'archipel des Comores. A peine étions nous en mer, poste de combat et exercice incendie, histoire de bien réveiller tout l'équipage (beaucoup étaient sortis la veille pour "tirer une piste" avant de quitter Djibouti). Vendredi 24, nous franchissions la Ligne, autrement dit l'Equateur. Plus des deux tiers de l'équipage ayant été renouvelés depuis la dernière campagne de 1976, les néophytes étaient fort nombreux. Ils furent traités comme l'exige cette vieille et noble tradition en usage dans la Royale depuis des lustres. Dimanche 26 février, le Bourdais arrivait à Dzaoudzi dans l'île de Mayotte qui, contrairement à Djibouti et aux autres îles des Comores, avait choisi de rester au sein de la République Française.
A peine étions arrivés dans l'immense lagon de Mayotte, nous n'eûmes même pas le temps de mouiller. Nous repartîmes presque aussitôt pour nous porter au secours du "Tritonis". Petite explication : la Grande Comore - l'île qui avait choisi l’indépendance - était devenue une dictature sanguinaire. De nombreux habitants cherchaient à fuir Anjouan par tous types d'embarcations pour venir se réfugier à Mayotte, îlot de paix et de relative prospérité au milieu de cet archipel en folie.
Le "Tritonis" avait réussi à quitter Anjouan avec neuf réfugiés politiques à bord. Lors de sa fuite, le navire avait été copieusement mitraillé par la police et l'armée. De nombreux impacts de balles en portaient témoignage, en particulier au niveau du bloc passerelle.
Dieu merci, personne n'avait été tué et le "Tritonis" avait réussi malgré tout à poursuivre sa route. A mon humble avis, pour stopper un navire, il faut au minimum un canon de 40 mm.
Nous fîmes monter les réfugiés à bord du Bourdais et trois marins de chez nous prirent en charge le bateau comorien.
Les réfugiés nous racontèrent plein d'horreurs sur ce qui se passait dans la Grande Comore .../... je m'autocensure volontairement sur ce passage .../... Nous n'avons évidemment pas pu vérifier leurs dires.
Le lendemain matin, un équipage venant d'Anjouan venait reprendre possession du navire. La France ne voulait pas être accusée de vol ou d'acte de piraterie. Le Bourdais raccompagna le "Tritonis" jusqu'à la limite des eaux territoriales.
Tu vois, Jean-Léon, il n'y a pas que les Seychelles qui ont eu quelques problèmes après l'indépendance. On pourrait aussi parler de Djibouti ...