par Timonier Belladone Mer 4 Déc 2019 - 17:54
A Roli,
Je ne veux pas répondre à la place de Robert, mais je présume que, vu le nom, la Jonquille était un dragueur de mines, construction canadienne si je me souviens bien, coque en bois, conçu à l'origine pour purger les côtes d'Indo des milliers de mines qu'avaient laissé les japonais.
Et il est vrai qu'au cours des multiples dragages avec le Géranium, l'Aubépine et la Belladone entre autres, nous avons fait exploser des quantités d'engins de ce type, surtout au large de la rivière de Saïgon et en montant jusque Tourane.
Plus au large, les profondeurs ne permettaient plus ce genre de mouillage.
Mais, même en 1952/53/54 on tombait encore sur des mines dérivantes.
On pratiquait le système Oropesa (c'est sur ce sujet que j'ai passé mon certif de dragage) ou le système en cisaille.
Auquel cas on faisait exploser la mine au canon de 20m/m dès qu'elle remontait.
Le camarade Robert devait donc être affecté à la 33ème Division de dragueurs, qui en comprenait six.
A partir de 1953, l'essentiel des missions consistait en patrouille sur le Mékong, jusqu'au Siam, ce que permettait notre tirant d'eau et, au Nord, toute la baie d'Along en remontant jusqu' Moncay.
Les patrouilles en mer nous conduisait jusqu'à l'Archipel Norway et même une fois aux Paracels que se disputent encore actuellement les chinois et les vietnamiens.
J'ai même le souvenir d'une patrouille un peu trop à l'Est où on captait très clairement la météo de Manille, ce qui nous a mis la puce à l'oreille.
Dois-je rappeler qu'on travaillait au sextant et au relèvement d'étoiles, pas de GPS à l'époque.
Il suffisait donc de quelques heures vers l'Est pour sortir de zone.
Quant aux résultats, je témoigne qu'on arraisonnait des jonques assez souvent.
Nous ne sommes jamais tombé sur des armes, mais le plus insolite a été une cargaison de machines à écrire, environ 150 !
Il faut se souvenir que les viets étaient extrêmement pointilleux et tenaient des listes, des états et des dossiers divers à n'en plus finir !
De vrais ronds de cuir !
Nous avons eu aussi une cargaison de bambous, impossible à couler, dispersés à coups de rentre-dedans !
Et deux camions russes.
Et, pour l'anecdote, nous avons contrôlé un jour, un pêcheur de coquillages, japonais, sur une sorte de pirogue de 4 mètres de long sur 60cm de large.
Selon nos calculs, il était à près de 2000 km de chez lui.
Peinard et pas étonné de notre visite !
J'ai eu la chance de faire un an de Sud (Mékong) avec l'Aubépine et un an de Nord avec la Belladone, ce qui m'a laissé une large vue des côtes indochinoises au complet.
Mais la baie d'Along, jusqu'au cimetière marin (au fait, qu'est-il devenu ?) quel rêve !
A l'époque pas de ces centaines de jonques et de sampans comme maintenant.
Le calme, l'eau presque noire, le silence, coupé parfois par quelques singes dans les rochers...
Le paradis !
En tout cas, je vois que j'ai bien fait de relancer la machine, les neurones fonctionnent toujours chez les anciens semble-t-il !