Une histoire vraie.
La Croix de Guerre du cuistot.
C'est samedi. Les permissionnaires sont à terre et on peut prendre le temps d'évoquer des souvenirs. J'espère rester dans le sujet sinon... Charly.. Non, pas la tête, pas la tête !
Sur l'Aubépine nous avions un cuistot disons, "hors d'âge"! Un vieux Q/M1 qui devait prendre sa retraite en rentrant. Le genre : imaginez vous Sim, oui, celui qui chantait "je suis la nymphe aux pieds mutins". Même gabarit, même gueule, épais comme un kê tam (cure-dents). Son contraire exact était le Bidel, Maître électricien, que nous appelions OLIDA. C'est vous dire ! Notre cuistot en était à son troisième séjour. Une femme et quatre enfants l'attendaient quelque part dans le bordelais. Certains jours, il ressortait son vieux bâchi avec la bande "Strasbourg"! Présent au sabordage de la Flotte en Novembre 1942, il avait fait son premier séjour en 1946 ou 1947.
Cassé deux fois, en raison de son intempérance, il n'avait aucun espoir d'une fin de carrière glorieuse. C'est alors que le Pacha (Wassilieff-Popoff, toujours lui) eu une idée. En patrouille dans le Bassac, dans un coin plutôt calme il demanda au corps de débarquement - la compagnie de biffe comme on disait - de l'enrôler pour ce que nous appelions une "sortie pacification". Nous sommes donc partis avec un LCVP et une vedette Y inspecter un village où, bien entendu, tout était calme. La nuit d'avant nous avions pu remarquer sur les bords du fleuve les habituelles vessies pleines de lucioles qui prévenaient les viets de notre visite. Dans ces cas là on ne bougeait pas, mais en l'occurence il s'agissait d'offrir une sortie à notre cuistot. Tout se passa donc pour le mieux et je laissais mes sacs de bonbons comme d'hab.
Quelques jours plus tard, notre pacha qui avait concocté un rapport ad-hoc (c'est moi qui les tapait à la machine) fut en mesure d'annoncer à notre cuistot qu'il avait gagné la Croix de Guerre avec la citation circonstanciée. L'intéressé en pleurait de bonheur le bougre !
Et bien sûr, nous sommes quelques-uns à l'avoir accompagné pour fêter ça comme il se devait. Resto, pastis, cognac-soda, bières, choum... enfin vous voyez !
Petit problème : au départ nous étions parti avec la jeep affectée au Pacha,
le chauffeur étant le commis aux vivres qui nous accompagnait, mais au retour -en cyclos - impossible de savoir où était restée la Jeep. Complètement oubliée !
Nous avons appareillé deux jours plus tard sans autre nouvelle, sauf que notre cuistot commençait à se souvenir d'une table de jeux à Cholon... Rien d'autre.
Et, miracle, à notre retour de patrouille, la Jeep était là sur le quai ! Un gambi de l'UMS l'avait ramenée, après des tractations dont nous ne sûmes rien. Mais il s'est dit plus tard
que Popoff avait du, pour étouffer le scandale, puiser dans sa caisse noire pour effacer l'ardoise.
Et notre cuistot est rentré en France avec sa Croix de Guerre. Ci-après suite en fin...

Si c'est trop long (oui hein!) allez à la télé, y a le Covid et les Présidentielles...
Donc, dans l'histoire précédente vous pourriez croire que j'invente ? J'ai des preuves à votre disposition : Dans mon premier courrier à Popoff, quand j'ai découvert son bouquin, Le Pacha (La Rose du livre c'est bien sûr l'Aubépine) je lui ai écrit, le 14 Juin 1980. Extrait :" La Jeep prétendument volée à Saïgon avait été perdue au jeu chez les chinois par le cuisinier, avec qui nous fêtions sa Croix de Guerre..." Et le 24 Juin 1980, il me répond. Extrait :" Ah bande de s... ! Mais c'est bien vrai que je vous ai toujours couverts, parce que je vous sentais si intensément derrière moi ! Parce que vous étiez "mes hommes!" Emmerdeurs (comme moi!) , râleurs et tout, mais de sacrés petits gars, gonflés, culottés ! Et comment ne pas aimer ceux que l'on mène au combat..."
Voilà. Ces courriers je les ai sous les yeux. Je peux les photocopier si vous voulez. Ca s'est passé il y a soixante dix ans. 1952 - 2022...

on n'en doute pas qu'elle est vraie cette histoire, mais en plus elle est pleine d'humanité et émouvante, et bachi bas pour Popoff !
bon dimanche à tous, ce soir je vais me faire un petit verre de choum charentais en hommage à tout l'équipage de l'Aubépine, son pacha et son timonier qui écrit avec talent et un si bel humour.....!
amitié marine, Gérard

Merci de nous faire partager tes souvenirs Timonier!

Beaux souvenirs et bien raconté Timonier, belle époque malgré les risques opérationnels ( et autres) l'Aventure et des hommes vrais.

Merci Timonier pour se récit, et honneur à cet homme, qui pour vous, était comme un père.

Frères humains qui après nous vivez
N'ayez contre nous le coeur endurci
Car si pitié de nous pôvres avez
Dieu aura plus tôt de vous mercy

Nous sommes là encore, cinq, six,
Vous rabâchant nos guerres, nos campagnes
L'Indochine lointaine au coeur de nos récits
Ses rachs, ses rizières, le bleu de ses montagnes

Si trop vous rabâchons, point n'en devez
Avoir dédain. Car vieux et usés nous sommes
Obus, balles, éclats, nous ont parfois troués
Mais tels, nous restons encore des hommes

Sommes des marins de la fière Marine,
Celle où vous êtes, jeunes compagnons
La Royale ! qui jadis en belle Indochine
Laissa des cols bleus et leurs rouges pompons

Si peu maintenant à vous conter l'Histoire
La crainte me vient de nous faire oublier,
Si peu d'entre nous ont encore en mémoire
Les misères et les joies et sentiments liés

J'en appelle à vous, mes frères retrouvés
Venez dire, ici, vos peines et vos combats
Hâtez vous ! le temps nous est compté
Aujourd'hui ici, demain peut-être pas...

Sommes bien vieux, prêts à appareiller
Notre mémoire tiens dans un dé à coudre
Nous partirons, après avoir tant veillé
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre...

En hommage à François Villon (1431 - 1463)

Une œuvre bien tournée, plus agréable et plus facile à lire que celle du poète auquel elle fait référence champion du double sens et de l'antiphrase.

Ça fait partie du sujet:
Aujourd’hui on a enterré a Niort un ancien d'Indochine, il s'appelait François Buteau.
Il avait sauté avec son bateau, le LCI 9049 le 28 septembre 1953 au Tonkin. Titulaire d'une Croix de Guerre avec Palme et de la Médaille Militaire.
François avait quitté la Marine comme Quartier Maitre Radio.
Pourquoi suis-je triste aujourd’hui?, François avait fait avec moi le cours de Radio en 52 au Bormettes. Tous les deux volontaires a la sortie du cours pour l'Indochine, nous ne nous étions plus revus depuis. J'avais su en Indochine son aventure, ayant moi même failli sauter avec le LCI 9050 le 3 Avril 53 en Plaine des Joncs.
Sur "La voix du Combattant" de Novembre il avait posté un message a la recherches des anciens de son bateau.
Je l'avais contacté par téléphone et j'espérais bien le revoir après la pandémie car j’habite moi même le département voisin, après tant d'années (70 ans).
Comme moi il allait avoir 88 ans, on n'est plus beaucoup maintenant!!!.
Adieu François, repose en paix!

J'ai essayé de relancer nos vieux neurones collectifs et d'inciter les anciens à venir encore nous conter leurs souvenirs. C'est laborieux il me semble...
Je ne veux pas que ce site devienne un monologue dédié à ma petite personne. Et à part l'ami Chardavoine (avec qui je viens de partager un café), force est de constater que la boîte à mémoires ne s'ouvre plus.
Ce sera donc ma dernière tentative. J'aimerai pourtant bien vous lire encore, les Anciens !
A qui je dédie ces quelques lignes :

Ce sont d'anciens Cols bleus
Vétérans de l'Indochine
A jamais liés
Camarades de combats...
Ceux qui restent là
Sont parmi les derniers...

Ils se retrouvent là
Après des années de route
Mais bien peu hélas !
Sont encore debout

Où êtes vous
Rolli, Laffrat
Coutil
Charly ?
Répondez moi !...

En hommage à Maxime Le Forestier (C'est une maison bleue)

ITimonier Belledonne.
Il me semble que notre ami vétéran Laffrat est décédé il n'y a pas très longtemps.
A vérifier.
Bon vent.

Oui J-C Laffrat nous a quitté il n'y a pas longtemps (comme en Afrique, une bibliotheque qui est partie).
Je n'ai pas osé le faire remarquer à notre ami Timonier Belladone !
Continue meme si tu es tout seul nous suivons tes recits assidument

biensur timonier belladone continue même si tu est tout seul.

Roli, était là, il n'y a pas longtemps, il avait je crois une jambe cassée. Coutil il me semble que ça fait longtemps que nous sommes sans nouvelles.
Allez les jeunes vétérans, réveillez-vous, faites encore voir qui vous êtes aux jeunes bleus.
Courage, bon vent.

Je lis tes récits avec grand intérêt Timonier Belladone. Je suis de ta génération mais n'ai pas fait l'Indo. Par contre j'ai eu de nombreux copains en activité, qui me racontaient leur séjour en extrême orient avec de nombreuses anecdotes à l'appui. Pour la petite histoire, un jour, je me suis servi de leurs souvenirs pour faire marcher, l'espace d'un moment, un collègue nouvel embarqué, qui, lui, avait fait l'Indo. Il n'en revenait pas.

Avé à tous - Salut Tim
Nous les anciens de l'Indo nous devenons une matière rare
Une fois que tout a été dit, les photos passées, nous n'avons plus rien à dire si ce n'est répondre aux copains .
Les anciens...vous ne saviez pas qu'il y avait des vedettes
en bois vendues par les anglais et sur-armées par les
français, qui naviguaient en mer, 4 seulement dont 2 en mer
et 2 en carénage à Saïgon, hors mousson bien entendu .
Les 16 autres blindées réparties entre le Nord et le Sud .
Nous étions ravitaillés par les corbeaux et heureusement
que la Gracieuse ou un PC passait dans la zone de temps
en temps . Nous restions six mois sur zone . Il y avait les
villages pacifiés qui troquaient légumes , poulets et même
cochons contre des conserves du bord . En deux ans de navigation, un seul problème sinon croisière relaxe et gratuite . A plus Roli .

Salut Alain .
Tu veux parler du repos de "l'âme" du petit marin .
Dans la première zone, du 17ieme parallèle jusqu à
la pointe sud de l'Indo . Il y avait pour nous Nhatrang .
Beau bar tenu par l'armée de terre . Il y avait ce qu'il
fallait, un peu comme Galiéni à Saïgon . Pour la 2ieme
vedette il y avait la ville du Cap St Jacques . Pour l'autre zone, de la frontière du Siam juqu'à la pointe sud de l'Indo
Au Cambodge nous avions Kampot et nous prètions
Hatien à l'autre vedette, mais là il fallait faire la queue,
a l'époque c'était un petit village . Voilà tu sais tout
maintenant sur les pari...non...les petit...non...les peripaté
...non, ça y est je l'ai...les péripatéticiennes sinon on emploi l'autre nom...les p.....tes . Dis Alain c'est ce que
tu voulais savoir ? J'ai aussi des adresses pour les soupes
chinoises . A plus les amis - Roli

Avé à tous .
OK Alain, j'ai saisi . Oui il y avait des endroits pour
le repos des guerriers . Je vais parler des deux
camps dont j'ai entendu parler . Nous sommes à
Saïgon pour une grosse réparation, arbres de
de transmissions, hélices, etc...Le CDT nous convoque
le cuistot et moi pour nous demander si nous voulons
aller en camp de repos . (Il aurait dit ça à un cheval
de bois, il aurait reçu une ruade....). Oui Cdt...bon
direction Dalat, petite ville pour les riches ou il y a un
camp de repos pour les militaires, ville située au Sud
du Laos, bien au frais dans la montagne . Manque de
pot, la veille du départ, un convoi se fait attaquer sur
la route qui mène à Dalat . Changement de programme
direction le Cap St Jacques, autre ville ou il y a un
centre de repos...Et la relax....Façon de parler, tous
les soirs tirs de viets . Nous avions des fusils dans la
chambrée pour un renfort éventuel . Pas de problème .
Le cuistot heureux comme un Pape, pas de cuisine à
faire pendant 15 jours . L'équipage de la vedette
mangeait au GBR II . Les autres camps je ne connais pas
A plus les amis - Roli .