Hippo à Huahiné en Octobre 1972

Toujours à Huahiné et toujours en octobre 1972

En carénage en janvier 1973

Toujours en carénage

Quelques quillards de l'hippo entre aout 1972 et février 1973 (date de mon séjour)

d'autres "bienheureux"





Aux marquises en octobre 1972



et à Huahiné (octobre 1972)

Mon patron n'avait pas ça en rayon, mais par contre, dit-il à son interlocuteur, j'ai peut-être une solution.
"Mousse, ça te dirait...".
Ouais, ça me dit.
Au petit matin, c'est l'appareillage, mon premier appareillage.
Me voila sur le pont.
On me balance un bout en me demandant de l'amarrer.
Misère.
Je fais de mon mieux.
J'espère que ça tiendra.
Les boscos s'affairent sur la remorque, une épaisse aussière, moitié câble d'acier, moitié cordage.
Nous devons remorquer une grosse barge jusqu'à Mururoa.
Sorti des passes, hou la la, pas bien, pas bien.
Fin du poste de manœuvre.
Mousse, voici un pot de peinture, tu vas aller peindre le bas du mât, là-haut sur le pont supérieur.
Là, l'amplitude du roulis est fatal à mon estomac.
Je donne à manger aux poissons ou comme on disait dans la marine du 19ème siècle "je compte mes chemises" (terme que j'ai trouvé dans la correspondance d'un lointain cousin en activité dans les années 1860).
Quelle idée ai-je eu de me porter volontaire pour cet embarquement.
Je me débarrasse rapidement de ce travail.
On m'en trouve un autre : aider le cuisinier à éplucher les patates et les oignons.
L'odeur de mazout, les relents de cuisine, me voilà à nouveau plier le long du bastingage.
Le commandant va bientôt partir et il a un rapport de fin de commandement à rédiger.
Une aubaine pour lui, il y a maintenant un secrétaire à bord.
Le radio m'apporte une machine à écrire et on me trouve un petit coin tranquille.
Désormais je bénéficie d'une paix royale.
Une difficulté que je n'avais pas soupçonnée apparaît.
La cuvette formée par les tiges des lettres de ma machine se déforme au gré du roulis.
Les lignes frappées ondulent comme les vagues.
Ce n'est pas grave, me dit le commandant, tu feras ça au mouillage.
Je suis maintenant amariné.
J'ai le temps de flâner pour regarder les dauphins qui jouent devant l'étrave, les poissons volants (je me demandais jusqu'alors si ça existait vraiment) planant au-dessus des vagues.
Lorsque l'on jette les poubelles par-dessus bord, les requins accourent.
Je ne sais pas si ceux-là sont mangeurs d'hommes en tous cas ils mangent ce que mangent les hommes.
Finalement, j'ai bien fait de venir. Je me réjouis un peu vite.
Le ciel devient noir, la mer est grosse.
Le commandant demande d'amarrer tout ce qui peut l'être.
Une colonne noire monte en tourbillonnant entre mer et ciel.
Les vagues me paraissent gigantesques.
Elles montent à l'assaut de la passerelle, s'écrasent contre elle et s'écoulent en torrents de chaque côté.
Je me jure que plus jamais on me reprendra.
Et ce n'est qu'un début.
Ce n'est plus un bateau mais un sous-marin !
Le commandant et ses boscos n'ont qu'un souci, la remorque, qu'une hantise : qu'elle casse.
C'est comme à la pêche au gros, il faut veiller sans cesse sur la tension de la ligne, éviter les à-coups.
Le câble doit continuellement former un arc sous l'eau, pour faire ressort.
C'est un remake du film « Remorques » mais sans les beaux yeux de Michèle Morgan, mais avec hurlements du vent, fracas des vagues, et mal de mer.
Heureusement comme dit le proverbe, après la tempête revient le beau temps.
Le ciel est redevenu bleu.
Au loin des cocotiers semblent pousser dans la mer.
Nous arrivons à Mururoa.
Dans le calme du lagon, je m'installe derrière ma machine à écrire.
Une équipe est diligentée à terre, sous la houlette du charpentier, pour abattre quelques arbres et faire provision de cœurs de palmiers.
C'est le moment d'en profiter, d'ici peu, il ne sera plus question de manger quoi que ce soit en provenance de ce lieu.
D'ailleurs est-ce que ça se mange ces trucs là ?
Les paniers sont remplis de grosses pousses blanches.
J'ai quelques doutes quant à la qualité gustative de ces végétaux.
Avec une vinaigrette ça se révèle tout à fait comestible.
Sur le chemin du retour, je suis intégré dans les équipes de quart.
Nous venons de laisser l'île de Méhétia derrière nous.
Tahiti n'est plus loin.
Je suis à la barre.
Je ne suis pas peu fier de maîtriser le puissant remorqueur.
Nous ne voyons pas encore Tahiti mais son odeur enivrante nous enveloppe déjà.
Peu à peu, les sommets accrochés aux nuages blancs sortent de l'océan.
La masse sombre de l'île prend forme.
Bientôt on distingue le bouillonnement des vagues qui se brisent sur les récifs coralliens, les plages, les cocotiers, puis les maisons, les farés, sous les arbres.
C'est ainsi que l'île devait apparaître aussi aux anciens de la marine à voile.
Nous pénétrons dans le lagon et reprenons notre poste à quai.
Mission accomplie.