En plongée à bord du Griffon : LV Gaillard ,MP Quintaine (pilotes)
CF Berry Cdt du GISMER (observateur)
En surface à bord du Triton: LV Harismendy (pilote )

Plongée sur le point présumé de l’épave par -360 mètres sur un fond de vase molle , visibilité 2 à 3 mètres , de grosses particules en suspension tel des flocons de neige, réduisent la visibilité horizontale.
Le sonar détecte un énorme écho entouré d’une multitude de petits , à 4 ou 500 yards
Cap vers ce point , en navigant au plus près du fond , toute cette neige de particules fatigue les yeux.
Nous approchons, je vois des débris de tôle éparpillés deci delà sur le fond , réfléchissant la lumière de nos projecteurs en éblouissant.
Je prends soin d’éviter les débris ,quand là, sur ma droite au travers des flocons se dessine une ombre. Elle grossit, et dévoile ses formes au fur et à mesure de l’approche.
C’est l’épave recherchée, le turboréacteur avec un morceau de carlingue. L’examen et les prise de vues nous occupent une bonne heure.
Le pacha nous gratifie d’un « mes FELICITATIONS les enfants » et dans la foulée, souriant, il dit : « c’est pas tout ça, c’est quand la soupe? j’ai faim moi ».
LV gaillard décide alors la pose ‘’casse croûte’’ et prévient le TRITON .
Je prends les dispositions de sécurité et pose le Griffon sur le fond, en économie d’énergie.
LV Gaillard sort le pique nique du panier, pendant que le pacha sort de sa poche une petite fiole, l’œil malicieux il dit: « je ne suis pas venu sans munitions,.... Quinquin tu veux bien un gorgeon d’ ‘’Hépatum’’,...... mais un petit hein ! ». Hum ! il a un goût très anisé son Hépatum.
Heureux le Pacha, sa première plongée à bord, doublée d’un pique nique par 360 mètres de profondeur. « il est un peu léger ton ‘’Bordeau’’ dit-il.» alors que notre pique nique est arrosé d’une bouteille ‘’château la pompe’’ un grand cru de la fontaine du Triton
La pose est terminée, nous partons à la recherche d’autres morceaux d’étendard.
Un écho est détecté à environ 3 ou 400 yards.
Cap sur l’écho, le fond défile doucement devant le hublot ,c’est le désert, ni flore ni faune, que de la vase encore et encore de la vase mais moins de neige. Nous approchons 200…..,100…..,50 yards perte de l’écho sonar et rien en vue,bizarre, pas même une ombre.
Soudain, le S/M est immobilisé, l’hélice malgré l’anneau de protection touche quelque chose . Je stoppe la marche avant. Le S /M prisonnier se pose .
Par le petit hublot à vue verticale, j’aperçois devant le sabot, de la tôle concrétionnée d’aéronef, recouverte de vase. Accroché le S/M est posé sur des débris par 320 mètres de profondeur, enveloppé dans un nuage de vase soulevée par l’accrochage.
Le pacha s’est transformé en vigie ,il scrute par le hublot du kiosque dit :« Je ne vois rien dehors ».
Le TUUM (téléphone sous-marin à ultrasons bien connu des sous-mariniers) ne cesse de grésiller, les questions et les ordres fusent du Triton, depuis l’annonce de nos difficultés.
Les actions suivantes sont sans effets :
Les deux moteurs verticaux mis à monter
La vidange des régleurs, ( 150kg)
Tous les trois groupés sur l’arrière (afin de donner une assiette positive maximum ), en marche AV en GV ,oh ! déception, rien n’y fait, nous sommes bel et bien prisonnier de ce tas de (tôle ?).
La surface prend en charge la suite des opérations, c’est la procédure dans ce cas de figure.
C’est alors que notre Cdt le CF Berry avec un calme, sourire en coin s’adressant à moi dit « mon capitaine tu ne vas pas nous laissez là tout de même ! ».
Griffon de Triton : « larguer le lest » (200kg)
c’est sans effets.
Griffon de Triton :« stopper tous les appareils et attendez »
Quel silence à bord tout à coup.
Pendant que la surface analyse la situation et étudie une action, le temps passe. Dans ce silence et l’inaction, chacun se réfugie dans ses pensées, de temps en temps nos regards se croisent, le pacha, un triste petit sourire aux lèvres , nous observe tour à tour. La température du bord baisse, il fait froid. Pourquoi la triste expérience vécue à bord du S/M La Créole me revient-elle en mémoire ? Il y a bien deux heures maintenant que nous sommes là bloqués , quand le silence est rompu par le TUUM qui claironne :
Griffon Griffon de Triton… « chassez 25 bars aux ballasts AV calez vous sur l'arrière et battez en AV GV»
OUF ! on se déplace on remonte, mètre par mètre mais on remonte.
Je reprends le pilotage depuis le hublot AV et là incroyable je vois le fond qui défile,
en glissant sur une pente, tractant derrière, ( des débris accrochés ?)
L’ascension est très lente , 300….,280 mètres….. nous quittons le fond.
Vers les 180 ou 200 mètres , le S/M secoué fait un bond (Les débris se sont décrochés ) il roule bord sur bord, parti pour crever la surface tel un TGV .
L’arrivée en surface est paraît-il spectaculaire. A peine la chasse aux ballasts terminée que les plongeurs du Triton s’affèrent déjà au tour.
Le retour sur le pont se fait sous les applaudissements de l’équipage du Triton.
Bernard Quintaine Pilote

Le TRITON bâtiment privilégié pour sa mise en œuvre étant indisponible,
le GRIFFON est acheminé par la route le 25 février vers le nouveau port de St Raphaël, face à l’îlot ‘’Lion de Mer’’.
Les opérations de maintenance, préparations, recharges, se font sur le quai.
Le RHM COOLIE assure les remorquages aller et retour de la zone de recherche, il est assisté de ‘’LA GIRELLE‘’ pour : le passage de la remorque, surveillance et police du plan d’eau sur la zone de plongée, vedette armée par les plongeurs de la BAN St Raphaël.
A bord du ‘’COOLIE’’ le Cdt du bathyscaphe en liaison permanente assiste le sous-marin dans ses plongées.
La première plongée nous fait découvrir un fond loin d’être monotone, peu propice aux recherches au relief très accidenté, des falaises aux parois très pentues, vallonné, cirques. Heureusement la visibilité est exceptionnelle 10 à 15 mètres.
Nous faisons route, le fond en vue, sur les sentiers sinueux, imaginés, tracés par les lignes de sonde.
On croise des traînées descendantes, des micro-éboulis de vase qui font penser au risque d’avalanches eh oui ! ça existe aussi au fond de la mer.
Des balises acoustiques mouillées sur le fond permettent au fil des plongées d’établir une cartographie des reliefs et des zones prospectées.
A la 8ème plongée, tout en longeant une pente suivant la ligne de sonde des 600m, là, quelques mètres plus bas, un point lumineux attire mon attention, c’est le corps entraîné avec la carlingue.
Au cours de la 9ème plongée le 27 mars , nous découvrons l’alouette reposant au pieds d’une falaise par 590m, grâce aux objets, (une porte, un gilet de sauvetage, un casque), semés dans sa chute sur une centaine de mètres le long de cette falaise.
Il a fallu attendre le temps de la réalisation de l’outillage pour entreprendre la remontée de l’hélico et du corps.
Le 12 avril jour ‘’J’’ opération relevage le bras manipulateur modifié est équipé d’une perche largable munie d’un crochet spécial relié à une touline embobinée sur un touret flottant.
Tout ce montage oblige un remorquage en finesse, à faible allure en surveillant le comportement de l’outillage.
L’accrochage sur un bras du train avant de l’hélico ne pose pas de problèmes.
La perche larguée, le touret ainsi libéré, remonte tranquillement vers la surface.
Chemin faisant il traverse un banc de minuscules crevettes étincelantes, rencontre ici ou là des poissons sabres se tenant à la verticale, indifférents, lumineux devant les feux de nos projecteurs tel des sabres lasers.
Délovant la touline en se dandinant, sous l’œil attentif du Griffon, le touret met 40mn pour atteindre la surface.
Tandis que le Griffon en remorque fait route vers le port, la gabarre La PERSEVERANTE prends la suite de l’opération relevage avec l'aide des plongeurs de la base de St Raph.
Le 19 avril une dernière plongée est effectuée pour recueillir le corps du malheureux avec un outillage spécialement conçu.
Les mauvaises conditions météorologiques de cette période ainsi que les quelques avaries ont bouleversées le calendrier des prévisions.



Amicalement.
Bernard Quintaine Pilote