Détails de la passerelle découverte
L'
Astrolabe derrière l'étrave de l'
Austral !
La
Sapmer, armateur de l'
Austral
Port d'attache :
Port aux français,
Kerguelen
Les îles subantarctiques La langouste australe le samedi, 10 avril 2010 par le sénateur
Christian Gaudin Nous sommes arrivés vendredi soir sur
Amsterdam et avons enchaîné par une visite technique de la base. Ce matin, samedi, mon programme est de visiter le navire langoustier l’Austral qui est le seul navire à avoir le droit de pêcher langoustes et poissons dans la ZEE (zone économique exclusive) de St-Paul et Amsterdam. La pêche est finie depuis deux jours et très aimablement le capitaine nous a attendus pour nous permettre de visiter son navire armé par la SAPMER.
Un zodiaque vient nous chercher à la cale, au pied de la base, et nous voilà partis.
Michel Le Glatin, le Capitaine, n’est pas un marin d’eau douce, plus de 30 ans de pêche australe à son actif comme matelot, lieutenant, second et capitaine depuis un peu plus de dix ans. Il nous fait les honneurs du bord.
L’Austral est un ancien chalutier qui a été transformé pour la pêche à la langouste. C’est un navire de plus de 60 m avec un équipage de 50 marins environ.
Le
TAC (total admissible de capture) de 400 tonnes est partagé en deux quotas, l’un pour la langouste côtière, l’autre pour la langouste de fond. Il est réparti entre les deux petits caseyeurs et les quatre doris du bord. Chaque embarcation a son propre patron et son équipe. Chacun est rémunéré, en plus du SMIC pêche légal, à la part de pêche de son embarcation. Tout le monde marche au mérite. Ne devient chef de pêche que celui qui a fait ses preuves et sait amener les autres dans « les bons coins ».
Une fois pêchée, la langouste est triée et traitée. Le premier tri est légal : le poids réglementaire. Aucune langouste de moins de 150 g n’est conservée (Jasus Paulensis est plus petite que la bretonne). Le reste est traité en fonction de la demande des clients : calibrage précis, cuite ou crue, entière ou étêtée. Je suis vraiment impressionné par le dispositif du bord. A sa sortie de l’Austral, la langouste est déjà conditionnée pour les restaurants. Chaque langouste est ensachée individuellement. Des colis de deux fois 5 kg sont préparés. A chaque caisse correspond un calibre particulier. Le poids est exact à 10 g près maximum. Je mesure combien les conditions de vie à bord son éprouvantes avec de longues journées et des cadences soutenues.
L’Austral a aussi une activité de pêche sur quelques poissons de la zone. C’est plus un complément qu’un véritable but, compte tenu des objectifs de rentabilité.
La visite s’achève par un long échange dans la cabine du capitaine autour d’un céviche de langouste et d’un verre de blanc. Le contrôleur de pêche, une femme, nous rejoint ainsi que le Commandant Courtes, et nous devisons plus d’une heure tous ensemble sur la pêche ici et ailleurs. Un excellent moment plein de vérité humaine grâce à l’hospitalité légendaire du patron de l’Austral.
Cette visite ouvre pour moi plusieurs pistes de travail :
La pêcherie langouste paraît bien gérée. Elle repose sur l’avis scientifique du Muséum et, me semble-t-il, sur l’écoute attentive des pêcheurs. Ce dialogue est absolument essentiel.
Je me demande pourquoi cette pêcherie n’est pas encore labellisée MSC (Marine Stewardship Council, un organisme international de labellisation des pêcheries durables) puisque la traçabilité et les contrôles sont parmi ce qui se fait de mieux.
Par contre, il n’y a pas de pêche scientifique de la langouste : tout repose sur les données de pêche certifiées par les contrôleurs. Cela me semble être une faiblesse.
Plus encore, j’apprends qu’un TAC sur les poissons de la zone est alloué sans qu’il y ait de campagne scientifique d’évaluation de la biomasse. Je suis vraiment étonné.
Je suis également surpris qu’en dehors des eaux territoriales aucun banc ne soit classé en aire marine protégée.
Deux anciens doris désarmés !
Les deux caseyeurs et les 6 doris sont prêt à retourner pêcher
Je suis passé coté armateurs, près de la darse de la
Royale
Le mat du nouveau patrouilleur des Affaires Maritimes !
L'ex palangrier
Ile de la Réunion bien sur !
De plus près !
Difficile de le comparer à l'
Osiris qui termine sa vie par deux beaux sauvetages du coté de l'ile d'
Amsterdam
L'
Austral vu de l'arrière !
Aujourd'hui caseilleur congélateur mais, visiblement chalutier par l'arrière précédemment
Bon, si vous ne connaissez pas l'
Austral maintenant, je me poserais des questions !
En complément, l'article publié le 24 avril 2012 par Le Bateau Immobile
Un an dans les Terres Australes & Antarctiques Françaises, sur le District de Saint Paul et Amsterdam. 550.000 km carrés, mais seulement 62 km² de terres, prises d'assaut par les vagues de l'Océan Indien, encore et toujours, comme un bateau immobile. A la limite des 40ièmes, je vous raconte mon quotidien de Chef de District sur ce blog. En espérant qu'il vous fasse découvrir ce petit bout de France inconnu, et vous donne l'envie de voyager, ici ou ailleurs ...
Adieu à l'AustralGrand événement aujourd’hui à Amsterdam : l’Austral, seul et unique bateau de pêche autorisé à travailler dans la ZEE arrête sa campagne de pêche et reprend la route de la Réunion. C’est la fin de la saison de la langouste et la bouée de passage officielle vers l’hiver.
En six mois de présence (de novembre à avril), l’Austral est devenu une composante majeure de la vie du District. Les passages devant la cale de ses canots, les comms radio, les échanges de bons procédés, les échanges alimentaires, mais aussi les trois évacuations sanitaires sont autant d’occasions de mesurer que les pêcheurs et hivernants sont mutuellement indispensables.
Le moins que l’on puisse dire est que la solidarité des gens de mer n’est pas un vain mot. Nous avons parfois partagé avec le capitaine nos impressions sur nos métiers respectifs. Je ne crois pas que nous échangerions nos places, ni lui ni moi. Il y a de grandes similitudes entre les deux métiers, à ceci près que le mien s’exerce dans des conditions autrement plus confortables. Pour le reste, c’est assez proche, avec les mêmes problèmes de gestion de groupe, d’atteintes des objectifs, les mêmes plaisirs, les mêmes petites faiblesses à traiter. Même solitude. Les marins qui montent à bord de l’Austral sont un peu les aristocrates de la pêche réunionnaise, un peu comme les hivernants présents ici sont des privilégiés, même si nous l’oublions parfois. Là où vous ne verrez sans doute qu’un navire fatigué par une mer hostile, aux innombrables coulées de rouille le long des flancs, j’imagine une étrave qui avance dans des zones où peu ont le privilège d’aller.
On ne dira jamais assez la dureté du grand métier (« le grand métier » est le titre d’un livre de
Jean Recher, journal de bord d’un capitaine de pêche de Fécamp sur les grands bancs de Terre Neuve, lecture que je ne peux que recommander). C’est la pêche qui commande, de jour comme de nuit, tous les jours de la semaine, et le plus souvent dans des conditions de mer difficiles. Le milieu est dur, la mer est dure, et l’outil qu’est ce bateau est exigeant.
La pêche à la langouste est assez simple : l’Austral met à la mer ses caseyeurs, le plus souvent pour une grosse demi-journée … ou plus. Ces embarcations mettent à l’eau les casiers (des centaines de casiers !) tantôt dans des eaux profondes, tantôt plus près des côtes.
A proximité des côtes, les langoustes sont plus petites (attention au gabarit, on ne pêche pas n’importe quoi !) et d’un goût plus délicat. Plus profondément (entre 100 et 200 mètres), on ne pêche que des langoustes adultes, au goût plus affirmé. Si le sort le veut bien, quelques zorites (poulpes) seront aussi remontés dans les casiers. On met à l’eau, on immerge les casiers, on remonte, on transfère le contenu des casiers dans la cale, on remet à l’eau, on vide le caseyeur, on repart récuperer les casiers. Passer la journée sur un canot ou un caseyeur n’a rien d’une sinécure : en gros, ces embarcations sont aussi profilées d’une boite à savon, à la différence près que la baignoire, c’est l’Indien sud. Bateau utilitaire, l’important est la petite cale, le reste est conçu autour. Peu encombrant, on suppose qu’il roule abominablement dès que la houle est par le travers. Mais son aspect très compact doit le rendre très résistant aux vagues.
La pêche au sein des TAAF est très réglementée, que ce soit sur les volumes ou sur la qualité. Le quota est fixé au global à 400 tonnes. Là où le jeu se complique, c’est qu’il existe des quotas entre zones côtières et eux profondes, entre Amsterdam et Saint Paul. Mais le patron du bord doit aussi composer avec la demande, car comme toujours le marché dicte ses conditions. Langoustes entières cuites ou crues, ou conditionnées en queues, le succès de la prise dépend aussi de cette adéquation. Il y a en outre un cahier des charges drastiques sur les aspects environnementaux : traitement des déchets à bord, gestion des fluides, hydrocarbures, sans parler de l’interdiction de poser le pied sur Saint Paul. La transformation se fait directement sur le bateau, cuisson le cas échéant et congélation, jusqu’à la mise sous film plastique. La perte est d’environ un tiers en poids entre une langouste entière et une queue. Nous sommes loin de l’époque héroïque où moyennant le versement d’une somme rondelette, n’importe qui ou presque pouvait obtenir une concession. La gestion de la ressource est la clé de voute du système, et accessoirement une source de financement importante pour les TAAF.
Le peu de poisson que fait l’Austral est lui aussi très surveillé. Que ce soit les espèces (l’excellente fausse morue ou le toujours spectaculaire cabot de fond par exemple) ou là encore les quantités, la ressource halieutique fait comme la langouste l’objet de rapports réguliers envoyés par le Commissaire aux Pêches embarqué à bord des navires. C’est valable ici comme sur les autres districts pour en particulier la légine. Pour préciser un point (ça peut paraître surprenant mais un hivernant m’a posé la question tout récemment, et après tout il n’y a pas de questions idiotes, seules les réponses le sont parfois), il n’y a pas de chalutier dans les ZEE des Terres Australes, que des palangriers. La palangre, c’est un peu la pêche à la ligne industrielle, avec des lignes et des hameçons, là où le chalut est un aspirateur, qui prend tout sans discernement (vous avez tous vus ces images de requins, dauphins, requins baleines, barracudas, pris dans des filets) avec une gestion catastrophique de la ressource et des taux de rejet hallucinant, parfois proches de 80 %. Les filets longs d’une dizaine de kilomètres sont la mort programmés des océans. Le problème avec la palangre est le danger pour les oiseaux qui plongent pour manger les appâts. La mise à l’eau des lignes la nuit est l’une des solutions identifiées pour régler le problème.
L’heure n’est plus aux chiffres puisque la campagne prend donc fin avec le mois d’avril. Bientôt, les langoustes partiront vers le Japon ou les Etats-Unis, et les marins poseront le sac avant de se préparer pour une nouvelle campagne dans six mois.
Derniers saluts, dernières discussions, dernier repas pris ensemble, derniers rires, ce soir, le navire est déjà loin. Avec l’annulation d’une escale d’un autre navire prévue en mai, nous sommes à cette heure un peu loin du reste du monde que nous ne l’étions ce matin. Le bateau immobile continue sa course.
LMGB
photos : 100 % LMGB, Austral devant la cale en fin de campagne, chargement des casiers, langoustes d'Amsterdam