par Roger Tanguy Mar 13 Fév - 17:24
Noël tu aurais fait un meilleur secrétaire (de secrétariat) que moi. Pendant mes 15 premières années, je n’ai fait que du bureau militaire, une activité plus dynamique et réactive que l’on s’imagine. Je n’envisageais pas faire autre chose. Lorsque l’on montait un dossier de désertion, par exemple, il fallait trouver des photos pour joindre une à chaque exemplaire du dossier (il y avait plusieurs destinataires, gendarmerie, PPSD…). Or, le déserteur n’avait pas la courtoisie de nous laisser quelques photos avant de disparaître. Il fallait faire avec la seule qui se trouvait dans le livret matricule sans pour autant avoir le droit de s’en séparer. Comme nous avons vu plus haut, nous n’avions même pas de photocopieuse. Il fallait donc se débrouiller pour trouver quelqu’un capable de dupliquer ce cliché. Les dossiers de décès n’étaient pas non plus les plus faciles. Récupérer des PV de gendarmerie, des rapports médicaux éventuellement, n’était pas toujours aisé. Fallait jouer du téléphone, de la persuasion. Dans bien des situations, il fallait se bouger. Je plaignais mes voisins chargés d’un secrétariat central, qui, à mes yeux, ne me semblaient pas avoir un travail passionnant. Ils étaient toujours enquiquinés par le commandement parce qu’il y avait toujours un papier qu’on ne savait pas où il était. C’était évidemment toujours la faute du secrétaire. Lorsque qu’éclate la guerre du Golfe, je suis secrétaire du poste militaire au Yémen. Si peu "secrétaire" comme on a pu le voir, mais quand même un peu. Les Yéménites, prennent fait et cause pour leurs frères chiites irakiens. Les ennemis de l’Irak sont les ennemis du peuple yéménite. Le pays s’enflamme et pas seulement au figuré. L’ambassade de Grande Bretagne et celle de Turquie combattent un incendie, un missile est passé au ras du toit de celle des États-Unis, mon bureau (les vitres) est plastiqué… L’ambassadeur demande à chacun de préparer un bagage de 10 kg maximum, y comprise la réserve d’eau, paré à un départ précipité. L’aéroport est fermé, si nous devons évacuer, il faudra se rendre à Aden où la marine nous récupérera (si nous y arrivons). J’ai en souvenir l’ambassade américaine en Iran, qui, en 1979, avait été prise d’assaut, envahie, saccagée. Il est clair que si nous quittons l’ambassade c’est ce qui arrivera. J’ai pas mal de papiers, peut-être pas tous de grand intérêt, dans mes armoires mais aussi des documents secret défense dans mon coffre. Pas question que ça tombe entre des mains pas autorisées. Je prends un grand sac et je benne tout dedans, broyeur puis incinérateur. On ne va pas se laisser em...barrassé par la paperasse, n’est-ce pas ? Je garde quand même mon matériel, mes clés de chiffrement/déchiffrement de secours. En cas de chasse, je pourrais toujours les détruire sur le champ. Pour le reste, ce n’est pas le comportement d’un vrai secrétaire de secrétariat comme décrit par Noël. Bon, je suis maître principal secrétaire quand même. Je sais fort bien que je ne suis pas dans les clous, que pour détruire des documents secret défense, il y a une procédure. Mais, au diable les procédures , nous sommes dans l’urgence. Accessoirement, si d’aventure, on ne part pas, je régulariserais cela, plus tard. On sait ce que ça veut dire remettre à plus tard. De toutes façons qui viendra vérifier quoi que ce soit ici. On n’est jamais à l’abri de rien. Un jour, pas si beau que ça, arrive un colonel de Paris qui fait le tour de popotes pour voir si les consignes de sécurité sont bien appliquées dans les postes militaires. Voilà pas qu’il demande à voir mes secret défense. Heu, on ne va pas s’embêter avec ça, il fait beau, ça vous ne dirait pas plutôt que je vous emmène visiter le palais de l’ancien roi ? Nous sommes partis nous balader. Je lui ai quand même expliqué pourquoi il n’y avait rien à voir. Il l’a bien compris. Plus tard, le calme revenu, j’ai quand même rédigé mes PV de destruction, signé par moi-même et un témoin (mon patron) dans le souci de laisser une suite clean à mon remplaçant. Secrétaire un peu quand même.