Puisque Bordeaux est actuellement le théâtre d’une manifestation « Marine », je tiens à vous faire connaître une opération de commando, certes faite par des Britanniques des Royal Marines, mais qui s’est déroulée sur le territoire national en 1942. L’histoire est racontée dans un ouvrage écrit par François BOISNIER et Raymond MUELLE, tous deux anciens officiers parachutistes au 11ème Choc, qui fut l’unité opérationnelle des services spéciaux jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie. Des deux hommes, je connais bien Raymond MUELLE qui est un écrivain militaire reconnu, auteur de nombreux ouvrages et qui fut co-auteur de certains en collaboration avec mon copain René BAIL. La carrière de Raymond a débuté en 1941, époque à laquelle il participa aux activité du maquis du plateau des Glières. Elle se poursuivit ensuite en Indochine, notamment au sein des GCMA, pour se terminer en Algérie où, avec le grade de chef de bataillon parachutiste, il fut officier de renseignement.

Cet ouvrage, « LE COMMANDO DE L’IMPOSSIBLE » paru en 2003 aux éditions du Trésor du Patrimoine, dont je recommande la lecture à tous, mais plus particulièrement à nos camarades commandos, relate l’opération « Frankton » qui s’est déroulée entre le 7 décembre et le 11 décembre 1942 et qui avait pour but de rendre inutilisables les navires allemands « forceurs de blocus » présents dans le port de Bordeaux.

Elle a été réalisée par des commandos anglais des « Royal Marines », débarqués du sous-marins HMS « Tuna » à quelques milles de la côte en face d’Hourtin, vers 20 heures 30 le 7 décembre 1942. Au nombre de douze répartis deux par deux dans six kayaks de mer biplaces en toile caoutchoutée avec un fond plat en contreplaqué marine, ces hommes vont en un peu plus de quatre jours, au prix de nombreux danger et la perte de quatre embarcations sur six, parcourir à la seule force de leurs bras, une distance de 168,5 km.

J’ai dessiné une carte montrant l’ampleur de l’opération pour vous aider à vous repérer dans le résumé que je vous propose ci-après.

Les équipages étaient répartis en deux groupes auxquels étaient assignés des missions précises. Ils comprenaient pour le groupe « A » les kayaks «Catfish» avec le Major HASLER et le Marine SPARKS, le «Crayfish» avec le Caporal LAVER et le Marine MILLS, le «Conger» avec le Caporal SHEARD et le Marine MOFFATT. Pour le groupe « B », le «Cuttelfish» avec le Lieutenant Mac KINNON et le Marine CONWAY, le «Coalfish» avec le Sergent WALLACE et le Marine EWART et enfin le «Cachalot» avec le Marine FISHER et le Marine ELLERY.

Lors de l’extraction de la coque du HMS «Tuna» [1], le «Cachalot» est endommagé et inutilisable. L’équipe ne comprendra plus que cinq embarcations et dix commandos pour effectuer la mission. Le «Coalfish» (morue noire) sera perdu le premier sur la côte atlantique du Médoc [2] dans la soirée du 7 décembre, en face de Soulac. WALLACE et EWART réussiront à regagner la côte et seront fait prisonniers. . Le «Conger» (congre) chavirera dans les remous et les courants de marée à la pointe de Grave [3] dans la nuit du 7 au 8. Le «Conger» ayant été lacéré et abandonné, SHEARD et MOFFATT revêtus de leurs brassières de sauvetage mais transis de froid, sont tout d’abord «remorqués», accrochés au «Crayfish», qui par sécurité pour la mission est obligé de les laisser tenter de regagner la côte à la nage avant de passer devant le port du Verdon occupé par l’ennemi. SHEARD réussira mais sera fait prisonnier, alors que David MOFFATT se noiera et son corps sera rejeté par la mer près d’Ars-en-Ré le 17 décembre. Il ne reste plus à ce moment que trois embarcations. A partir de ce moment les trois équipages vont se séparer par sécurité et se donner rendez-vous vers la pointe des oiseaux [4]. Si «Catfish» et «Crayfish» se regroupent le 8 au matin, «Cuttelfish» manque à l’appel. Ils viennent de parcourir environ soixante kilomètres en pagayant et sont épuisés. Ils vont pouvoir se reposer durant la journée avant de reprendre leur progression à la nuit tombée. Ils voient s’approcher des embarcations transportant un groupe d’ouvriers français qui viennent travailler dans les parcs à huîtres et qui leur conseillent un endroit plus discret pour se camoufler.

Tenant compte de la marée, les quatre hommes vont repartir le 8 au soir vers 23 heures 30. Jusqu’à maintenant ils avaient progressé sur la rive ouest (rive gauche), ils vont devoir traverser la Gironde pour se retrouver à l’ouest sur la rive droite. Dans cette zone, la Gironde fait en moyenne sept à huit kilomètres de large. En fin de nuit, ils atterriront le 9 au matin un peu en amont de Port de Callonges [5] (le point indiqué sur la carte est mal situé en aval). Après six heures d’effort, ils viennent de parcourir environ quarante kilomètres.

Dans la nuit du 9 au 10 décembre, les deux équipages vont remonter la Gironde. La marée étant défavorable, ils vont effectuer leur progression vers Bordeaux en deux temps. La première partie un peu avant la chute du jour en évoluant entre les îles de Patiras à tribord et l’île Bouchaud à bâbord où l’irruption d’une vedette tous feux éteints va les obliger à se réfugier dans les roseaux. A partir de trois heures du matin, ils reprennent la navigation parallèlement à la rive ouest le long de l’île Verte et de l’île Cazeau. Après avoir dépassé le Bec d’Ambès, situé à l’est, de l’autre côté de l’île, ils se réfugient avant l’aube dans un endroit marécageux couvert de hautes herbes situé au sud de l’île Cazeau, masqués par des roseaux, où ils vont passer la journée du 10 décembre sous une pluie fine et froide mais continue. Bordeaux n’est plus qu’à une vingtaine de kilomètres. Ils sont en retard de vingt-quatre heures sur leurs prévisions. Ils sont extrêmement fatigués.

Dans la nuit du 10 au 11 décembre, les deux équipages du «Catfish» et du «Crayfish», après avoir délesté les kayaks du matériel superflu, vont progresser jusqu’à leurs cibles. Après un trajet de quatre ou cinq kilomètres, ils seront au cœur de Bordeaux [7] vers minuit. Après s’être réparti les objectifs, ils vont poser leurs charges sur les navires désignés. Ils disposeront ensuite d’une petite dizaine d’heures avant que les explosions se produisent pour évacuer le secteur et tenter de regagner l’Angleterre en passant par l’Espagne non sans avoir sabordé leurs kayaks.

En ce qui concerne le «Cuttelfish» et son équipage composé du Lieutenant Mac KINNON et du Marine CONWAY, qui n’avait pas rallié le lieu de regroupement avec le «Catfish» et le «Crayfish», il avait en fait relâché le 9 décembre au matin à peu de distance des deux autres équipages, mais en aval de Port-des-Callonges [5]. Il avait continué sa progression vers Bordeaux mais côté est (rive droite) de la Gironde. Le kayak s’était éventré près du Bec d’Ambès sur un objet immergé, sans doute un pieu métallique, et avait coulé. Les deux hommes avaient regagné la rive à la nage et avaient tenté de quitter la France le plus rapidement possible, mais après avoir été aidés par des Français, ils avaient été fait prisonniers sur dénonciation par d’autres Français.

L’opération «Frankton» permettra tout de même d’endommager sérieusement à l’aide de charges explosives aimantées « limpets », plusieurs navires forceurs de blocus : les cargos «Alabama» et «Portland», puis le «Tannenfels», le «Dresden» et le pétrolier «Cap Hadid».

Malheureusement, seul l’équipage du «Catfish», le Major HASLER et le Marine SPARKS, réussiront à regagner l’Angleterre. Les autres, fait prisonniers par les Allemands, souvent à cause de la complicité de Français malheureusement, seront fusillés, conformément aux instructions données par Adolphe HITLER concernant les commandos (voir document joint).

Instructions données par le Fürher Adolphe HITLER du 3ème Reich sur la manière de traiter les commandos capturés :

des anecdotes qui font froid dans le dos. Mais on n'a jamais
dit que les hostilités étaient parties de plaisir.
Souhaitons de la sagesse parmis nos dirigeants.

Merci Daniel pour cette page méconnue de nôtre histoire et en plus elle a eu lieu à Bordeaux , tout un symbol..........