Beaucoup des rescapés tiendront d'ailleurs rigueur au “Pacha”, le lieutenant de vaisseau Labbens, d'avoir accepté de les engager dans cette mission, compte-tenu des conditions dans lesquelles elle avait été décidée par le haut commandement.
Notamment la disproportion entre les effectifs du commando et ceux de l'ennemi, que les services de renseignements ne pouvaient ignorer, puisque même dans les bistrots, les filles nous déconseillaient d'y aller.
Les griefs concernaient également l'organisation sur place.
Quelle imprévoyance, quel manque de discernement d'avoir installé le Commando dans l'église, une véritable souricière qui ne comportait qu'une seule sortie très étroite.
Certains gradés pourtant, l'avaient fait remarquer dès le début.
A cela s'ajoutait la faiblesse des points de défense qui en plus étaient nettement insuffisants : Un manque de postes de tir, d'emplacements de combat, de chemins de liaison aménagés entre ces divers emplacements et de voies de repli.
Puis il faut citer la faiblesse des consignes élémentaires.
Evidemment, il paraît toujours facile de porter des critiques à posteriori, mais il existait des évidences qu'il était impossible d'ignorer.
Quand un coup dur se produit, les responsabilités dégringolent en cascade, partant de l'autorité supérieure pour inévitablement retomber sur un (ou des) “lampiste(s)” qui trinque(nt).
Comme toute cascade, à part dans des cas très rares, ça ne remonte quasiment jamais.
Par contre, s'il y a un beau bilan, qui fera l'objet de communiqués et dont s'empareront les journaux, on refuse du monde sous le “bananier” (8).
Il est à remarquer également ce paradoxe qui consiste, lorsqu'une faute très grave à été commise, à ce que les mutations des responsables ou les relèves de commandement s'accompagnent généralement de promotions.
Les exemples ne manquent pas ; il suffit de rappeler l'affaire de l'abandon de la citadelle de Langson, en octobre 1950…
Certaines responsabilités sur le plan local peuvent, sans doute possible, être attribuées au lieutenant de vaisseau Labbens, plus particulièrement sur le plan de l'organisation, car au combat, c'était un homme courageux.
Il l'a prouvé maintes fois et plus tard encore, au groupement commando mixte aéroporté (G.C.M.A.) et en Algérie.
Mais ce ne pouvait être un lieutenant de vaisseau, fut-il “Pacha” d'un commando, qui aurait pu choisir d'aller “camper” à Ninh-Binh, pour “créer l'insécurité en pleine zone Viêt-minh ” avec … 76 hommes.
Les ordres venaient bien “d'en haut” et là, bouche cousue !
Cependant, il est bien possible que pour les hauts responsables, la mission du commando “François” ait été tout autre que celle définie par Labbens lors de son briefing.
En effet, d'autres sources indiquent que les commandos Romary, Rusconi et Vandenberghe devaient s'enfoncer dans les calcaires de la région de Ninh-Binh, à la recherche de renseignements sur les implantations d'usines d'armement Viêt-minh (9).
Un commando-marine, en l'occurrence “François”, s'enfoncerait également, mais moins en avant, à la suite de ces trois unités, afin de leur établir une base de repli.
C'est une version cohérente, si on tient compte de l'armement d'un commando-marine de l'époque : 5 F.M., 1 mortier de 60 mm, 2 de 50 mm.
Quant au personnel, il était en général bien armé et bien entraîné.
La somme de tous ces éléments permettait sûrement d'établir une base de repli assez solide pour résister aux Viêts, de manière à permettre aux commandos infiltrés d'échapper aux poursuites de l'ennemi.
D'autre part, pour quelle raison le lieutenant de vaisseau Labbens tenaient-il autant à ce que ses hommes se nourrissent presque exclusivement de riz ?…
D'autre part, la dotation radio (SCR 694) permettaient des liaisons lointaines.
Cela ressemblait aux pratiques de l'Etat-major des commandos du Nord-Viêtnam, qui laissait travailler ses troupes dans une région, sans en référer aux autorités du secteur, dans l'intention de préserver une confidentialité impérative.
La vérité sur cette affaire ?…
Espérons que nous pourrons la connaître un jour !
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Le commando “François” reconstitué, continua à opérer entre Cua Lo Re et Réam, puis il retourna à Haiphong.
Ensuite ce fut Apowan puis un nouveau retour à Haiphong.
Ralliant ensuite le cap Saint-Jacques, le commando participait à des opérations en Annam et en Cochinchine jusqu'à mai 1953, date à laquelle il fut dissous.
Le personnel fut ventilé sur différentes affectations.
Les commandos supplétifs “Ouragan” et “Tempête” absorbèrent quelques hommes.
D'autres furent désignés comme instructeurs au centre du cap Saint-Jacques.
Enfin, certains autres furent embarqué sur des bâtiments de la flotte.
La suite des rapatriements et la fin de la guerre d'Indochine allaient ensevelir momentanément le souvenir du commando-marine “François”.
Plus tard, le commando sera reformé temporairement lors des périodes d'entraînement des réserves, en moyenne tous les deux ans.
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Les Commandos supplétifs.
Des commandos supplétifs, comme “Tempête”, furent constitués à l'aide de prélévements sur les commandos-marine.
Ainsi, l'officier des équipages Laverdet, ancien des S.A.S. de la France Libre et un groupe du commando “de Montfort” formèrent l'embryon de “Tempête”.
Il y avait Quentel, Carasco, le Maurillon et d'autres encore, mais en provenance du commando “François”, il y avait Abjean et Escauffre.
Ce dernier permutera ensuite avec Pivin.
Il y aura également avec eux, le sergent “biffin” Mevel.
Les renforts amèneront Mallegol, Tallec et Bertout, qui deviendra l'adjoint de Laverdet.
A l'île aux Cerfs, avec les doris, il y avait Robert (un homonyme du camarade mort en captivité) et Dréanaud.
Julot, le boy de “Jaubert”, voyant à l'occasion des rapatriements partir tous ses amis, ne se sentait plus “chez lui” avec les relèves …
Il ne connaissait plus personne et ne pouvait plus ainsi évoquer ses souvenirs d'ancien ayant servi à “Jaubert”.
Lui qui se sentait Français, fut écœuré de l'indifférence des nouveaux venus à son égard et, lorsqu'il fut contacté par quelqu'un de “Tempête” pour rallier le commando, il accepta sur le champ !
L'officier des équipages Laverdet avait récupéré lui aussi un ex-Viêt, Cauphi Canh, un ancien de la division 308.
Celui-ci avait encore deux frères chez les Viêts, Nguyen Van Bich, qu'il fera déserter avec son arme et Sao, qui ralliera également.
En attendant, Cauphi Canh portait les galons de sergent.
Le commando “Tempête” était constitué de deux sticks de dix huit hommes chacun, encadré par quatre Européens : Robert (quartier-maître de 1ère classe), Abjean, Pivin et le sergent Guichard.
C'est au cours d'une opération à l'île de la Cac-Ba, que Julot sera grièvement blessé.
Il suivait le groupe de Robert et, en contournant une colline, quelqu'un toucha un obus piègé.
A la suite de l'explosion, on releva trois ou quatre morts et Julot gravement touché.
Robert le hissa sur son épaule et redescendit rapidement vers la plage.
Une partie de celle-ci était présumée minée, mais Robert passa outre pour arriver plus vite jusqu'au L.C.V.P. qui les avait amenés dans l'île.
Trop gravement atteint, Julot mourra malheureusement quelques jours plus tard à l'hôpital Ciais où il avait été admis.
Il y eut également le commando “Ouragan” et le commando “Sénée” (ou “N° 32”) comprenant des Nungs, commandé par le lieutenant Renaud, neveu du général de Linarès.
Il traînait la jambe à la suite d'une sale blessure.
Il sera remplacé par le lieutenant le Boulanger.
C'était un commando lourd, avec des mortiers et un effectif d'environ cent cinquante hommes.
Il serait incomplèt de ne pas citer le commando “N° 45” du sergent Guisset, un parachutiste d'origine réunionnaise, avec son adjoint Lakarmance.
Ils seront fait prisonniers à la fin de l'année 1952, lors des attaques du Viêt-Minh contre le camp de Na Sam.
Tous les commandos supplétifs en groupement, se trouvaient tout d'abord placés sous les ordres du capitaine Robert (un autre homonyme du pauvre Robert), puis par la suite sous ceux du capitaine Delayen.
(1)- Etant donné les effectifs de la marine, il y eut un nombre important de volontaires pour l'Indochine.
Mais les meilleures campagnes : Tahiti, Nouméa, les Antilles, Dakar, étaient réservées, la plupart du temps, à ceux qui bénéficiaient de relations aux “désignations”, ou parmi les parlementaires bretons.
Le circuit Paris-dakar était très coté : Affectation au Ministère, toujours prêt à bondir, puis campagne tranquille à Dakar… retour à Paris, etc…
Car les primes de départ en campagne à Dakar étaient plus importantes que celles pour l'Indochine ; incroyable, mais vrai !
(2)- Ces personnels faisaient tout de même l'objet de citations
(3)- Il faut bien insister sur le fait que les rescapés faisaient, tout de même, l'objet d'une citation. Citation minimum, certes, alors que sur les “gros culs”, comme le croiseur Duguay-Trouin et le porte-avions Arromanches, le personnel restant à bord pouvait, avec un livret sans punition, en obtenir autant, sinon plus.
(4)- Points complémentaires opérationnels, accordés au personnel servant en secteur déclaré “opérationnel”, à raison (si nos souvenirs sont exacts) de deux par période continue de quatorze jour.
(5)- A part les fourriers, personne ne pouvait comprendre le système de solde.
Il faut toutefois citer la grande compétence du personnel des bureaux administratifs.
Souvent le patron fourrier, chef de bureau, conseillait, quand il ne remplaçait pas le commissaire, lorsque se posaient des problèmes graves, ou du moins compliqués à résoudre.
(6)- Fait vérifié auprès des rescapés et confirmé.
(7)- Yonger, rappelons-le, avait eu une fesse arrachée par un éclat de mortier.
(8)- “Se placer sous le bananier” : Expression typiquement militaire pour qualifier l'action de solliciter des décorations.
(9)- Ces Commandos comprenaient des supplétifs viêtnamiens, en général d'anciens Viêts.
L'encadrement européen était assez faible en nombre.
Ces Commandos seront dissous, soit après la mort de leur chef, comme ce fut le cas après l'assassinat de Vandenberghe, soit à la suite de nombreuses désertions.