Ancienne base aéronavale et de la dinassaut n°8, le poste fluvial de Cantho comprend une flottille amphibie d’une quinzaine d’engins, en majorité : L.C.M., L.C.V.P. et V.P. (1).
Vient s’y ajouter une poussine de petites embarcations dites : Mythos.
Elle dispose encore en 1955, de hangars pouvant recevoir des hydravions :
Gruman Goose, Sea Otter et
Catalina. Un « slip »(3) d’amerrissage est aménagé sur le Bassac.
Depuis sa passation à la marine vietnamienne en 1953, la flottille amphibie exerce ses missions sous les deux pavillons. Cependant certains équipages peuvent êtres encore mixtes.
Jusqu’au retrait de la marine française, fin 1955, la
Base était encore commandée par le Capitaine de Corvette
Rapin (lequel avait autorité sur les deux Etat Majors), lui- même rendait compte à l’E.M. «
C.o.f.l.u.s.i.c. »(2) .(1) Landing Craft Materiel
- Landing Craft Vehicule Personal
- Vedette de Patrouille
(2) Commandement Fluvial Sud Indo-Chine
(3) de l' anglais : to slip = glisser
- Les installations comprenant : Magasins, locaux administratifs, cuisines, infirmerie, dortoir et hangars, constituaient la presque totalité de la superficie de la base.
Un appontement en bois assemblé d’un rail pour wagonnets, desservait les engins.
Une plage piquée d’un mât aux couleurs des deux flottilles rassemblait les deux personnels.
Les dortoirs au sol carrelé, équipés de ventilateurs, donnaient une impression de discipline et de confort.
L’équipe du L.C.M. de commandement
9. 137, que dirigeait un second-maître canonnier était composée : d’un quartier-maître « boum » (1)- lequel faisait office de second – de deux mécanos, un radio, un cuistot (aidé par un bêp) et deux canonniers, dont je remplaçais l’un, arrivé en fin de campagne .
( 1) qui désigne un canonnier
Le « bêp » cuisinier en vietnamien, encore appelé « boy » terme plus péjoratif, avait un statut particulier à bord.
Il était intégré dans l’effectif du bord et chaque unité en possédait un.
Son rôle de suppléant cuistot le désignait, fort à propos, à l’approvisionnement, auprès des marchés locaux, aux cours des missions sur les fleuves. Il s’occupait également de la propreté du linge de l’équipage.
C’est dire la place qu’il tenait à bord ! Le nôtre ; Lê Van Kuat (1), cambodgien d’origine, y tenait beaucoup.
(1) Après plus de cinquante ans passés, au cours de recherches aux archives de Vincennes je redécouvrais son nom dans un dossier des forces fluviales de Cantho.
A l’embarquement le contact est spontané ! Nous fraternisons vite…
« Bienvenue à la Base et à bord du
9.137 matelot !... » m’apostrophe le quartier-maître Scelles, un normand, lequel avec le reste de l’équipage a déjà en tête la bouteille que je vais devoir payer, c’est la tradition !..., à la prochaine permission.
La visite de tous les coins mal famés de Cantho, avec présentation au resto-bar «
Chez Jacqueline » le fief de équipe du
9.137.
Cette jeune femme annamite poussait la compétence de barmaid, à nous faire
Quê-Bout (1) quand, dans le milieu du mois, on était fauché.
1) Une ardoise : une pancarte, un crédit.
A l’époque « bars et tripots » de Cantho était l’affaire des Hoa Hao, une secte mafio-religieuse ralliée à la France après être passée au vietminh de Nguyen Binh quelques années auparavant .
Ces sectes, principalement : Binh Xuyen, Caodai et Hoa Hao, étaient bien connues pour leurs versatilités, passant à l’un ou l’autre des deux camps moyennant de grosses compensations : en armes et en argent.
Pour l’heure ; l’entente était du côté français… lesquels pouvaient s’enorgueillir de la relation entretenue depuis quelques années.
Il n’en avait pas été de même avec le viêt. Nguyen Binh, trop autoritaire pas assez coulant sur le trafic de tout genre des mafias.
Bref, ensemble nous naviguions en juste noce ! nonobstant quelques petits écarts autant dire, infimes par rapport à l’épine qu’ils nous enlevaient du pied en se rendant maîtres de vastes provinces de Cochinchine.
Les viets chassés, on oublia très qu’ils furent un moment du côté de notre ennemi intime.
On passera sous silence que, quelques années en arrière, on…qui ? transféra quelques lingots d’or de la Banque d’Indochine… combien ?... à T.V.S.( Tranh van Soaï ) maître de la province de Cantho.
Ces relations, bien singulières, associées à la défaite de Dien-Bien-Phu, nous furent longtemps reprochées
Mais revenons au souvenir plus personnel que je garde de cette période :
A suivre