Les moteurs sont mis en route et nous décollons.
Je ne sais plus par quel hublot regarder, ils sont tous à moi !
Nous faisons une courte escale à Hao sans que je sache pourquoi, personne ne vient me voir...!
Je peux à loisirs admirer les atolls que nous survolons et l'atterrissage à Papeete.
Super vol !
Une Jeep et son chauffeur m'attendent à Faa et me conduisent à Fare Ute où je vois le
CHELIFF pour la première fois.
Vu de l'extérieur, il me semble âgé mais en bon état, mais le choc est pour moi quand je pénètre à l'intérieur et que je découvre les aménagements...
L'état des lieux a été très bien décrit par Roger Tanguy, je ne vais donc pas en remettre une couche, il vous suffit de remonter à ses posts.
A ce moment, je suis devenu le Xème "toubib" ou "Taote" du
CHELIFF.
Je n'ai pas rencontré mon prédécesseur, pas plus ensuite que mon successeur 10 mois après.
S'ils se reconnaissent sur ce forum, je serais heureux de les connaître.
Curieusement je n'ai aucun souvenir du "poste équipage" que Roger décrit, sauf qu'il était à l'arrière bâbord et pourtant j'ai dû y vivre pendant deux mois et demi jusqu'au 1er Octobre 67, date à laquelle j'ai été promu QM1.
Mais je me souviens parfaitement des chiottes à la turque ouvertes sur la coursive qu'utilisaient aussi les QM1 puisqu'il n'y avait rien d'autre.
Je rajouterai au commentaire de Roger que les clapets anti-retour de certaines des cuvettes de WC étaient morts et que par grosse mer, l'eau salée remontait de temps en temps brusquement à chaque lame qui cognait la coque...
Il y avait alors de l'eau salée plein la coursive et je ne me souviens plus par où elle était évacuée.
Au début, comme l'a bien expliqué Roger, les nouveaux étaient choqués mais l'être humain s'habitue à tout et nous ne faisions assez vite plus attention à cet inconfort.
Inimaginable de nos jours...!
Par contre, je me souviens bien du poste des QM1.
Il était situé à l'arrière tribord mais ne devait pas être aussi en arrière que le poste équipage car je n'ai jamais souffert du bruit de l'ancre arrière en mer que signale Roger.
Mais il devait se trouver au dessus d'un des deux arbres d'hélice car, par gros temps, quand celle-ci battait trop en surface entre les lames, nous ressentions de fortes vibrations.
Quand nous naviguions face à la forte houle, l'étrave cognait et tout le bateau se mettait à osciller comme un métronome, nous faisant bouger dans le poste comme en avion dans les perturbations.
Pendant un coup de vent et mer forte, il m'est arrivé de penser qu'il allait se casser en deux et j'ai mis mon appareil photo et mon porte- feuilles dans un sac étanche...
Le poste des QM1 était beaucoup plus petit que celui dit "de l'équipage" mais il était équipé des mêmes bannettes qu'a décrites Roger, sur trois niveaux, avec une table au milieu.
Il n'y avait évidemment pas de climatisation et pas de hublots aussi il faisait une chaleur terrible même la nuit.
Je me souviens d'un camembert, qui, stimulé par cette atmosphère, se sauvait de sa boîte...!
Il y avait encore à cette période des QM1 avec plus de 10 ans de service, 2 chevrons rouges et 1 jaune et une casquette à la place du bachi.
Nous en avions un dans le poste qui buvait du rouge au petit déjeuner dans sa moque à la place du café...
Assis à la table, on avait les pieds de ceux qui étaient dans la bannette du milieu à hauteur de figure.
Un soir, j'étais assis à la table avec des camarades et j'avais les pieds du chouf en question derrière ma tête.
Comme il avait l'air de roupiller fort, quelqu'un a demandé s'il n'était pas dans le coma.
Pour le savoir, il suffit de prendre le manche d'une cuillère par exemple, et de le passer sur la plante d'un pied de bas en haut.
C'est ce que j'ai fait... le chouf s'est levé d'un coup, a chopé un couteau et a commencé à me courser dans le poste en gueulant.
J'étais plus agile que lui et les camarades l'ont calmé, mais j'ai toujours eu l'impression qu'il m'en a voulu longtemps.
A plus tard.
Michel GUE