Je ne veux pas m'étendre sur mon séjour en France entre mes deux campagnes car là n'est pas le sujet.
Toutefois, certains passages touchent de près les marins de retour d'Indochine et le choc du premier contact avec la métropole, tant rêvé par la majorité, mérite une petite digression.
- Spoiler:
- Le lendemain, nous débarquons du "Pasteur". Avant de nous lâcher dans la nature, nous allons subir un contrôle sanitaire, plus particulièrement axé au dessous de la ceinture. Déclaré bons pour la copulation, nous nous répandons dans la ville à quatre copains, flanqués de la "mama" Oui, j'oubliais, la "mama", la mienne qui s'est offert le voyage afin de revoir plus vite son fils chéri. Il y a là Leroux, un ancien des LCVP, Le Phaler, le poète débarqué comme moi du 2-6-3, Renard connu depuis Haï-Phong,je crois. De bar en bar, de pastis en Cinzano, ce sont quatre gaillards bien éméchés qui embarquent dans le train pour Lyon, toujours flanqués de la "mama" qui a du mal à suivre le rythme. Tout à l'euphorie du retour dans la mère-patrie, les copains vont rester trois jours à la maison pater-maternelle, trois jours pendant lesquels, selon l'expression en vogue, ils ne verront guère le soleil. Untel, porté disparu, est retrouvé allongé dans un fossé et signalé par un passant compatissant, un autre s'alitera une demi-journée, victime d'un accès de paludisme, ce paludisme dont la crise est provoquée par l'abus d'alcool et appelé "palu de comptoir" par les coloniaux. Après trois jours d'animation forcenée dans le village, certain s'avise que le voyage n'est pas fini. Quelque part, dans trois coins de France, des familles attendent le fils prodigue en se demandant où a-t-il bien pu passer. Et le groupe éclate, chacun se retrouvant face à cette nouvelle vie à laquelle d'aucuns auront du mal à s'intégrer.
Là, se situe un épisode très personnel qui peut se résumer pour moi par une immense déception sur tous les plans. Il me suffit de dire qu'au retour au cinquième dépôt, je me porte aussitôt volontaire pour l'Indo avec la ferme intention de ne plus remettre les pieds dans ce foutu pays de France où, selon l'adage des marins," toutes les femmes ..."
A vingt ans, les sentiments sont tranchés et ne font pas dans la dentelle.
Bref passage à bord de l"Elie Monnier", commandant Houot , bateau du GERSM, commandant Cousteau, puis peut-être un mois plus tard ,embarqué sur le "Guichen" croiseur ex-italien , cédé lui aussi à la France au titre de dommages de guerre, construction tout en aluminium, sauf la coque. Arrivé à la coupée, l'officier de garde bondit sur moi, effaré:
-Mais qu'est ce que c'est que cette tenue? Vous portez là une tenue d'officier. C'est interdit!
Je n'ai pu me présenter qu'avec la seule tenue de jour que je possédais, la tenue kaki de la FAIS. Jusqu'à présent, j'avais pu circuler librement dans l'arsenal. Mais à bord d'une grosse unité comme un croiseur, on ne badine pas avec la tenue. On n'est pas constamment en flottant noir comme sur les fleuves d'Indochine. Et je suis dirigé "manu militari" vers le magasin d'habillement.
La grosse unité qu'est le "Guichen" implique un service maximum