Sur la Doris , à la fin des années 60 , nous étions quelques Officiers Mariniers à nous retrouver les Dimanches midi pour pique-niquer à la plage de l’Estagnol !!!
Pour une somme modique , on avait accès à une pinède privée qui servait de parking en bordure de la plage . En ce temps là , bar et restaurant de plage n’existaient pas , on garait nos voitures à l’ombre des pins , et on disposait nos tables de camping de manière à former une grande table de banquet sur laquelle on partageait apéro , victuailles , cubis de rosé , etc… etc… A la fin du repas , la sieste n’était pas obligatoire , mais s’invitait d’elle-même , bien reposante à l’ombre des pins avant de s’affronter dans des parties de pétanque démentielles ou de rejoindre nos épouses sur la plage où elles surveillaient les branleurs qui pataugeaient dans l’eau tout l’après-midi . Bien souvent , pour le dîner , on remettait le couvert pour finir les restes avant de rentrer à Toulon avant la nuit … Quels merveilleux Dimanches !!!
Or un Dimanche , je décide avec mon épouse d’aller voir plus loin sur la côte si on peut trouver un petit coin sympa où casser la croûte et faire trempette , nous laissons donc la plage de l’Estagnol , et on continue sur la route côtière en direction du Lavandou …
A un moment donné , la circulation ralentit et on roule au pas … nous passons devant deux motards de la Gendarmerie arrêtés sur le bas-côté de la route , à l’ombre des arbres , ils surveillent la circulation …
Un peu plus loin , la circulation a repris sa vitesse normale et nous roulons en admirant le paysage … Quand soudain , j’aperçois les deux motards dans mes rétros … ils me rattrapent et me collent au train …. Je serre ma droite pour leur faciliter le dépassement … ce que fait l’un d’eux en me regardant fixement … je continue de serrer ma droite pour que le deuxième puisse me dépasser en toute sécurité … mais non !!! il persiste à rester derrière moi alors que l’autre roule à une vingtaine de mètres devant moi !!! Me voilà encadré par la Gendarmerie !!! Je me creuse les méninges pour me rappeler si j’ai fait une faute de conduite ou une infraction au code de la route ; mais je ne vois aucune faute commise …. Mon épouse non plus …
Tout à coup , le motard qui me précède me fait signe de me garer dans un endroit sur le bord de la route d’où on peut admirer la mer , une sorte de petit parking … Je m’arrête derrière lui , serre mon frein à main et coupe le moteur … Descendu de sa moto , le gendarme vient à hauteur de ma portière ; je baisse ma vitre … il me salue et me demande mes papiers ; je lui tends carte grise et permis de conduire … à la lecture de la carte grise , il hoche la tête en disant :
- C’est bien ce que je pensais !!! c’est bien ce que je pensais !!!
Mais il pense quoi cet individu ??? il commence à me gonfler sérieusement !!!
- Carte d’identité svp !!!
Je lui donne ma carte d’identité militaire ….
- Mais c’est bien ce que je pensais !!! s’exclame-t-il …
Ca commence à bien faire … il commence à me casser sérieusement les c****** !!! il me rend mes papiers … enlève ses lunettes et son casque ….
- Ben alors Cloclo !!! tu ne me reconnais pas ???
Soudain , je reconnais Bill , un vieux copain avec qui j’avais navigué sur le Morse cinq ans auparavant … on se serre la main dans un grand éclat de rires ….
- Qu’est-ce-que tu fais là Bill déguisé en flic ???
- Ramènes-toi , je vais t’expliquer …
Je descends de la voiture et nous rejoignons son collègue . Bill fait les présentations et m’explique que peu de temps après mon départ du Morse pour rejoindre le cours de Q/M à Toulon ; il avait lui aussi débarqué du Morse pour rejoindre une école de Gendarmerie , car il ne pouvait plus supporter le mal de mer qui le rongeait même par temps calme dès que nous avions largué les amarres . Après son stage de motard , il avait été affecté à la Gendarmerie de Hyères d’où il patrouillait sur les routes du Var. Au cours du ralentissement de circulation , il avait cru me reconnaitre , mais n’en était pas certain … il fallait donc qu’il vérifie … Je lui fait remarquer qu’il m’a fait poireauter pendant un bout de temps sous la menace d’une amende … mais on ne se retrouve pas pour s’engueuler ; on préfère se remémorer les bons moments passés sur le Morse , nos escapades au port de pêche , les castagnes avec les sakos chez Nédo et la grande bagarre de Lisbonne où avec les Américains et les Allemands , on s’était sérieusement frictionnés avec les flics portugais après que l’un d’eux s’était fait planter un couteau dans le ventre par un Allemand complètement bourré qui voulait se farcir une gonzesse sur une des tables du Texas Bar …. Bilan de cette bagarre : la coursive de l’infirmerie du Rhône qui nous accompagnait était envahie de blessés qui attendaient des points de suture …
Son collègue n’en croit pas ses oreilles …. Et voilà que les contestataires du siège arrière se manifestent car il commence à faire très chaud dans la voiture arrêtée en plein soleil . Il nous faut donc nous séparer en se promettant de se revoir le plus rapidement possible .

On se reverra de temps en temps à la plage de l’Estagnol !!! où Bill accompagné de sa petite famille retrouvera avec énormément de plaisir la merveilleuse ambiance de la sous- marinade !!!!!

Les Officiers Mariniers qui ont exercé la fonction de Maître de service sur les Classiques à la fin des années soixante se souviennent certainement de ce putain d’exercice qui nous pourrissait la vie lorsque nous étions à quai :
Je veux vous parler de l’exercice MISTRAL !!!!
Cet exercice était composé de trois phases :
1ere phase : MISTRAL JAUNE : L’Etat Major soupçonne que les pays situés de l’autre côté du rideau de fer préparent une attaque nucléaire sur nos base navales ; mais , les Services de Renseignements ne sont pas au courant et sont incapables d’affirmer ou d’ infirmer que cette attaque est en préparation ….
2eme phase : MISTRAL ORANGE : Les Renseignements confirment qu’une attaque est en préparation mais sont incapables de donner une date approximative de son exécution . Nous sommes sur le qui-vive , car nous devons mettre à l’abri nos bateaux le plus rapidement possible à l’annonce de Mistral Rouge …..
3eme phase : MISTRAL ROUGE : L’attaque est lancée et confirmée par les Renseignements , il nous faut dans l’urgence mettre nos bateaux à l’abri ou appareiller le plus vite possible .
Les Maîtres de service doivent en permanence être au courant de l’état de leur bateau pour réagir le plus rapidement possible .
La Doris est amarrée à Castigneau depuis presque un mois en DISAC , et Mistral Orange est déclenché depuis au moins deux mois ; nous sommes donc sur le qui-vive depuis que nous sommes arrivés à quai et cette situation commence sérieusement à nous gonfler !!! Il nous reste moins d’une semaine à supporter cette incertitude , dans 4 ou 5 jours , nous serons quelque part en Méditerranée , bien plus peinards en immersion , et Mistral ne nous cassera plus les c…….. !!!
Un matin , après l’appel de 08H00 , je prends mon tour de Maître de service , il nous reste 4 jours avant d’appareiller .
Nénesse qui était de service la veille me transmet les consignes et me renseigne sur l’état du bateau me précisant que l’embarquement des torpilles est prévu pour le lendemain , ce que je sais , puisque c’est moi le Patron Calcul !!!!
Pour bien connaitre l’état du bateau , je descends à bord rencontrer tous les responsables des services : il en ressort que seul le GE bâbord est indisponible , le diésel est en cours de visite par la DCAN et les électriciens sont en train de changer les charbons de la génératrice ; à part ça , tout semble OK …
Puisque nous embarquons les torpilles le lendemain , dans la matinée , je vérifie mes calculateurs de la DLT ( Direction de Lancement de Torpilles ) dans l’après-midi , je suis au poste AV afin de vérifier les télérèglages des huit tubes ….
Il est aux environs de 14H00 quand le factionnaire descendu de la plage avant m’interpelle :
- Patron !!! on vous demande au téléphone !!!
- Qui ça ???
- Je n’en sais rien , il ne s’est pas présenté !!!
- OK !!! j’arrive !!!
Je monte sur le pont et saisis le combiné que le factionnaire à posé sur le dessus du coffret
- Sous-marin Doris , j’écoute !!!
- Bonjour , je voudrais parler au Maître de service !!!
- Je suis le Maître de service !!!
- Ici le Commandant xxxxxxxx responsable du PC Opérations , je vous annonce : MISTRAL ROUGE !!!!!
- Quoi ?????
- MISTRAL ROUGE !!!!!
- Bien reçu !!! merci !!! et je raccroche ….
Je demande au factionnaire de décrocher le coffret du téléphone de la rambarde du massif et de le déposer sur le quai . Je m’apprête à descendre dans le bord , quand Gégène le Maître de service de l’ Aréthuse qui est amarrée devant nous arrive en courant :
- Cloclo !!! Mistral rouge !!!!
- Merci Gégène !!! je suis au courant , je vais préparer l’appareillage !!!
- Ben moi je ne sais pas quoi faire !!! ma station d’huile est dans le sac !!!
- Pas grave Gégène , ton bateau en zinc ( c’était notre habitude de charrier les gars de l’Aréthuse ) Tu pourras le manœuvrer à la godille !!!!
Vexé , Gégène rejoint son bateau et moi je descends dans le bord direction la cuisine ; car par une chance inouïe , notre Patron du pont Pilote de la Flotte surnommé le Pilaf est dans la cambuse avec la Cuisse à faire du rangement en vue d’un prochain embarquement de vivres …..
- Pilaf !!!!
- Ouais !!!
- Mistral rouge !!! on appareille !!!
- Mais t’es complètement cinglé Cloclo !!!
- On appareille nom de Di.u !!! monte à la passerelle !!!
Puis je me rends aux diésels pour demander aux gars de la DCAN de quitter le bord et d’attendre sur le quai pour nous aider à enlever la coupée et larguer les amarres .
Je demande à Jo le Patron électricien de laisser tomber ses travaux sur la génératrice et de prendre toutes les dispositions nécessaires à l’appareillage .
Sur les directives de Jo , les électriciens enclenchent les 5000 (disjoncteurs de tête de batteries ) démarrent un 37 Kva et débranchent le câble d’alimentation électrique par la terre ; ils démarrent la station d’huile et le gyro-compas qui n’aura pas le temps de se stabiliser ; pas grave !!! on naviguera en zig-zag s’il le faut .
Je fais rapidement le tour du bord pour voir si nous avons tous les bonshommes nécessaires à la navigation , car une partie de l’équipage est à Missiessy .
A la propulsion , Jo et la Hure le Patron diésels ont les gars nécessaires , Raymond le Patron Torp a prit le Central en main avec deux veilleurs et un électricien de Central . Au CO , Alain le Patron DSM a lui aussi ce qu’il faut ; au poste AV , une dizaine de bonshommes sont au poste de propreté ; nous avons donc tout le personnel pour pouvoir appareiller .
Les lignes d’arbre et la barre de direction sont balancées : tout fonctionne normalement .
Raymond annonce à la passerelle que nous sommes parés à appareiller ; mais là-haut , le Pilaf hésite à larguer les amarres , il attend désespérément l’arrivée du Commandant …. Au bout de quelques minutes , il se décide quand même : il fait enlever la petite coupée en alu , fait larguer les amarres et commence sa manœuvre …..
Nous sommes éloignés d’une dizaine de mètres du quai quand une voiture arrive à plein pot donnant de grands coups de klaxon et faisant des appels de phare ; elle s’arrête dans un couinement de pneus …
Le Commandant et l’Officier en Second en descendent en faisant de grands gestes ….
Le Pilaf nous prévient que nous revenons à quai ; il manœuvre comme un chef et la petite coupée est remise en place sans amarrer le bateau ; quand une deuxième voiture arrive amenant le reste des Officiers ….
Tout ce beau monde embarque rapidement , la coupée est retirée et le Cdt monte à la passerelle où le Pilaf s’attend à ramasser une avoinée de première !!!
Bien au contraire , le Cdt le félicite pour avoir réagi très rapidement et lui demande de continuer sa manœuvre ….
Nous sortons de la darse de Castigneau , le Cdt fait prendre la charge sur le seul GE disponible , et nous faisons route vers la passe de St Mandrier les deux moteurs AV3 pour économiser les batteries .
Au CO , Alain s’aperçoit que la rose de la table traçante est immobile … Normal !!! dans la précipitation , nous avons oublié de sortir le loch !!! oubli réparé … tout est OK !!! Le Cdt demande qu’on lui monte un bloc message , il rédige un message à destination du PC Opérations en indiquant notre heure d’appareillage , notre vitesse limitée à 7 nœuds et notre impossibilité de plonger (pas de poste de combat de vérification ) mais que nous faisons route vers la position qui nous a été attribuée au large du Cap Brun
Le vieux Jean le Patron radio transmet le message en VHF au sémaphore de Cépet . Un quart d’heure après , nous franchissons la passe de St Mandrier quand un message arrive venant du PC OPS ; le Cdt fait rompre du poste de manœuvre à l’intérieur … je prends le quart au CO où seule la table traçante est en fonction .
le Cdt descendu de la passerelle traverse le CO pour se rendre au Carré , je lui tends la planchette des messages où le vieux Jean a épinglé le dernier message reçu : un message de félicitations du Préfet Maritime et du Commandant d’Escadrille , car nous sommes le premier bateau à avoir appareillé un quart d’heure après le déclenchement de l’alerte rouge !!! A sa lecture , le visage du CDt s’illumine …..
- Puisque nous en sommes aux félicitations …. Me dit-il …. Je vous félicite pour votre réaction en temps que Maître de service , mais , vous auriez quand même pu m’attendre !!!
- Désolé Cdt !!! si le Patron du pont n’avait pas été présent à bord ,nous aurions bien été obligés de vous attendre !!!
- A la bonne heure !!!mais vous avez bien réagi !!!!
En cours de route , nous recevons un nouveau message du PC OPS apportant une correction au Zonex et nous affectant un nouveau secteur dans la rade de Hyères … Secteur que nous atteignons dans la soirée en restant en surface . Le Cdt fait stopper les moteurs , et bientôt , la charge sera réduite et coupée , les batteries étant chargées ras la gueule …
Après le dîner , pour occuper l’équipage , le Cdt décide d’effectuer le poste de combat de vérification ; cela nous prend une petite heure , et nous pourrons ainsi plonger si besoin .
Depuis notre arrivée dans notre secteur , quelques voiliers de plaisance sont venus nous rendre visite , intrigués par la présence de ce sous-marin qui reste là sans bouger .
Le Cdt rend compte au PC OPS que nous avons possibilité de plonger … n’ayant aucune réponse , toute la nuit en surface , nous ferons un hippodrome les deux moteurs AV1 entre deux points désignés par le Cdt .
Cela nous semblera bizarre d’avoir un tel silence dans le bord alors que nous sommes en surface , car d’habitude , les GE tournent à plein pot !!!
Le lendemain matin , vers 08H30 , nous recevons un message nous autorisant à regagner Castigneau , l’exercice Mistral étant terminé pour nous . Le GE est redémarré et toujours moteurs AV3 , nous regagnons notre poste d’amarrage derrière l’Aréthuse qui n’a pas bougé .
Dans la rade abri , nous avons remarqué que de nombreux bateaux gris manquaient à l’appel … pendant la nuit , ça a dû se bousculer au portillon à la passe de St Mandrier !!!
Cet exercice qui était conçu pour tester les possibilités d’appareillage en urgence a été un grand succès pour nous …. Désormais , les Maîtres de service auront l’esprit plus tranquille à quai !!!!!!!!!!

Au printemps 1970 , je prends le quart au CO à 08H00 , mon pote Jacquez prend le Central et le « Pilaf » notre Patron du pont Pilote de la Flotte prend son poste d’officier de quart .
« La maistrance est aux commandes » comme le dit si bien le Pacha …
La Diane est au schnorchel , charge réduite dans un secteur situé entre Nice et la Corse . Nous attendons l’arrivée l’arrivée d’un Atlantique de Nîmes Garons avec qui nous avons rendez-vous à 08H00 , mais l’avion est à la bourre , les Pingouins n’étant pas des lève-tôts comme chacun sait …
La mer est belle , un vrai lac , pas une ride sur l’eau , les coups de clapets se font rares , ce qui est fort appréciable !!!! Nous devons effectuer un casex Julie avec l’avion …
Le principe de ce genre de casex est le suivant :
IL s’agit pour un avion de pister un sous-marin à l’aide de ses bouées acoustiques surnommées les « julies » ces bouées , larguées par parachute sont munies d’un hydrophone et d’une antenne radio qui leur permet de retransmettre à l’avion tous les bruits captés par l’hydrophone . Elles fonctionnent donc en mode détection passive . N’étant pas pourvues d’émetteur sonar pour fonctionner en détection active , l’émission sonar est remplacée par l’explosion d’une grenade lancée par l’avion sur la bouée . En mesurant le temps qui s’écoule entre l’explosion de la grenade et le retour de l’écho renvoyé par le sous-marin , l’avion peut calculer la distance bouée-sous-marin sachant que la vitesse du son dans l’eau est de 1510 mètres /seconde environ . En utilisant plusieurs bouées mouillées en pattern , il lui est possible de déterminer la route du sous-marin et de mener son attaque à la torpille …
Ces fameuses grenades ont une particularité : elles explosent à 150 mètres d’immersion maximum et sont assez puissantes . Par mesure de sécurité pour le sous-marin , l’avion a interdiction de grenader dans les cinq minutes qui suivent le « Top début d’exercice » pour laisser le temps au sous-marin de descendre en dessous de 150 mètres . Dans un exercice de mise au point de ces « Julies » une grenade lancée judicieusement par l’avion s’est retrouvée coincée dans le massif du sous-marin et plus précisément dans le logement du périscope de veille !!!
Le sous-marin , passant les 150 mètres en descendant , la grenade a explosé , détériorant complètement la tête du périscope ; brisant les antennes Radar , APA , ARUD et noyant le dit périscope !!!
Vers 08H15 , contact radio avec l’avion . Après les salamalecs de bienvenue , nous lui proposons le cap à suivre pour nous rejoindre puisque nous avons l’azimut de son radar à l’ARUR … il nous indique bientôt qu’il nous a au contact radar et passe peu de temps après à notre verticale . Nous lui précisons notre cap pour le début d’exercice , et le « Top début d’exercice est donné » . L’avion largue une de ses Julies à environ 1500 mètres devant nous alors que nous donnons l’alerte pour commencer notre descente à grande vitesse , car nous ne disposons que de cinq minutes pour nous mettre à l’abri des grenades ….
- 200 mètres !!! moteurs AV4 !!! assiette -20 !!! ordonne le Cdt ….
- Attention à la pointe !!! on descend à 200 mètres !!! surveillez l’étanchéité !!! diffuse le Central …
Nous descendons à grande vitesse : à 9 nœuds … Le Cdt rejoint le Carré des Officiers , nous laissant la conduite du bateau après avoir demandé au Pilaf de réduire AV2 lorsque nous serons à 200 mètres ….
Nous passons les 150 mètres , nous allons être à l’abri des grenades dans peu de temps …
Soudain , à 170 mètres , un effrayant grondement se fait entendre à travers la coque épaisse . Il est si violent que les opérateurs sonar et GCO2 ont enlevé leurs casques d’écoute et me lancent des regards de panique . La Diane vibre de tous ses couples et est prise de tremblements si violents que certains néons s’éteignent ; mes règles et compas de vitesses glissent sur la table traçante à cause de la pointe , traversent le Carré pour s’accumuler contre le surbeau de la porte étanche du poste AV …ça gronde et ça secoue toujours ….les montées d’adrénaline nous hérissent les poils des avant-bras et pas que ces poils-là d’ailleurs !!!
- Ronde d’étanchéité !!!Rendre compte à la voix !!! diffuse le Central …
Le Commandant suivi du Cipié traversent en trombe le CO pour se rendre au Central où ils constatent que Jacquez , sans attendre l’ordre de qui que ce soit , a mis les barres de plongée toutes à monter …. Et ça gronde !!! et ça tremble !!!et ça secoue !!! et ça gronde !!! c’est effrayant !!!! En même temps , l’Off en Second bloque à la porte du poste AV les gars qui paniqués s’entassent en voulant rejoindre le CO ou le Central …
- Très bien Patron !!! 40 mètres !!! assiette +20 !!! se préparer à chasser partout !!! ordonne le Commandant ….
Nous avons tous compris que le Cdt a prit en main la manœuvre …
L’électricien de Central prend en main les manipulateurs des tiroirs de chasse HP et attend l’ordre … Dès que la pointe est passée en positif le Commandant ordonne :
- Chasser 30 secondes partout !!!!
L’électricien chasse à tous les ballasts ….. L’effrayant grondement s’arrête brusquement , la Diane se calme , elle ne vibre plus et n’est plus secouée …. Le bateau est étanche … nous remontons très vite en assiette +20 les moteurs toujours AV4 ….
Voyant que la Diane se comporte bien , au bout de 20 secondes :
- Tient bon chasser !!!! ordonne le Cdt pour économiser l’air HP
- Se préparer à ouvrir les purges !!!
Quand nous passons 70 mètres d’immersion :
- Ouvrez les purges !!!! ordonne le Cdt ….
Il est clair qu’on ne peut arriver en surface comme ça !!! le bateau est étanche et nous ne sommes pas dans une situation critique bien que très stressante …Il nous faut éclaircir la situation de surface avant de reprendre la vue …. A 40 mètres , le bateau se comporte normalement ….
- Moteurs AV2 !!! Patron , balancez le bateau puis fermez les purges !!! demande le Cdt
Balancer le bateau , c’est lui faire prendre assiette positive puis négative plusieurs fois de manière à évacuer tout l’air qui pourrait rester dans les ballasts . A la fin de l’opération , Jacquez fait fermer les purges des ballasts .
Pour la reprise de vue , le Commandant rejoint le CO . Reprise de vue qui se complique , car de nombreux bruiteurs sont apparus dans le Sud alors que nous n’avions rien à l’écoute dans ce secteur avant de descendre . Un seul bruiteur dans le Nord qui ne défile pas ou presque mais qui ne m’inquiète pas : c’est l’embouchure du Var que nous avons à l’écoute sur le GCO2en veille lente . Il me faut un bon quart d’heure avant de pouvoir situer à peu près les bruiteurs du Sud . Malgré des règles de vitesses plus ou moins cassées car piétinées par les gars du poste AV quand l’Off en Second les empêchait de passer et un DUUX ( télémètre acoustique ) qui ne veut pas me donner de distance correcte , je les estime à environ 30 000 mètres , car en gisement 90 , ils ne défilent pas … Le Commandant est de mon avis et ordonne la remontée à l’immersion périscopique :
- 12 mètres !!! moteurs AV3 !!!
Nous remontons … le Cental annonce l’immersion mètre par mètre à partir de 20 mètres .
- Top la vue !!! Tour d’horizon rapide de sécurité !!! amenez-moi sur les bruiteurs !!! demande le Commandant …. Je guide le périscope sur les azimuts de Sud ….
- Rien à la vue !!! Prendre contact avec l’avion !!!
Le tac-tac hisse son antenne et appelle l’avion …
- Oh mon dieu !!! vous êtes là !!! vous êtes vivants !!! mais que c’est-il passé ??? que vous est-il arrivé ??? j’ai entendu grâce à ma bouée un énorme bruit qui a duré plus d’une vingtaine de secondes , et quelque temps après , j’ai vu un énorme bouillonnement en surface qui a duré assez longtemps !!! j’ai pensé que vous aviez coulé et j’ai lancé le message d’alerte « submiss » ( sous-marin perdu ) Alertés , le Clémenceau et son escadre arrivent du Sud à grande vitesse pour vous porter secours !!!
Le Pacha prend le micro et rassure l’avion , lui disant que pour l’instant tout va bien , que nous allons faire surface et que le bouillonnement qu’il a vu , c’est tout simplement l’air des ballasts qui est remonté en surface quand nous avons ouvert les purges . Il demande à l’avion d’annuler son message « submiss » ce qu’il fait immédiatement , et comme par miracle , les bruiteurs du Sud disparaissent ….
- Se préparer à faire surface !!! Disposer les GE pour la vidange !!! ordonne le Cdt , puis il s’adresse à Jacquez :
- Patron , méfiez-vous de la gite en arrivant en surface !!! on ne sait pas dans quel état sont nos ballasts !!! soyez prêts à ouvrir les purges si la gite est trop importante !!!!
Dès qu’on est prêts à faire surface :
- Surface !!! chasser 10 secondes partout !!! ordonne le Cdt …
L’électricien chasse … on remonte …
- On est en surface !!! annonce Jacquez …. La Diane se tient bien droite ….
- Rechasser 10 secondes partout !!! ordonne le Cdt ….
On chasse , et le Pilaf suivi du Cdt ouvre le panneau supérieur du sas et accède à la baignoire …
- En vidange !!! ordonne le passerelle ….
un GE est démarré et ses gaz d’échappement sont envoyés dans les ballasts pour finir de les vider de l’eau qu’ils contiennent encore après la chasse HP . Du haut de la passerelle , le Cdt inspecte le pont de son bateau et ne constate rien d’anormal … Dès que les ballasts donnent , ils sont isolés l’un après l’autre …..
- Tiens bon la vidange !!! prendre la charge !!! envoyer à l’avion : casex annulé !!!
La mer étant très belle , le Commandant accompagné du Cipié descend sur le pont pour une inspection minutieuse : rien d’anormal !!! c’est quand même bizarre , avoir été secoués comme nous l’avons été et aucune trace sur le bateau !!! qu’est-ce-qui a pu nous arriver ??? sommes-nous entrés en collision avec un autre sous-marin ??? tout cela est plus qu’inquiétant car aucun dégât n’est constaté ….
Redescendu au CO , le Commandant rédige un message à destination du PC OPS … La réponse ne tarde pas /
- Heureux de vous savoir sains et saufs !!! ralliez Toulon immédiatement pour rentrer au bassin de Missiessy qui est prêt à vous recevoir !!!
Nous mettons le cap sur Toulon les deux moteurs AV5 , passons entre les Iles du Levant et la côte pour gagner du temps et arrivons au bassin de Missiessy où deux petits remorqueurs nous attendent pour nous aider à y rentrer . Une fois la Diane positionnée et la porte du bassin mise en place , la vidange du bassin commence aussitôt …
Du quai , ce que nous pouvons voir de la coque n’a rien d’anormal , mais en dessous de la flottaison ??? Il nous faut attendre l’assèchement complet du bassin pour que le Cdt accompagné du Cipié et de quelques ingénieurs de la DCAN puissent faire l’inspection complète de la coque en descendant au fond du bassin … A première vue , aucune anomalie n’est détectée et nous ne savons toujours pas ce qui nous est arrivé !!! Par précaution , les ingénieurs de la DCAN décident de faire démonter certaine vannes de coque , principalement celles des règleurs et des circuits de refroidissement des moteurs pour les faire éprouver à pression maximum …
Ce n’est que le lendemain , en fin de matinée que nous apprendrons ce qui a causé notre frayeur : les sismographes implantés le long de la Côte d’Azur ont enregistré un séisme sous-marin d’intensité 4 sur l’échelle de Richter . Séisme dont l’épicentre a été situé à proximité de notre position , ce qui explique que nous étions aux premières loges pour nous faire secouer comme un prunier !!!
Après une semaine au bassin , nous sommes repartis pour d’autres aventures …
Au cours de la DISAC qui a suivi nos six semaines de mer , quatre d’entre-nous ont été très gentiment invités par l’équipage de l’avion à participer à une mission de surveillance maritime qui a duré presque 12 heures : décollage à 08H00 pour un retour à la base vers 19HOO … Mission beaucoup plus paisible que notre casex Julie inachevé !!!
En retour , nous les avons invités à effectuer une plongée avec nous , mais , est-ce le bol d’eau de mer traditionnel ou la peur de se faire secouer … les Pingouins ont décliné l’invitation …. Dommage !!!!