Ce Vendredi , en fin d’après-midi , la Diane est venue s’amarrer à Castigneau …. Oh pas pour longtemps , juste pour un petit week-end accordé par le PC OPS que nous qualifierons « d’hygiénique » Les OM célibataires étant « volontaires désignés d’office « pour effectuer le service à bord durant cette courte pause . Il nous reste encore à faire une semaine à la mer avant d’entrer en DISAC … Casex avec l’ Ecole ASM Lundi et Mardi , et pour les trois jours restants : exercices avec les « bateaux gris » casex au cours desquels des lancements de torpilles d’exercice sont prévus , en effet , nous avons dans les tubes AV trois Z13 impatientes de se dégourdir les hélices ….
- Appareillage prévu Lundi matin 09H00 , donc poste de combat de vérification à 08H00 !!! prévient l’Officier en Second avant de libérer l’équipage .
Les deux tiers non de service rejoignent Missiessy pour y goûter les bienfaits d’une bonne douche attendue depuis si longtemps !!! Séance de décrassage en perspective !!! le tiers de service attendra le lendemain matin pour en profiter lui aussi … en attendant il débarque les poubelles et embarque quelques vivres frais pour la semaine à venir .
Le Lundi matin , appel à 08H00 comme prévu , l’équipage est au complet , le moral remonté à bloc …
- Au postes de combat de vérification !!!! ordonne l’O2
Nous embarquons …. chacun à son poste pour remettre le bateau en état de naviguer et vérifier que tout fonctionne normalement et qu’il est étanche . Le poste de combat de vérification dure environ une heure et se termine par la prise de la tenue de navigation .
- Au poste de manœuvre !!!! ordonne l’02
On n’attend plus que le Commandant pour appareiller … La passerelle informe le Central que je suis demandé sur le pont … Je me rend donc sur la plage AV où le Commandant , l’O2 et mon chef de service l’Officier ASM sont en grande discussion . Je salue le Commandant qui me fait signe d’approcher , il nous informe que mon chef reste à quai pour des problèmes personnels … L’O2 s’inquiète :
- Commandant , nous avons des lancements à effectuer il me semble !!! avez-vous prévu un remplaçant ? doit-on l’attendre ??
- Pas de remplaçant !!! répond le Commandant
- Nous sommes de grands garçons … non ?? on va se débrouiller tout seuls comme des grands !!! le remplaçant le voilà !!! dit-il en me désignant tout en me gratifiant d’un gros clin d’œil ….
- Ca ira ??? pas vrai ???
- Mais certainement Commandant !!!
Mon chef me remet les documents concernant les torpilles et quitte le bord …
-Parés à appareiller Commandant !!! rend compte l’O2 .
- Très bien !!! alors à cheval !!! réplique le Commandant .
La coupée est enlevée et nous quittons le quai … cap sur la passe de St Mandrier … le mistral se lève … la rade commence à moutonner ….on franchit la passe puis cap au large ..
A proximité de notre secteur d’exercice , nous prenons la tenue de veille qui consiste à préparer le sous-marin à plonger … les derniers fumeurs récalcitrants sont évacués de la baignoire , ne restent en passerelle que l’Off de quart et un veilleur … La mer moutonne de plus en plus …
Le Commandant donne l’ordre de donner l’alerte et de descendre à 40 mètres … ronde d’étanchéité … bâtiment étanche , on descend jusqu’à 300 mètres par paliers en vérifiant à chaque fois l’étanchéité . Etanche à 300 mètres , on remonte à 100 mètres pour le début du casex avec l’Ecole ASM , exercice qui nous occupera toute la journée , une bonne partie de la nuit et toute la journée du Mardi . Casex peu intéressant pour un équipage entrainé comme le nôtre … il consiste pour les escorteurs à pister un sous-marin qui se contente de changer de cap de temps en temps sans chercher à s’échapper … Il faut bien former les futurs DEASM !!!
Les trois jours suivants seront plus intéressants : Mercredi et Jeudi , nous devons attaquer un « Gros » qui doit transiter dans notre secteur protégé par deux escorteurs rapides et lancer contre lui si possible … Ce « Gros » n’est autre que le Gustave Zédé notre « mère poule » ancien ravitailleur de sous- marins allemands baptisé Saar , saisi à Brême en 1945 et reversé à la France en 1947 et rebaptisé Gustave Zédé . Vieux bateau que nous appelons affectueusement « Le Tatave » ou « La Zédouille » mais moqué par l’Escadre qui le surnomme « La reine des quais » ou plus méchamment « Le transport de hublots » Nous l’aimons bien notre Tatave , mais pas en escale !!! en effet , lorsqu’il nous accompagne , nous avons obligation de dormir à son bord au lieu de résider à l’hôtel !!!
Mercredi matin , contact avec le directeur d’exercice qui n’est autre que le Tatave pour demander l’autorisation de lancement … Le mistral souffle toujours … la mer est de force 3 à 4 … lancement annulé par le repêcheur de torpilles le Pélican … Le Pélican est commandé par le MP Jean Caravagno , ancien patron du pont , figure de la sous-marinade , connu comme le loup blanc à la base sous-marine et estimé de tous . Ce commandement est son bâton de maréchal avant de goûter aux bienfaits d’une retraite bien méritée … Du haut de la petite passerelle de son Pélican , Jean a décidé que l’état de la mer mettrait en danger ses hommes et son bateau en cas de repêchage ; son bateau étant un petit chalutier racheté par la Marine Nationale et transformé en repêcheur de torpilles ….
L’exercice se déroule normalement , je remplace l’Off ASM à la DLT ( direction de lancement de torpilles) nous lançons fictivement sur le « Gros » après avoir évité les deux chiens de garde . Au moment du « Feu » nous lançons une bombette verte qui sera aperçue par les escorteurs , ceux-ci engageront une action ASM en nous envoyant le signal Alpha 3 (trois explosions)
Tout s’est bien passé , le Cdt à l’air satisfait de ma prestation …
Le Jeudi , même punition , même motif . Ce putain de mistral ne se calme pas , donc lancements fictifs !!! Le Pélican est retourné se mettre à l’abri dans la rade de Hyères …
Vendredi , dernier jour de mer , je suis chef de CO (Central Opération) de 04H00 à 08H00 Jacquez le patron torpilleur est Maître de Central , nous serons toujours dans le même tiers pendant toute notre affectation sur la Diane . D’après les ordres du Cdt pour la nuit consignés dans le journal de navigation , nous devons préparer une reprise de vue pour 05H30 pour lancer au schnorchel afin de recharger nos batteries …
Jacquez me fait une proposition :
- Dit donc Cloclo , maintenant que tu as pris du galon , me dit-il en rigolant , tu pourrais peut-être proposer au Pacha de lancer une gerbe de trois grenouilles !!! ça nous fera du boulot en moins pour le débarquement !!! on n’aura plus que les cinq de combat à débarquer !!!
- Pas de problème , je vais lui demander !!!
Vers 05H15 , nous sommes remontés à 40 mètres … la situation de surface est claire … baïonnette d’écoute effectuée , la mer fait moins de bruit , d’ailleurs , à la vacation de 23H00, elle s’était déjà bien calmée .
Le Cdt est « prévenu » il arrive au CO , prend connaissance de la situation de surface , jette un coup d’œil sur les GCO2 (appareils enregistreurs d’écoute passive ) et se dirige vers le périscope de veille …
- 12 mètres !!! Moteurs AV3 !!! ordonne-t-il .
On remonte en assiette +10 … à partir de 20 mètres , le Central annonce l’immersion mètre par mètre et à 12 mètres :
- Top la vue !!! tour d’horizon rapide au périscope !!! rien de proche !!! moteurs AV2 !!!
- Disposez les GE pour la marche au schnorchel !!!
L’Off de quart prend le périscope , le Cdt me dit que la mer s’est bien calmée et que le lancement sera sans doute autorisé . J’en profite pour lui faire la proposition de Jacquez :
- Commandant , serait-il possible de lancer une gerbe de trois ???
- Pourquoi pas !!! on va leur demander !!!
On lance au schnorchel pour regonfler nos batteries . Le thème de l’exercice est le suivant : nous sommes en barrage devant Toulon et devons attaquer un « Gros » en l’occurrence le Tatave qui cherche à forcer le blocus que nous imposons pour rentrer au port .
Vers 07H30 , le Cdt revient au CO , le début d’exercice est prévu à 08H00 .
- Prendre le contact radio avec le Zédé !!!
Le tac-tac hisse son antenne et appelle le Zédé …. Contact établi …
- Demander l’autorisation de lancement !!!
Nous patientons , la réponse arrive : lancements autorisés …
- Demandez autorisation de lancer une gerbe de trois torpilles !!!
La réponse se fait attendre ….
- Demandez l’autorisation au repêcheur !!!
Le Pélican qui est sorti de son abri est contacté ; nous lui demandons l’autorisation de lancer une gerbe de trois Z13 …
Le brave Jean sait très bien en temps qu’ancien patron du pont qu’il va grandement nous faciliter la tâche en autorisant le lancement d’une gerbe , cela nous fera autant de torpilles en moins à débarquer … La réponse arrive :
- Accordé pour le lancement de trois Z13 !!!
Nous le remercions chaleureusement , coupons les contacts radio et donnons l’alerte tout en restant à 12 mètres le temps de rôder tranquillement les échappements , de disposer la ventilation etc…etc… avant de descendre à 50 mètres . Il est bientôt 08H00 … relève de quart et début d’exercice : pas de bruiteurs à l’écoute , nos partenaires de jeu sont trop loin pour qu’on puisse les entendre … 10H00 : poste de propreté comme tous les matins … le temps s’écoule … Le sonar AV détecte des émissions sonar dans le sud … des bruiteurs faibles apparaissent sur le GCO2 en veille lente (l’autre GCO2 est en veille rapide ) … Vers 11HOO , ils apparaissent nettement sur les deux GCO2 et les émissions sonar se sont renforcées . Le GZ (graphique d’azimut) est démarré , il reçoit les « bien pointé » du sonar AV pour déterminer le sens de défilement des émissions sonar ( un défilement nul indique une route de collision )
Le convoi va-t-il essayer de passer par l’Ouest ou par l’Est ??? on n’en sait encore trop rien …. 11H00 fin du poste de propreté : déjeuner pour le tiers qui prend le quart à midi …
Vers midi , nous avons déterminé que le convoi essaye de passer par l’Ouest , ce qui est normal : en passant par l’Est , il aurait été coincé par l’ile de Porquerolles et la presqu’ile de Giens ; par l’Ouest , il a beaucoup plus de champs pour manœuvrer . Nous chassons une position pour l’intercepter et nous mettre en situation idéale pour attaquer …..
Vers 13H00 ..13H30 :
PILOU …. PILOU … PILOU ….
AUX POSTES DE COMBAT !!!
Chacun rejoint son poste le plus vite possible , certains vont de l’AV vers l’AR , d’autres de l’AR vers l’AV … c’est un peu le boxon !!! mais nous avons l’habitude !!! Appel aux postes de combat : chacun est à son poste . Je file au poste AV pour disposer le périphérique de la DLT pour un lancement de trois Z13 en gerbe et je reviens au CO où le Cdt à prit place sur le siège du périscope d’attaque ; de là , il supervise tout le CO et la situation tactique sur la table traçante .
Je passe la DLT ( direction de lancement de torpilles ) sur « combat » et j’affiche sur le conjugateur les éléments but estimés par la table traçante ; Au vu de la situation de surface , le Pacha ordonne :
- 12 mètres !!! moteurs AV3 !!!
On remonte en assiette +10 … à partir de 20 mètres , le Central annonce l’immersion mètre par mètre et le Cdt hisse le périscope d’attaque et à 12 mètres :
- Top la vue !!! tour d’horizon rapide , rien de proche !!! moteurs AV2 !!! Amenez-moi sur les escorteurs !!!
La table traçante guide le périscope …
- Top un escorteur !!! distance xxx inclinaison xxx Top le deuxième !!! distance xxx inclinaison xxx et Top le but !!! distance xxx inclinaison xxx on rentre le périscope !!!
Je recopie les éléments but donnés par le Cdt sur le conjugateur et m’assure que je suis bien sur « mode entretien » ( l’azimut du but variant dans le temps en fonction des éléments adoptés ) le convoi est aux environs de 10 000 mètres …
- Poste AV !!! disposer trois tubes et une bombette verte !!! ordonne le Cdt
Je retransmet l’ordre au poste AV par interphone tout en surveillant l’azimut entretenu du but que je compare à celui envoyé par le sonar AV : l’écart est minimum , donc les éléments adoptés semblent être corrects …
- On lancera en trajectoire rectiligne !!! ordonne le Cdt .
Je dispose le commutateur de trajectoires du QTS ( calculateur de trajectoire torpille ) sur « Rectiligne » et je rends compte …
- Trois tubes disposés et parés à lancer !!! rend compte le poste AV …
- Bien !!! on hisse le périscope !!! prévient le Cdt
- Top un escorteur !!! distance xxx inclinaison xxx Top le deuxième !!! distance xxx inclinaison xxx et Top le but !!! distance xxx inclinaison xxx on rentre le périscope !!! Quelle est la vitesse adoptée ???
- 13 nœuds !!!
- Bien !!! 50 mètres !!! ordonne le Cdt
On descend en assiette -10
- Changement de défilement !!! prévient le GZ …
- Bien !!! adopter route du but au xxx !!!
Je modifie la route du but suivant les ordres du Cdt .. Au bout d’une dizaine de minutes :
- Est-ce que ça suit ??? demande le Cdt .
- Ca suit Commandant !!!
Cela veut dire que l’azimut entretenu par le conjugateur correspond exactement à l’azimut envoyé par le sonar AV .
- On va lancer en rectiligne + sinueuse !!! annonce le Cdt …
Je lui lance un regard interrogateur en fronçant les sourcils , car ce type de lancement n’est pas adéquate avec l’inclinaison du but ….
- Rectiligne +sinueuse !!! insiste-t-il …
Bon … je passe le commutateur de trajectoires sur « Rectiligne + sinueuse » et je vérifie que les torpilles suivent bien les ordres envoyés par la DLT après ce changement de trajectoire … les voyants qui clignotent m’indiquent que tout est OK …
- Attention pour lancer !!! est-ce que ça suit ??? interroge le Cdt .
- Tout suit Commandant !!!
Je retransmet l’ordre au poste AV …
- Tubes parés à lancer !!! les torpilles suivent !!! tout est clair !!!
- FEU !!! lancer la bombette verte !!! ordonne le Cdt
Je retransmet l’ordre au poste AV tout en appuyant sur le bouton « FEU » de la DLT .. La Diane sursaute trois fois … j’indique le cap de la torpille centrale à la table traçante …
- Trois torpilles parties !!! bombette partie !!! Tubes bien fonctionné !!!toutes les portes sont refermées !!! rend compte le poste AV …
- Bien !!! 100 mètres !!! Sonar AV suivre les torpilles !!! ordonne le Cdt
Facile à dire , mais difficile à faire !!! Les torpilles font un tel boucan que leur bruit couvre au moins 40 degrés …l’opérateur sonar vise donc le milieu du bruit en faisant de son mieux …Les bruiteurs escorteurs et but ont disparu derrière ce tintamarre , le sonar ne peut que pointer les émissions sonar des chiens de garde …
En fin des trajectoires rectilignes , les torpilles entament leurs trajectoires sinueuses , les trajectoires se croisent en faisant des zig-zags couvrant une surface considérable , il est impossible de les différencier .
Nous percevons un signal A3 ( 3 explosions de grenades ) qui nous confirme que les escorteurs ont vu notre bombette verte et qu’ils entament une action ASM de 30 minutes .
Au bout d’une bonne dizaine de minutes , les grenouilles arrivent en fin de parcours : batteries épuisées … beaucoup moins de bruit , on récupère les bruiteurs intéressants : les deux escorteurs sont identifiés , mais le but , lui est introuvable !!! On a un bruiteur très faible qui semble être le Pélican mais rien de certain !!! On s’amuse à faire des lancements fictifs sur les escorteurs .
Fin de l’action ASM des escorteurs ; tous les participants viennent à la route de sécurité pur nous faciliter la reprise de vue … ce que nous faisons … à 20 mètres , le Cdt hisse le périscope d’attaque et à 12 mètres :
- Top la vue !!! Top un escorteur !!! distance xxx inclinaison xxx Top le deuxième !!! distance xxx inclinaison xxx Top un petit bâtiment !!! sans doute le Pélican !!! distance xxx amenez-moi sur le Zédé !!!
- On l’a perdu à l’écoute !!!
- Ben où est-il ??? le Cdt hisse le périscope au maximum pur voir plus loin … il cherche …
- Top une mâture !!! ce serait le Zédé que ça ne m’étonnerait pas !!! qu’est-ce qu’il fait là-bas ??? Prendre contact avec le Zédé !!! ordonne le Ct .
Le tac-tac hisse son antenne , branche le haut- parleur et appelle le Tatave … le contact est tout de suite établi , et pour cause !!! C’est le Pacha du Tatave en personne qui nous répond : il nous passe une avoinée de première classe … nous traitant presque de bons à rien , de rigolos , d’inconscients , nous menaçant de nous renvoyer àl’Ecole ASM pour apprendre à lancer des torpilles !!!
On en prend plein les oreilles , plein les dents , plein la gueule et tout autour !!! Le capitaine Haddock en colère passerait pour un enfant de chœur à côté du Pacha du Tatave !!!
Enfin , a cours d’épithètes , de qualificatifs et d’adjectifs du même nom que la bienséance et la cordialité réprouvent , il nous explique enfin le pourquoi de sa fureur : nos trois torpilles l’ont attaqué en surface !!!!!
Imaginez un peu le tableau : le pauvre vieux Tatave attaqué en surface par trois torpilles de 7 mètres de long pesant une tonne et demie qui foncent sur lui en bondissant dans les vagues à plus de 30 nœuds tout en faisant des zig-zags qui sont pour lui imprévisibles !!! En voulant en éviter une , il est aussitôt menacé par une autre !!! Si par malheur , l’une d’entre elles parvenait à le percuter par le travers , elle n’aurai aucun mal à traverser sa vieille coque malgré les nombreuses couches de peinture !!!
Le Tatave n’a dû son salut qu’à la jeunesse retrouvée de ses vieux moteurs qui ont réussit à le propulser loin de cette zone extrêmement dangereuse .
Le Cdt toujours assis sur le siège du périscope prend le micro de l’émetteur radio et en faisant amende honorable présente toutes nos plates excuses au Tatave , promettant de tirer l’affaire au clair tout en me lançant un regard furibard !!!!
Je vérifie l’immersion torpille affichée sur le QTS : 10 mètres …et je file au poste AV non seulement pour échapper à l’avoinée qui m’attend mais aussi pour vérifier les ordres DLT reçus par les torpilles . Je récupère la « fausse torpille » ( coffret de vérification des télérèglages ) sur son poste de repos et la branche sur la boite de coupure du tube qui a lancé la torpille centrale ; je vérifie aussitôt l’immersion transmise par la DLT : 10 mètres !!!C’est bon !!! j’avais pris un bon pied de pilote , estimant le tirant d’eau du Tatave à 6 mètres . Immersion vérifiée par l’Off DET qui m’avait suivi et qui retourne au CO . Je prends le temps de vérifier les autres tubes : tout est bon !!!
Je reviens au CO rendre compte au Pacha dont la mine est moins chiffonnée …
- A la bonne heure !!! me dit-il avec un grand sourire retrouvé …
Nous faisons surface …
Avec les deux escorteurs , le Tatave revenu à de meilleures intentions et le Pélican , nous nous disposons en râteau sur la route du but à la recherche des torpilles . Elles sont retrouvées l’une après l’autre et leurs positions marquées par phoscars . Le Pélican se met au travail pendant que nous mettons le cap sur Toulon à petite vitesse pour respecter l’HPA ( Heure Probable d’ Arrivée ) En court de route , le Pélican nous appelle , il nous informe que les torpilles présentent des chocs et des déformations des gouvernes , dégâts qu’il ne s’explique pas , le repêchage se déroulant sans accrocs ; nous n’avons aucune explication non plus , les lancements s’étant bien passés .
pour moi , la seule cause possible est qu’après avoir effectué leurs trajectoires rectilignes , les torpilles sont entrées en collision les unes les autres au moment où elles se croisent dans leurs trajectoires sinueuses , collisions qui entraînent les déformations des gouvernes .
Je ne vois pas d’autres explications , le Commandant penche aussi dans ce sens .
Nous nous amarrons à Castigneau en début de soirée et partons en week-end avant de rentrer en DISAC .
La semaine suivante , les torpilles étant revenues à l’AMT ( Atelier Militaire des Torpilles ) Jacquez , le patron Torpilleur m’accompagne pour leur rendre visite et constater les dégâts
Alignées sur leurs chariots ,elles gisent là assez abîmées , les coques éraflées et même cabossées … Je m’intéresse particulièrement aux gouvernes : effectivement , elles sont un peu déformées et ont reçu des chocs , certaines pales d’hélice sont tordues , mais je suis dubitatif , leur état ne m’explique pas qu’elles aient navigué en surface … Je fais part de mes doutes à Jacquez qui n’en n’a rien à cirer !!! l’important pur lui , c’est que ses tubes aient bien fonctionné !!!
Sa seule constatation à voir les grenouilles sur leurs chariots :
- On se croirait à la morgue !!!
Déclaration qui nous fait partir dans un fou-rire incontrôlable … Fou-rire interrompu par l’arrivée d’un Premier Maître de l’AMT qui nous prenant de haut et se croyant investi de je ne sais quel pouvoir , entreprend de nous sermonner . IL est vite renvoyé dans les cordes en lui rétorquant que de toute manière , nous n’avons aucune leçon à recevoir de la part d’un « rat de base » qui n’a jamais connu un coup de schnorchel et que ses torpilles , il ne lui reste plus qu’à les vendre d’occasion et même ajouter quelques caisses de bière en prime , sinon personne n’en voudra !!!
Devant notre détermination , l’agresseur tourne les talons et disparait au fond de l’atelier .
- Et un copain de plus !!! constate Jacquez …
Sur la route du retour vers notre bateau amarré à Castigneau , la sentence de jacquez tombe comme un couperet sans aucune circonstance atténuante :
- Le plus important dans cette histoire ,c’est que le Tatave s’en soit sorti sain et sauf !!! Toi , en ce qui te concerne , comme chef de CO et même comme patron Calcul , tu n’es pas le plus mauvais !!! loin de là !!! par contre , comme Officier ASM , même par interim , tu ne vaux pas un coup de cidre !!!
La sous-marinade est une grande famille , et le récit de nos « exploits » qui circule à grande vitesse aussi bien à Castigneau qu’à Missiessy est devenu une source inépuisable de plaisanteries , de suggestions et de propositions plus ou moins malhonnêtes …
Certains constituant la grande majorité en rigolent de bon cœur et sont compréhensifs alors que d’autres nous fustigent , nous reprochant d’avoir raté notre coup pour les délivrer de la présence du Tatave en escale . Ils en seront délivrés en Février 1976 par une Z13 de combat lancée par la Doris … triste fin pour un vieux bateau après 42 ans de carrière .
Comme de bien entendu , notre mésaventure arrive aux oreilles du Cdt d’Escadrille ( le fameux Cdt qui n’est pas l’ami de tout le monde ) il lance une enquête interne qu’il confie aux spécialistes de l’AMT…
Les résultats de l’enquête sont intéressants !!! l’autopsie des torpilles révèle que tous les servo-mécanismes des torpilles fonctionnent correctement , sauf …. Les régulateurs d’immersion !!! en effet , ils sont bloqués à 0 ; pourquoi ce blocage ??? tout simplement parce que leurs fusibles d’alimentation électrique ont claqué , car sous-calibrés !!! des essais avec des fusibles corrects prouvent qu’ils fonctionnent normalement !!! On pense que les fusibles ont claqué dès la sortie des tubes lance-torpilles et que les régulateurs privés d’alimentation électrique sont venus se caler mécaniquement à 0 , ce qui explique que les torpilles ont chassé le Tatave en surface !!!
Ces résultats d’enquête ont donc une sérieuse tendance à me disculper d’une mauvaise manip et même à obtenir un non-lieu aux yeux du Commandant qui me l’accordera par l’intermédiaire de mon Off ASM qui m’affirmera que le Cdt me reprendrait comme OFF ASM les yeux fermés !!!
Mais Jacquez , ne l’entendait pas de cette oreille !!! par solidarité avec la « maffia » des torpilleurs , il maintiendra sa sentence !!!!!