Lors de l'accident du Duperré, j'étais à bord d'un M.S.C., en Corvette Ecole Navale, je pense avec des élèves Option Technique pour lesquels il avait été recréé cette année là un programme de navigation.
En raison de la Météo, un bon NE 7 à 8, nous passions la nuit en baie de Douarnenez ( le manège bien connu des bâtiments école dans le sens inverse des aiguilles d'une montre )
Montant à la passerelle pour prendre le quart vers 00h15 ( suite aux nouvelles normes de relèves de quart ) alors que nous étions devant Pentrez, j'entends mal une communication du sémaphore du raz. L'élève de fonction phonie ne peut me répéter la communication que je fais répéter aussitôt par le sémaphore : Le Duperré demande assistance …
Je laisse mon collègue terminer son journal de nav ; et prends le manche. Route à 320 tours vers le Raz, fais prévenir le Commandant, un E.V. ( dont j'ai aussi et malheureusement oublié le nom ).
Une heure et quart plus tard, nous sommes sur les lieux.
Le Duperré est déjà dans le S.E. de la Vielle où il a mouillé ses deux ancres, ses compartiments machine envahis … il lui reste environ un mètre de Franc-bord.
Après avoir " talonné " il a couru sur son erre et est passé dans le sud des phares, mais la renverse – le courant de flot - l'a bien vite ramené dans le S.E. de la Vieille où sa seule sauvegarde est de mouiller.
Je passe sur le fait, déjà invoqué, que les deux chefs des 20e et 22e didra " se réservent la récupération des personnels du E.E. et envoient leurs autres bâtiments en patrouille pour récupérer les bombards … Encore qu'ils n'ont pas accosté le Duperré, à cause du clapot ( vent force 7 à 8 contre courant ) et que c'est le canot de sauvetage de Sein qui a fait les transbordements, se disloquant petit à petit dans les chocs.
Pour ma part, ayant pris le quart à 00h15, je ne le quitterai qu'à 09h00, car nous avons passé la nuit dans le " Raz " à tourner en rond, et mes seuls repères de navigation était de naviguer dans les secteurs des feux. ( La Vieille, Tévennec, Les Chats, … ) A la fin de mon quart, le Cdt m'avait demandé de rester …
Le remorquage du Duperré.
D'abord, il fut difficile de faire appareiller le RHM, le commandant restant " introuvable " et c'est avec son " ancien commandant " l'O.E. Amourette que le Malabar vient à la rescousse.
Mais on connaît les problèmes de manœuvres de ces mastodontes et l'inertie des commandes… De plus le Duperré n'a plus d'énergie, donc plus de guindeau …
Le remorqueur ne peut trop approcher, en raison des ses délicates capacités de manœuvre, et le futur " remorqué " ne peut pas " VIRER " la remorque qui lui est proposée …. ( trop lourde avec le peu de personnel qui lui reste )
Intervient alors le B.S.R. Chamois ( O.T. Le Mao ) , plus petit, mais beaucoup plus manœuvrant, grâce à ses hélices à pas variable et propulseur d'étrave ) qui parvient à venir et se " maintenir " à l'aplomb de la plage avant du Duperré, et qui, après retour à bord, embraque lui-même les toulines et autres bouts intermédiaires qui amènent la remorque à bord.
Il le remorquera ensuite jusqu'à Brest.
Les raisons de l' accident.
Comme il a déjà été dit, le navire en essais, et, en retard sur son programme, était revenu à Brest, changer les équipes pour repartir sur la base de vitesse des Glénan.
Il faisait bien route VERS les Glénan.
Ce qui lui a fait emprunté le raz de Sein à 28 nds, pour gagner du temps …
Mais, et là est le Hic … il ya d'abord la fatigue pour tous … et de plus l'officier de quart qui doit assurer le raz de Sein est un gars qui est sorti de l' EMF au mois d'août précédent. Sa spécialité d'origine n'était pas de passerelle … Il n'a donc appris la navigation qu'à L'EMF.
Comble de malchance - dans le cas présent ! - il embarque sur un navire en refonte et ne navigue pas pendant 4 ou 5 mois … de quoi oublier très vite des réflexes déjà embryonnaires.
Les routes tracées sont classiques : 180°, cap sur le phare de la Vieille, 224° dans le secteur blanc du phare du Chat, et 148° dans l'axe du secteur renforcé de Tévennec, par l'arrière.
Il se trouve que le phare du Chat n'est pas très puissant, mais compte tenu des vents de NE ce soir là, il était bien visible. Cependant le changement de route du 180° au 224° peut se faire quand le phare de Tévennec passe dans le relèvement 280 ( à condition d'être bien sur sa route au 180°)
L'officier de quart a donc demandé à un adjoint de surveiller le relèvement au 280°.
Mal demandé, sans doute, car cet adjoint se trompe de feu et surveille en réalité le grand Phare de Sein, qui se trouve 1,7 mille plus Sud en latitude que Tévennec, et 0,2 mille plus Sud que la Vieille …
Calculez … Le Duperré aurait largement percuté la Vielle avant d'avoir atteint le relèvement surveillé par l'adjoint …
On peut se demander pourquoi l'O ¼, disposant sur ce type de bateau de toute l'aide électronique possible, et d'un CO, n'a pas surveillé la distance radar de la Vieille droit devant lui …. Et pourquoi ne pas avoir lui-même surveillé le relèvement , ou plus simplement le secteur blanc du phare du Chat .
La suite, vous la connaissez, le Pacha assoupi se rend compte brutalement du danger et réagit mais déjà trop tard … ce qui lui fait caresser assez brutalement la Plate …
etc.