Certains jours à Rufisque, nous organisions des chasses aux serpents. Nous mettions des bottes en caoutchouc pour éviter d'éventuelles morsures. Armés de bâtons, nous allions secouer les fourrés et autres buissons qui parsèment la savane où sont implantées les antennes d'émission. Dans la journée, les serpents préfèrent rester à l'ombre et c'est donc de cette sorte que nous les dénichions. Nous ne rentrions jamais bredouilles. Les plus courants à Rufisque étaient les phytons et les bythis (orthographe non garantie. Le mot est inconnu du dictionnaire et pourtant elles existent. Je les ai rencontrées).
Les bythis sont mortelles. Heureusement, elles ne passent pas inaperçues : un mètre de longueur environ et surtout elles sont très grosses compte-tenu de leur taille. donc faciles à identifier au premier coup d'œil. La gueule est très large et les crochets énormes. La plupart des autres serpents étaient beaucoup plus petits, donc plus dangereux car passant souvent inaperçus et pouvant se cacher n'importe où.
Au rez-de-chaussée du bâtiment technique, sous la salle émission, se trouvaient les magasins de pièces détachées. Nos prédécesseurs y avaient aménagé une sorte de vivarium où étaient élevés de nombreux serpents en tous genres, tous capturés sur la base. Nous avions évidemment perpétué cette tradition. Vous leur donnez un rat palmiste à manger de temps en temps et ils font la sieste pendant plusieurs jours. Nous avions aussi d'autres spécimens atypiques conservés avec du formol dans des bocaux en verre. On se serait cru au musée d'histoire naturelle.
La station de Rufisque était bien connue pour sa collection de serpents. Lorsque des autorités venaient de France pour nous inspecter, une bonne partie de l'inspection se passait devant les serpents. Vous avez dit diversion ? Peut-être. Sauf qu'un jour, un médecin-chef particulièrement grincheux n'apprécia pas du tout notre petite exposition (sécurité ! sécurité !) et nous intima l'ordre, par écrit, de nous débarrasser de tous nos serpents. Un ordre, c'est un ordre. A contrecœur, nous fûmes donc obligés d'obéir.