par olledanod Dim 15 Mar 2015 - 10:39
Le cyclone qui vient de dévaster le Vanuatu renvoie à ce que nous avons vécu il y a 55 ans à Port Vila, île d’Éfaté ou Vaté, alors condominium franco-britannique des Nouvelles-Hébrides (de 1907 à 1980) ; voici quelques détails.
J’étais embarqué depuis juin 1959 sur la frégate « La Confiance » ; nous naviguions vers Nouméa en revenant de Sydney où le bateau avait été en carénage pendant trois semaines. Nous devions passer aux Chesterfield (petit archipel français à quelques 400 milles à l’ouest de la Nouvelle-Calédonie) pour restaurer la plaque fixée en 1939, commémorant Dumont-D’Urville, explorateur et marin français (1790-1842). C’est alors que nous avons reçu une alerte : les 28 et 29 décembre 1959, un cyclone avait dévasté les Nouvelles-Hébrides, particulièrement l’Île de Vaté. L’ordre fut donné de rentrer immédiatement à Nouméa où des vivres, des médicaments et du personnel sanitaire devaient être embarqués avant de nous diriger sur Port-Vila. Nous y sommes arrivés le jeudi 31 décembre 1959. Une partie de l’équipage dont je faisais partie fut affectée immédiatement aux secours, particulièrement à la remise en état des infrastructures : école, hôpital, déblaiement de la rivière encombrée de cadavres d’animaux, de troncs d’arbre…
Nous nous trouvions à terre avec le commandant. L’officier de quart reçut un nouvel avis de tempête imminente. La sirène de « La Confiance » retentit nous intimant l’ordre de rentrer à bord immédiatement. A peine étions-nous rentrés que l’obscurité tomba en quelques minutes. Un vent puissant secoua le bateau et une pluie torrentielle s’abattit sur nous ; la liaison radio fut interrompue.
L’appel au poste d’appareillage fut diffusé aussitôt. Ce deuxième cyclone en moins de trois jours était violent. « La Confiance » était au mouillage dans la rade de Port-Vila (pouvant être une espèce de souricière). Le commandant, le capitaine de frégate Gérard Tournier d’Antin de Vaillac, le lieutenant de vaisseau Alain de Feraudy, officier des transmissions, le commandant en second, le capitaine de corvette Wolf, entre autres, se trouvaient sur la passerelle lieu de mon poste de manœuvre ; casque sur les oreilles, j’étais chargé de transmettre les ordres à la plage avant où se trouvait l'enseigne de vaisseau Jean-Bernard Duthu. Wolf et Féraudy suggérèrent au commandant d'appareiller pour aller en haute mer où le bateau aurait été plus en sécurité. Le « pacha », apparemment affolé pour ne pas dire apeuré, décida de rester à l'ancre en utilisant les moteurs pour étaler, mais la force de la tempête était telle et le fond était si « pourri » que l'ancre a chassé et que le bateau a été drossé sur le corail ; chahuté par le cyclone, il a pris une gîte inquiétante. Nous avons passé le réveillon sur le pont à sonder périodiquement. « La Confiance » a été remorquée par un petit dragueur côtier. Nous avons appareillé pour Nouméa sur une patte, une hélice ayant souffert et une voie d'eau étant ouverte à l'avant. Puis, nous avons pris la direction de Sydney pour assurer un nouveau carénage.