Mi-juillet 50 nous appareillons de Toulon avec quelques techniciens et le
cinéaste Georges Peclet, la caméra et 2 malles . Je suis de quart à la passe-
relle . Dans les malles se trouve des tee-shirts blancs, des bachis, un costume
de Cdt et un pavillon anglais . Le C.F. Cagne (cdt) étant trop mince, le costume
est proposé au cdt en second . Le commandant qui veut rester sur la passerelle
se retrouve avec un tee-shirt et un bachi, idem pour moi . Je suis chargé de
faire l'échange des pavillons, c'est fait, je montre la flamme de guerre (1m50),
on ne la verra pas, parait-il . Je monte au nid de pie, jumelles au cou, et me
voilà seul, je dis bien seul, car dans le film on me voit accompagné du "cdt
anglais" . Il y avait déjà des trucages . La caméra avec son trépied à 4 metres
de moi . Le scénario: La frégate "anglaise" intercepte le Casa au large d'Alger
(en fait la scène se passe au large de Toulon) . Georges me demande de faire
semblant de trouver le soum . Moi qui déjà me prend pour un pro, je scrute,
je baisse les jumelles, les remet sur le nez (la séquence est un peu plus longue
que dans le film, ils ont fait de "cuts") et sur un "allez" de Georges j'annonce
fort et clair "périscope 2 quarts tribord distance 2 miles" (dans le film on me
fait parler en anglais) . Georges lève le pouce, puis avec les bras me fait
signe que c'est fini ! Une seule prise . Pour la 2ième séquence avec les
boums il a fallu recommencer 3 fois, la tourelle de 102 AV ne tournait pas
assez vite pour se retrouver au travers bâbord, au gout de Jojo . Troisième
séquence : Le cinéaste demande au cdt si cela est possible qu'il y ai
beaucoup de fumée lors de l'arrêt de la frégate par le travers du soum .
(Il me semble que c'est le Glorieux qui joue le rôle du Casa dans le film)
Le cdt appelle l'ingénieur mécano (M.P.) Jojo repose sa question au cipal
qui lui répond : de la fumée il y en aura ça c'est sùr (machine alternative)
Nous faisons route à 12 noeuds sur l'arrière du soum, en surface qui nous
attend . Bien avant de mettre la barre à droite 15, le cdt fait battre en
arrière toute . La frégate s'arrête pile par le travers du soum, chapeau
commandant . De la fumée il en a eue, mais on ne la voie pas trop dans
le film . Je suis derrière le projecteur pour l'identification du soum et on
voit aussi de dos sur la passerelle . Terminé en ce qui concerne notre
participation au film . Je vous le dis de suite, je n'ai pas été nominé pour
un césar, boff...
Ces frégates étaient sensationnelles, elles tenait bien la route, heu...
la mer . A force de faire des ronds dans l'eau à la recherche des soums
fatalement, et ce par mauvaise mer, forcément on se retrouve deux fois
par le travers de la lame . Un jour il y a eu tellement de roulis que je
voyais le moment ou l'on ne se redressait pas . Je regarde l'aiguille de
gite fixée sur la cloison de la passerelle, elle est bloquée à 37,5 (au
maximum) une pichenette pour la remettre en service . On a eu chaud .
Dans la cuisine la grande gamelle s'est renversée et le cuisto patinait
sur les petits pois . On a vite mangé à midi . Trois mois plus tard,
l'Escarmouche en grand carénage, j'ai 18 ans 1/2 et me voilà
désigné pour l'Indochine, mais ça c'est une autre histoire !!!