Article premier.
— Le balayage de la voie publique sera fait, chaque jour, avant neuf heures du matin, du 1er octobre au 1er mars, et avant huit heures, du 1er mars au 1er octobre, par les soins des propriétaires, locataires ou fermiers, au droit de leurs maisons, boutiques, cours, jardins et autres emplacements, jusqu'au milieu de la voie publique.

Les immondices seront enlevées par les soins desdits propriétaires, locataires ou fermiers, de manière que la voie publique soit dans un état complet de propreté.

Art. 2.
— L'arrosement de la rue sera fait aussi chaque jour, du 1er mai au 1er octobre, vers deux heures du soir, par les soins des riverains, chacun au-devant de sa propriété et jusqu'au milieu de la voie
Les jours de pluie, l'arrosement n'aura pas lieu.

Art. 3.
— Les marchands-bouchers devront constamment tenir leurs abattoirs dans un état complet de propreté.
Les abattoirs devront être lavés après chaque abattage.
Les marchands-bouchers devront enlever ou faire enlever tous les jours, de sept à huit heures du soir, en toute saison, les détritus et fumiers provenant de leurs abattoirs.
Ces détritus et fumiers, ainsi que les eaux qui auront servi aux lavages, pour les abattoirs qui ne possèdent pas de canaux, devront être transportés au dépotoir des immondices de la ville de Brest ou enfouis dans la terre.

Art. 4.
— Il est défendu de jeter sur la voie publique des ordures provenant des cours ou de l'intérieur des habitations.

Art. 5.
— Il est également défendu de ne rien secouer aux fenêtres et de ne rien y exposer qui puisse, par sa chute, endommager le sol de la voie publique ou nuire aux passants.

Art. 6.
— Les contraventions aux dispositions qui précèdent seront constatées par des procès-verbaux et poursuivis conformément aux lois.

"Il n'y avait pas d'eau courante ni de chauffage central dans les maisons du quartier. Les gens tiraient 'eau d'un puits ou d'une source. Ils la chauffaient sur un feu de bois ou sur une cuisinière à charbon. Entre 1910 et 1915, les locataires de l'immeuble se montraient aussi propres qu'ils pouvaient l'être.

Ils disposaient d'un puits derrière leur maison. Une épaisse maçonnerie le protégeait du soleil et des poussières, l'entourant de tous côtés, formant toiture, descendant en auvent, montant jusqu'à la haute margelle. Elle ne laissait libre que l'ouverture parcimonieuse prévue pour un seau de bois cerclé de fer à la façon d'un tonnelet. L'eau fraîche, symbole de vie, était disponible en été comme en hiver. Les femmes ne s'en privaient pas. Leurs bras se musclaient à retirer cette eau bienfaisante.
Elles lavaient au savon de Marseille les parquets de bois blanc, décapaient à la brosse à chiendent, stérilisaient à l'eau de javel. .../...

.../... On prenait grand soin de nos cheveux. La découverte d'un hôte indésirable valait aux petites voisines une friction au vinaigre chaud. Yvonne et moi avions droit à un certain onguent étalé sur la crâne, le temps d'une nuit. Rien de sérieux ne troubla quatre d'entre nous. Nos cheveux assez courts facilitaient les soins. On traquait quotidiennement la petite bête au peigne fin, au-dessus d'une feuille de journal que l'on brûlait ensuite. Le gibier était minime sur les terrains de chasse, sauf dans la chevelure de Titine. Il faut dire que les beaux cheveux noirs qui lui couvraient les épaules dissimulaient de ces repères !
La vermine semblait raffoler de sa tête. Sa mère eût trouvé sacrilège de réduire une si belle parure. Elle la mouillait de quelques gouttes de vinaigre. Il n'y avait apparemment rien à faire. Les voisines compatissantes murmuraient "C'est une enfant délicate, ça lui passera quand elle aura grandi". .../...

.../... Pas de santé, pas de travail. La misère multipliée par le nombre d'enfants. Pas d'aide financière légalement prévue pour la femme au foyer et les enfants à charge. Pas de sécurité sociale. Le chef de famille usait ses forces jusqu'au bout du rouleau. Même les commerçants de quartier payaient tribut à la mort. En l'espace de deux ans et à quelques mètres de distance moururent un boucher, une boulangère et un quincailler. Tous trois avaient la trentaine et laissaient une famille.
Il n'existait pas de divorce mais d'assez nombreux veufs et veuves. Que pouvait-on y faire ?
Une famille sur cinq avait son malade tuberculeux, poitrinaire disait-on. .../...

.../... Chacun dans son logis faisait pour le mieux avec les moyens du bord. Ainsi, les denrées périssables étaient abritées des insectes à l'intérieur d'une caisse grillagée nommée pompeusement "garde-manger".
Lorsque les mouches se réfugiaient dans les logis, attirées par la chaleur ou la nourriture, on s'en débarrassait avec des rouleaux de papier tue-mouches. On les suspendait au plafond, parfois même au-dessus de la table. Ils se noircissaient rapidement d'insectes grouillants. Il fallait faire bien attention à ne pas se prendre les cheveux dans la glue écœurante. On l'enlevait chaque jour pour le remplacer. .../...

.../... Quiconque se promenait en ville risquait d'assister à de curieuses scènes. Le soir, en certaines rues, mieux valait s'écarter légèrement des façades. Parfois, une fenêtre s'ouvrait à l'étage et un ustensile indistinct projetait son contenu. La fenêtre se refermait très vite. Ce n'était pas forcément la théière que l'on vidait !

Les habitants de Recouvrance prenaient de l'eau à une pompe publique sur le trottoir. Faute de tout-à-l'égout, quelques ménagères vidaient leur seau hygiénique dans le caniveau. Cela fait, elles rinçaient le récipient et, rassurées par ces précautions, y lavaient salades ou carottes.

Un immeuble ancien de la rue Louis Pasteur possédait un large escalier de pierre intérieur. En apparence, cet escalier était propre. Le plus curieux était qu'une odeur fermentée, à se boucher le nez, suintait on ne savait d'où. Cela empestait le pipi de chat d'une façon insoutenable.

Rue de La Fontaine, un escalier noir comme l'enfer conduisait au palier du deuxième étage. Là se trouvait un lit à demi-dissimulé par quelques rideaux. Sur ce lit gisait une créature grabataire dont on distinguait à peine le visage. Elle répondait cependant à qui lui demandait un renseignement. Elle restait là, comme un chien, entre deux portes closes à l'abri desquelles se claquemuraient les voisins.

L'hygiène élémentaire était quotidiennement bafouée".

Anne Péron (1908-2002)