Avant d'intégrer l'école de Maistrance "Machine", je suis passé par une filière de formation professionnelle, puis technique, dans le domaine de l'armement terrestre.
Pour être plus précis, au sein de l'AMX qui construit des engins blindés.
J'en suis sorti avec un diplôme de motoriste, d'un niveau équivalent à un baccalauréat technique (nous ne dépendions pas de l'éducation nationale).
Mais avant d'en arriver là, avec mes condisciples nous avions commencé par l'ajustage et le dessin industriel, puis l'utilisation des machines-outils (étau-limeur, tour, fraiseuse, aléseuse, rectifieuse), l'électricité (on ne parlait pas encore d'automatismes électroniques), les commandes hydrauliques, etc...
Lorsqu'en fonction de notre choix, qui toutefois prenait en compte nos notes obtenues dans les différentes matières et les résultats de tests psychotechniques, nous accédions à la spécialité espérée, durant notre pur cursus de motoriste (ajustage de coussinets de bielles, démontage-remontage et réglage de moteurs, etc...), nous retournions régulièrement en stage sur machines-outils.
Puis nous recevions une formation à la forge pour être en mesure de pouvoir fabriquer certains outils tels tournevis, burins, bédanes, mais aussi "queues de cochon".
Nous apprenions également la brasure et la soudure.
La formation technique supérieure venait après, mais pour ceux qui s'en tenaient au premier niveau, il n'était pas nécessaire d'être bachelier et encore moins technicien supérieur.
Je peux vous dire que tous les diplômés sortaient avec un sérieux bagage technique.
Après cela, le concours d'entrée à Maistrance ne posait pas de difficultés particulières.
Lors de mon séjour à l'EAMF, les élèves de Maistrance n'ont jamais mis les pieds dans les ateliers.
Nous allions travailler dans le hall moteur ou à bord du "Fantasque", qui dans l'antichambre du ferraillage, était ancré avec d'autres "vieux barlus" devant l'école.
Nous démontions, prenions des cotes, remontions, relevions des schémas de circuits, mais jamais ô jamais nous ne fabriquions de pièces mécaniques.
Nos connaissances dans ce domaine avaient été acquises antérieurement dans les ateliers de l'EAMF pour les anciens arpètes, ou dans les écoles techniques que ceux venant directement du civil avaient fréquentées.

Je citais tout cela parce qu'actuellement la majorité des officiers mariniers des premiers grades, le gros de l'équipage, est composé de gens, y compris les Maistranciers, qui n'ont pas reçu une formation manuelle aussi "poussée" que celle que nos générations ont acquise.
Je n'écris pas cela sans savoir, car dans la suite de mes activités professionnelles, j'ai eu a superviser des techniciens, techniciens supérieurs et même de jeunes ingénieurs issus d'écoles prestigieuses, qui possédaient de grandes connaissances théoriques, mais qui n'avaient souvent que peu d'expérience manuelle. Lorsqu'on élabore un mécanisme quelconque, il est bon d'avoir une idée précise sur la manière d'usiner les pièces qui vont le composer, ce qui va notamment influer sur le délai d'exécution, mais aussi sur le coût de la réalisation.

Les bâtiments modernes sont beaucoup plus automatisés que ceux sur lesquels les mécaniciens de ma génération ont embarqué.
Sur les escorteurs rapides et je suppose que c'était la même chose sur les escorteurs d'escadre, il y avait un petit atelier avec un tour. J'ai vu (en mer et par mauvais temps) des mécaniciens fabriquer des pièces mécaniques permettant de réparer des éléments dont la panne était gênante pour le bon fonctionnement du navire.
Les gars que je viens de citer portaient col bleu et pompon rouge et sortaient des arpètes.
En dehors des AMF et du "Jules-Verne", il ne doit plus y avoir beaucoup de mécaniciens à bord en mesure de faire ce genre de travail. Comme pour les mousses, il me semble qu'il serait bon d'offrir l'opportunité à des jeunes peu attirés par les études générales, mais motivés par l'appartenance à l'armée de mer, dans les spécialités concernées par l'énergie et la propulsion, d'accéder à une formation d'un niveau CAP ou BEP.
Rien n'empêcherait par la suite les plus motivés, de faire en sorte d'accéder aux grades et fonctions d'officiers-mariniers et plus si affinités.