"Les dragueurs sont construits pour draguer les mines ...et il y en avait encore beaucoup en 1955
. Les principales routes de navigation , les entrées des ports avaient été débarrassées des champs de
mines mouillés pendant la seconde guerre mondiale , mais il en restait encore beaucoup, en particulier
dans la mer du Nord . Or les liaisons filaires étaient nécessaires entre la Hollande et la Norvège . Il
n’était pas question de poser un ou plusieurs câbles dans un champ de mines .
Les gouvernements intéressés ont décidé de monter une opération de déminage en Mer du
Nord . cette décision est à l’origine de l’opération “DRANOR” (draguage de mines en Mer du Nord.)
Les dragueurs de la Marine Nationale participant à cette opération devaient être basés dans l’île de
Terschelling.(Ile de la Frise occidentale , au nord des Pays-Bas).
La division de dragueurs commandée par le Lieutenant de Vaisseau FLOHIC s’est donc mise
en route pour Terschelling . La Manche et le mer du Nord sont des mers peu profondes et les bancs de
sable constituent des dangers ,heureusement bien balisés. La profondeur moyenne dans le Pas de Calais
est de 35 mètres . Elle diminue dans la mer du Nord lorsqu’on fait route vers Terschelling .
Les marées engendrent en Manche et en mer du Nord des courants variables . En arrivant dans le port de
Terschelling nous savions qu’un fort courant traversier existait à l’entrée , pas très large . Le
Commandant s’est donc présenté à grande vitesse , pour bien gouverner et compenser les effets de la
dérive . C’était impressionnant car l’étrave était dirigée sur la digue qui enserrait le plan d’eau , l’angle
de la dérive étant fort important . Mais le Commandant avait bien calculé son passage et franchissant la
passe “en crabe” il a redressé aussitot arrivé en eaux calmes , à l’intérieur . C’était une manoeuvre
réussie!
Et nous avons regardé l’arrivée du “REGULUS” et de l’ “ALGOL”, qui suivaient en ligne de
file....
Le “REGULUS” a lui aussi pris de la vitesse pour se présenter , mais son angle de dérive l’ a
mené droit sur la digue . Heureusement , dans ce pays ,les soubassements de digue sont en pente douce
et il n’y a pas eu de dégâts . L’avant était déjaugé mais la marée montante et les machines “en arrière”
ont remis le bateau dans ses lignes d’eau. Il a pu rentrer ensuite .
Terschelling offre peu de distractions...mais nous étions là pour travailler.
Nous avions fort heureusement le “DECCA” pour nous permettre de délimiter avec précision
les bandes draguées Il y avait évidemment un contrôle des émissions “DECCA” pour ne pas risquer
d’erreur dans l’établissement des cotes du chenal dragué .
Le dragage avait lieu du matin au soir . Il fallait bien songer au repos du personnel et à
l’entretien du matériel mais rentrer au port de Terschelling nous aurait fait perdre du temps . Nous avons
donc adopté la solution du mouillage au bout de la bande draguée.
Ce mouillage en bout de bande nous faisait mouiller par fonds de trente à quarante mètres.
Dans ces conditions il n’était pas possible de laisser filer ancre et chaine, l’ensemble aurait pris trop de
vitesse et le risque était grand de voir la chaine filer par le bout en fouettant le personnel car le frein du
guindeau aurait été insuffisant.
La chaine était donc dévirée jusqu’à amener l’ancre à quelques mètres du fond . Ensuite la
chaine était immobilisée sur bosse larguable , et le guindeau débrayé .Alors , il etait possible de mouiller
normalement . Cette méthode s’appelle “faire PENEAU”.
Il nous est arrivé , en conséquence, de mouiller hors de vue des côtes , en pleine mer . Lorsque
la houle de la mer du Nord était forte , le “VEGA” roulait bord sur bord. Ce n’était pas une situation de
tout repos.
Notre mission en mer du Nord a été agrémentée d’une escale au Helder , grand port militaire .
De là nous avons pu visiter un peu la campagne Hollandaise , et Amsterdam.
J’ai pu visiter le musée d’Amsterdam en compagnie de mon ami DURAND second du “REGULUS”.
Les peintures de Rembrandt m’ont émerveillé.
Nous avons repris le dragage après cette détente .
Un soir , après l’arrivée au mouillage,le Commandant et moi nous avons assisté dans la
machine à l’arrêt du groupe de dragage . Les pulsions dans la drague magnétique demandent un tel
effort au moteur de la génératrice qu’il a été necessaire de munir le groupe d’un volant d’inertie de
grand diamètre , et de masse imposante. Et nous avons vu , au cours de la période de ralentissement le volant se promener sur son axe!
Il y avait déja eu un ou deux cas de dragueurs éventré par son volant d’inertie brusquement libéré!
Le Commandant a rendu compte de la situation à son supérieur hiérarchique et nous avons
repris la route de Cherbourg.
La réparation demandait une immobilisation assez longue..."
(aucune signature et texte libre)