Du cahier que j'ai écrit sur mon passage à la 6F d'Agadir , je vous joins ces extraits :
Récits du LV Hervio Jean-Claude Hervio : Intérim à la flottille 6F :
Mai 1950, cela faisait deux ans que j’étais à la 31S et je commençais à m’y ennuyer. Par chance, de Carpentier, qui vient de prendre à Agadir le commandement de la 6F, une flottille d’assaut équipée de bimoteurs Bloch 175, me fait l’honneur de me demander de le rejoindre comme second. Il est temps que je connaisse une formation de combat. Je pars seul, ma femme attendant un enfant. Elle me rejoindra en septembre avec lui. Nous habitons, comme Carpentier, un modeste chalet sur la route d’Inezgane.
J’arrivais à l’unité début mai ; Carpentier m’accueille royalement. Je me refais la main sur un Caudron Goéland avant d’être lâché sur le Bloch n°
9, mais je suis à l’unité depuis quinze jours quand survient le drame stupide (erreur mécanique) et affreux, de Jean de Carpentier, le 17 mai. J’avais décollé juste derrière lui et me repose à temps pour dégager les corps atrocement brûlés dans les débris calcinés du Bloch n° 61Je suis d’autant plus touché que c’était l’appareil que je devais piloter et sur lequel j’avais été remplacé à la dernière minute par Carpentier ; moi, je volais sur le Bloch n° 36. L’horreur d’annoncer à sa femme Françoise et à son petit garçon de 3 ans ce qui s’était produit. * L’accident était dû, semble-t-il, au montage inversé des commandes de vol après une révision ; sur cet appareil les éléments n’étaient pas détrompés, et rien n’empêchait un mauvais montage. Les autres morts de cette tragédie seront le PM mécanicien volant René Roumy et le Mt radio volant Alfred Laurent. Tous les témoins reconnaissent que, depuis, ils ont porté une grande attention à leur visite prévol. J’assure pendant deux mois le commandement par intérim, bien aidé par de jeunes officiers dont le futur amiral Jean Corret. Tout va bien jusqu’à l’arrivée du successeur désigné, le LV Baron, homme délicieux, excellent pilote, technicien d’essais de la CEPA. Un matin nous partons en patrouille avec deux excellents officiers mariniers pilotes, le SM Jacob qui est l’ailier de Baron à sa gauche, et le SM Buchoou, mon ailier à ma droite. Au retour, le chef de patrouille nous fait passer en “échelon refusé à droite” ; cela veut dire que Jacob glisse sous Baron pour s’insérer entre lui et moi. Mais Baron a ordonné la manœuvre trop tard, et en virage, alors que nous pénétrons dans le mur de stratus et de brume qui, comme chaque jour, annonce la mer. J’ai juste le temps d’ordonner : “Jacob, piquez... Buchoou dégagez à droite !” et de monter pour sortir de la brume. On aurait pu avoir le plus bel accident de la décennie, mais Jacob et Buchoou ont été parfaits et tous les membres de la patrouille éclatée se posent.

Un jour, je ramenais un Bloch de Lorient à Lartigue, un vol direct en survolant l’Espagne. La météo m’a prévenu de la forte turbulence que je vais rencontrer. Devant moi, une muraille bourgeonnante se dresse peu à peu, à une hauteur dépassant le plafond de mon Bloch. Derrière, c’est pareil ; pris au piège, mon seul choix est d’entrer dedans. J’ai été secoué dans ma carrière, mais comme ça, jamais ! A peine entré dans les derniers mètres du cumulo-nimbus, je perds tout contrôle de l’avion. Il givre, jeté dans tous les sens. Je passe sur la tranche, sur le dos, dégringolade de 5
100 m (mon plafond sans oxygène) à 1 500 m et me récupère dans un fond de vallée entre deux montagnes : c’est la loterie de la vie. Un seul moteur marche encore, je n’ai plus de radio. Je ne sais pas exactement où je suis et quel terrain espagnol pourrait m’accueillir. Je continue donc vers Oran, erreur pour laquelle j’aurais dû être sanctionné. Mais on ne l’a pas fait, car ils avaient l’air content de me revoir. Oui, j’ai eu peur pendant la chute en feuille morte ; après, quand j’ai pu reprendre le contrôle, ça redevenait la routine. Mon ami M., qui était à la base d’Agadir, emprunte à
Carpentier un Bloch 175 pour se rendre à Khouribga où il est chargé d’une enquête d’accident. Il se pose parfaitement, roule vers le parking et soulève le levier de rentrée des volets. Mais il a, par erreur, sélectionné la commande de relevage du train et le Bloch s’avachit, fichant ses deux hélices dans le sol. L’avion est très mal conçu et les deux commandes difficiles à distinguer. Carpentier, chargé de l’enquête sur l’accident de M., décolle deux jours après pour Khouribga, se pose, rallie le parking et, sans doute obsédé par l’histoire... rentre son train au lieu des volets ! Il m’appelle aussitôt pour que j’organise deux dépannages. Il est horriblement vexé, mais ne peut s’empêcher d’éclater de rire en me racontant l’histoire. Mes souvenirs sur ce type d’avion sont réduits ; c’était un bon appareil qui volait sans problèmes, et était très maniable. C’était une excellente plateforme de tir et l’utilisation des roquettes était très spectaculaire pour les témoins ; nous avons effectué de très nombreuses démonstrations pour les populations. Mais les moteurs, et surtout le train, posaient parfois des problèmes, comme nous l’avons vu ci-dessus. L’appareil avait été étudié presque dix ans auparavant, et même si c’était un appareil excellent, il était dépassé, et quand l’amirauté a désiré l’utiliser pour les patrouilles anti-sous marines, l’appareil a montré ses limites. Les radars montés sur les Bloch étaient d’origine anglaise et complètement périmés.
Récit de JCL
Lors des vols d'essais et de rodage des vols d’essai, je découvre avec intérêt les qualités et défauts du MB175. Comme l’équipement radar est inexistant sur la plupart des avions, la lutte ASM n’est pas encore au programme, les missions de la flottille consistent principalement à effectuer des vols d’entraînement en section et d’attaque au sol. Les libellés portés sur le carnet de vol sont significatifs de ces activités :section, peel-off, colonne, assaut, tir canon, tir roquettes, interception, passes de chasse, etc. Ces évolutions sont nouvelles pour moi, car sur le Bloch, le radio est au poste arrière, verrière ouverte à l’extrémité, avec vue imprenable sur les dérives, quelquefois le ciel en dessous. De quoi avoir souvent l’estomac près des lèvres, car les pilotes prennent un malin plaisir à tirer tout ce qu’ils peuvent de la manœuvrabilité de l’appareil. Parmi eux : les LV de Carpentier et Hervio, l’EV1 d’Erceville, et l'EV Corret Et les officiers mariniers mes copains : Croullebois, Vazeille, Buchoou, Quinson, Jacob et j’en oublie. Le hic, à la place arrière, car toute médaille à son revers, est d’avoir à actionner le levier de la pompe hydraulique de secours, placé comme par hasard à portée de main du radio, on se demande bien pourquoi… et comme les circuits hydrauliques du Bloch sont souvent en panne, la descente des volets se fait à la pompe à main, à la grande satisfaction du mécano, situé à l’avant, qui se contentait de surveiller ses cadrans ....
Au mois de juin 1950, j’eus la chance de participer à l’exercice « Berbère » avec l’escadre au large de Casablanca, trois Bloch de la 6F furent alors détachés à Rabat-Salé pour l’occasion ; quelques Mosquito du GR I/31 « Lorraine » participèrent également aux exercices, ce qui donna lieu à des retrouvailles entre les pilotes de la 6F et ceux du « Lorraine » encore présents à Agadir peu de temps auparavant. Il va sans dire que nous
fument reçus dans les traditions… Jusqu’à la Charge des Cavaliers de Reichshoffen, mal ressentie par le mobilier du mess.
Voilà ce qu'étaient les Bloch de la 6F en conditions opérationnelles ....ces avions donnaient beaucoup d'émotions Quelques photos suivront ....

La suite du Vol des Pingouins d'André Digo sera l'Indochine et son affectation à la 28F Privateer ...Un récit qui dépasse en intensité ce qui précède ....Le conflit d'Indochine c'était la guerre contre le Viet Minh et les interventions aériennes des Privateer sur le Delta du Tonkin , Na San et la cuvette de Dien Bien Phu !

Cette vue en coupe montre que sur Bloch le siège radio mitrailleur est bien fixe

Donc l'ensemble ER radio SARAM est situé à l'AR en toute logique

Sur le TBM l'espace AR est beaucoup plus grand, certains avaient même un bulbe sphérique tournant pour le mitraillage


J'ajoute que comme la verrière du Bloch était ouverte vers l'AR c'était plutôt sympa de voir le paysage s'éloigner entre les deux dérives lors des ressources, et encore plus stimulant quand les feuilles des palmiers de Ouarzazate venaient frapper nonchalamment frapper le plan fixe horizontal AR, ça voulait dire que le pilote tenait la forme. Perso je n'ai jamais eu la pétoche sur Bloch...Foie de Pingouin
Demain on commence l'Indo d' André Digo