Après une patrouille de trois semaines en mer d’Alboran , la Doris arrive en escale un Vendredi en fin d’après- midi à Port Vendres . Escale qui promet d’être festive , car à Port Vendres , c’est la fête du vin !!! En effet , sur le grand parking au bout du quai , des stands de producteurs locaux et de coopératives sont installés et proposent des dégustations gratuites …. Crise sur le gâteau : une fontaine est installée au beau milieu du parking , et de cette fontaine coule ….. du pinard !!!!!
Le bassin de la fontaine est divisé en deux parties : d’un côté coule du vin rouge , et de l’autre du rosé !!! pour une petite pièce de deux francs , vous avez droit à un verre qui ressemble plutôt à une chope , et vous pouvez vous servir à la fontaine jusqu’à plus soif et même plus que jusqu’à plus soif !!!
Dès que le bateau est amarré , on prend la tenue de repos et après l’appel sur le quai , l’Officier en second donne liberté de manœuvre aux deux tiers non de service qui s’empressent de rejoindre leur hôtel pour prendre une bonne douche , se décrasser et ensuite visiter …. Je vous laisse deviner !!!!
Le lendemain matin , à l’appel de 09H00 , je prends mon tour de Maître de service . Sur la Doris , nous avons convenu que les gens mariés feraient le service en escale , et que les célibataires le feraient en arrivant à Toulon pour permettre aux gens mariés de rentrer à la maison … L’O2 s’aperçoit qu’une bonne partie de l’équipage fait triste mine : la nuit a sans doute été courte pour certains et même trop courte pour d’autres … sans doute les restes de la fête …. Liberté de manœuvre pour les deux tiers non de service , et moi , je reste à bord avec mon tiers de service dont les gars se précipitent au poste AV pour sauter dans leurs bannettes afin de récupérer un peu avant le poste de propreté prévu à 10H30 car les visites du bord sont autorisées de 14H00 à 18H00 ; il faudra que le bateau soit propre et surtout , il faudra protéger les meubles du CO avec leurs housses , car certains visiteurs indélicats essayent de repartir avec des petits souvenirs en dévissant les cabochons des lumineux et même en arrachant des boutons de potentiomètres !!!
Les visites commencent à 14H00 ; j’ai affecté au moins deux hommes dans chaque compartiment pour répondre aux questions et surtout surveiller les visiteurs en les empêchant de toucher à quoi que ce soit , surtout au Central où certains aimeraient bien tripoter certaines vannes ou permuter des interrupteurs …
Les visiteurs descendent par le panneau de la plage AV pour ressortir par celui du poste AR . Devant l’affluence des visiteurs , le factionnaire aidé par quelques gars filtre à la coupée l’entrée du circuit de visite pour éviter les bouchons dans le bord …
Nous sommes trois bonshommes de service attablés au poste AR occupés à boire une bière et surtout à faire des paris sur la couleur des petites culottes de ces dames qui grimpent à l’échelle en fin de visite …
Quand arrive une petite dame d’un âge respectable , elle se met au pied de l’échelle et nous regardant droit dans les yeux , elle retrousse sa jupaille plus haut que la taille et nous lance :
- La mienne elle est rose malgré mon âge !!!
Et grimpe l’échelle en moins de temps qu’il ne faut pour le dire ….
Tout honteux , nous grimpons plage AR pour fumer un tabac …. Les visites se passent bien , et à 18H00 j’en annonce la fin malgré les protestations des gens qui font encore la queue sur le quai …
Nous dînons tous ensembles au poste AV . Vers 21H00 , un groupe d’une demi-douzaine de commandos en stage à Collioure demande à visiter le bateau … j’accepte volontiers et leur fait moi-même la visite en donnant toutes les explications nécessaires ; arrivés au poste AR , je leur offre une bière , et ils quittent le bord vers 22H30 enchantés de leur visite.
Aux environs de minuit , j’informe le factionnaire que je vais faire dormir les yeux …
Je rejoins le poste AR où mon adjoint ronfle dans sa bannette derrière son rideau … J’éteins la lumière et ferme la porte étanche … Vers deux heures du matin , je suis réveillé par le factionnaire qui me colle le faisceau de sa lampe torche dans les yeux ….
- Patron !!! nous avons un problème !!!
- Quoi ???
- Nous avons un problème !!!!
- Qu’est-ce-qui se passe ???
- Il n’y a plus personne à bord !!! ils sont tous partis à la fête !!!
- OK J’arrive !!!
Je sors de ma bannette et m’habille , puis je file au poste AV plongé dans le noir … J’allume la lumière et je constate que tous les rideaux des bannettes sont à poste … je les tire un par un pour constater que toutes les bannettes sont vides !!! Nous ne sommes que trois à bord !!! le factionnaire , mon adjoint et moi !!! Je retourne au poste AR pour réveiller mon adjoint qui n’apprécie pas du tout !!! Je lui explique la situation et lui demande de s’habiller pour aller récupérer nos bonshommes qui sont sans doute à la fête au bout du quai . Je monte sur la plage AV pour les voir arriver seul ou par deux …. Ils n’ont pas l’air de zig-zaguer , ce qui me rassure un peu , mais cela ne m’empêche pas de leur remonter les bretelles au fur et à mesure de leurs arrivées et de leur promettre que ça va barder pour leur matricule !!! Vers trois heures du matin , nous avons récupérer tout le monde et on retourne se coucher …
Le Dimanche matin , à l’appel de 09H00 , l’Officier en second s’aperçoit que la plus grande partie de l’équipage présente des figures de papier mâché et que certains ont même une gueule de bois carabinée !!!! Il soupçonne son équipage de ne pas être en état d’appareiller Lundi matin et décide de refaire un appel à 14H00 !!! Je ne lui dirais rien de notre nuit mouvementée , et il n’en saura jamais rien …. La solidarité de l’équipage ayant bien fonctionné …. Un appel à 14H00 un Dimanche en escale , on n’a jamais vu ça !!! Il a sans doute fait part au Commandant de ses soupçons , car il nous annonce que le Cdt a décidé d’avancer l’appareillage ce Dimanche soir à 21H00 , donc , poste de combat de vérification à 20H00 juste après le dîner .Le poste de combat de vérification consiste à mettre en fonction tous les organes nécessaires à la conduite du sous-marin et de vérifier que tout fonctionne correctement : les barres de direction et de plongée , les lignes d’arbre , les aériens ; les purges des ballasts , les chasses haute et basse pression , l’étanchéité du bateau en le mettant en dépression pendant une dizaine de minutes etc… etc… Ce poste de combat dure environ une heure …..
les amarres larguées , nous mettons le cap sur la haute mer pour rejoindre le secteur du futur exercice , en surface , à petite vitesse toute la nuit ….
Il est bon de profiter des bonnes choses , mais trop en profiter et même en abuser beaucoup trop …. Il faut s’attendre au retour de manivelle !!!!!!!!!

Le lendemain de notre arrivée à Naples , je suis Maître de service , nous étions amarrés tribord à quai avec la Junon à couple de nous ; il faisait un temps splendide et une légère houle faisait tosser un peu les bateaux , mais rien de bien méchant . A la relève du matin , un petit poste de propreté vite fait bien fait , et le tiers de service de la veille rejoint notre hôtel . La matinée se passe bien , on discute avec les gars de la Junon tout en reluquant les minettes qui déambulent sur le quai et en faisant des commentaires appropriés dont je vous laisse imaginer la teneur ….
A midi , juste avant l’apéro , le factionnaire quittant effectue sa ronde de sécurité comme il se doit et me rend compte :
- Patron !!! on a 1 degré de gite sur babord !!!
- Est-ce-que les cales sont claires ???
- Affirmatif !!! tout le reste est clair !!!
Avec mon adjoint qui est mécano , nous refaisons une ronde approfondie . Il vérifie les niveaux des règleurs , des caisses d’assiette , et l’étanchéité en général … Tout est OK …
On prend le temps de déjeuner tranquillement et on va relever la gite : on avait pris presque un degré supplémentaire !!! Je donne l’ordre aux gars du tiers de service de faire une inspection générale du bord ….
Résultat : tout est bon sauf la gite !!! Les niveaux des règleurs et caisses d’assiette n’ont pas bougé et il n’y a pas d’eau dans les cales !!! Qu’est-ce-que c’est que ce cirque ???
Je prends la décision d’enlever les gardes des panneaux , de les fermer et de faire chasser au ballast 3 babord . On prévient le bateau d’à côté qui ferme ses panneaux lui aussi … Je fais chasser une seconde au 3 babord : le ballast donne normalement … On vérifie la gite : 2 degrés babord !!! put….in !!! c’est inimaginable !!!
Le Maitre de service de la Junon mis à contribution n’y comprend rien lui non plus !!!
Puisque c’est comme ça , on va chasser partout !!! on verra bien si un des ballasts a une fuite …. Je fais chasser une seconde à chacun des ballasts : ils donnent normalement …
On revérifie la gite : 2 degrés babord !!! rien n’a bougé !!!
en désespoir de cause , j’appelle l’Officier de garde à son hôtel et lui explique la situation . Il arrive dans les dix minutes ; je lui réexplique ce qui se passe et ce que nous avons fait . Il décide de rechasser partout . Allons-y tant qu’on y est !!! on ne va pas vider le collecteur d’air HP !!! on rechasse une seconde partout .
Résultat : 2 degrés de gite babord !!!
Il ne nous reste plus qu’une solution : une inspection de coque !!!
Heureusement , sur la Junon , le plongeur de bord est de service ; il propose d’aller voir ce qu’il se passe en en dessous , mais plongeant seul , nous lui recommandons d’être très prudent , surtout ne pas se mettre entre les deux bateaux ; il s équipe et se met à l’eau à partir du « cul de poule » Une minute s’est à peine écoulée qu’il refait surface et nous fait son compte rendu :
- C’est votre barre de plongée tribord qui est coincée entre deux blocs du quai !!!
Le quai étant en mauvais état , notre barre s’était enfilée dans l’espace où manquait le joint de ciment , et comme en Méditerranée il existe une petite marée ( mais oui les Bretons !!! ) et bien nous étions pendus par notre barre à marée descendante ….
Quand la marée a remonté , si petite qu’elle fut , la gite est redevenue normale : à O ; on a viré sur le traversier avant en donnant du mou à celui de l’arrière pour écarter notre arrière du quai pour être plus tranquilles !!!
Le Commandant informé de l’incident par l’Officier de garde en a bien rit … son seul commentaire :
- Eh bien voilà un excellent test pour l’examen de Maître de service !!! Pas vrai Cloclo ???
- Mais certainement Commandant !!!
Encore une histoire à dormir debout !!! Quelle journée !!!
Le soir , avant dîner , un bon apéro largement mérité a remis tout le monde dans l’axe !!!

Une des plus belles soirées passées dans la sous-marinade !!!!
Les exercices de la semaine étant terminés , en ce mois de Juillet , la Doris vient s’amarrer ce Vendredi en fin d’après-midi sur le coffre situé entre l’Ile du Levant et Port Cros , juste devant le petit village des « culs nus » de Persépolis …
A peine avons-nous terminé l’amarrage et rompu du poste de manœuvre que le bateau est assailli par une horde de pédalos venus du petit village …
Pédalos dont les « équipages » sont constitués en majorité de superbes nénettes qui nous font admirer leurs bronzages , complètement dénudées !!!!
Inutile de vous dire que l’équipage ne s’est pas fait prié pour monter sur le pont !!! il faut même organiser des relèves pour que le personnel de quart à l’intérieur puisse lui aussi profiter du spectacle !!!
Certaines jeunes filles demandent si elles peuvent monter à bord visiter le bateau … malgré les nombreuses supplications de l’équipage , le Pacha reste intraitable et refuse énergiquement que ces beautés montent à l’abordage !!!
Nous passerons quand même toute la soirée jusqu’à une heure avancée de la nuit , assis sur le pont à discuter avec ces beautés pour les retenir le plus longtemps possible , certains d’entre-nous faisant l’impasse sur le dîner !!!
Si j’ai bonne mémoire , je me rappelle que les discussions ont dû s’arrêter vers 02H00 du matin !!! Le Pacha , soucieux de la santé de son équipage , nous a fait appareiller à 08H00 le lendemain matin alors que nous aurions pu rester sur coffre tout le week-end !!!
Quelle déception !!!!
Cette escale d’un soir a alimenté les commentaires une bonne partie de la semaine suivante !!!!

Début Juin 1966 , Le S/M Doris commandé par le LV Merlo avait été mis pour quelques jours à la disposition de l’Etablissement des Torpilles de Saint-Tropez .
L’avant dernier jour des lancements d’essais , nous avions terminé nos exercices vers 14H00 et nous n’avions rendez-vous qu’à 18H00 au coffre d’amarrage de l’Etablissement pour y débarquer deux techniciens des essais .
Nous devions les reprendre le lendemain matin pour la dernière journée de lancements .
Notre secteur d’exercice étant situé près du Cap Camarat , le Commandant a une idée géniale :
- Puisqu’il fait beau !!! dit-il , nous allons profiter un peu de ce bel après-midi , cela nous reposera un peu de tous ces postes de combat , on va passer la nuit sur le coffre !!!
Nous faisons surface par un temps magnifique et une mer d’huile , comme nous ne sommes pas loin du golfe , nous faisons route tranquillement les deux moteurs AV3 , ce qui permet de recharger les batteries assez rapidement .
Le Cdt autorise l’équipage à descendre sur le pont , nous en profitons pour lézarder au soleil et pour certains , griller un tabac en toute tranquillité : c’est plus commode qu’à la passerelle où tout le monde se serre comme dans une boite de sardines ….
Arrivés au milieu du golfe , la charge étant réduite sur un seul GE , le Cdt fait stopper les moteurs et arrêter la charge , donc stopper le GE ….
- Allez hop !!! tout le monde à la baignade !!! déclare-t-il ….
On sort une aussière de son panier et on la tend de l’AV à l’AR à tribord pour que les gars puissent remonter à bord ….
- Concours de biroutes interdit !!! ordonne le Cdt ( en pleine mer , on se baignait à poil )
- Nous sommes dans le golfe de St Trop !!! un peu de tenue messieurs !!!
Certains ont leurs maillots de bain , d’autres ont capelé tout simplement un slip et certains rigolos ne voulant pas salir leurs effets le long des ballasts improvisent de nouvelles tenues de bain : un chiffon judicieusement choisi dans le stock des « bouchons gras » fera l’affaire .Taillé à la bonne cote , passé dans l’entre-jambes avec un nœud de chaque côté , cela vous fait un maillot de bain du plus bel effet !!! certains , optimistes sur leurs mensurations se retrouvent avec un maillot tout juste suffisant pour contenir les « bijoux de famille » ils avaient inventé le string avant l’heure !!!
D’autres plus généreux , se retrouvent avec un maillot dont le fond se retrouve au niveau des genoux et les nœuds sous les aisselles : de véritables calbards de bosco qui se retrouvent en bouchon au niveau des chevilles après avoir plongé !!! Quelle rigolade !!!Nous aurions pu sans aucune honte organiser un défilé de mode à faire pâlir Jean-Paul Gautier voire Paco Rabanne !!!
Tous s’amusent pendant une bonne heure et le Cdt siffle la fin de la récréation ….
- Tout le monde à bord !!! on repart !!!
Les gars remontent à bord en grimpant le long de l’aussière , on la range dans son panier tout en en laissant une partie dehors pour s’amarrer au coffre . Les baigneurs s’allongent sur le pont pour sècher au soleil .
- Allons prendre le coffre !!! dit le Cdt à l’Officier de quart …
Le coffre n’est pas loin , on avance moteurs AV2 dans sa direction… Une petite barcasse semble à la dérive à proximité du coffre : un joli petit bateau en bois peint en bleu avec un liston rouge …
- Encore un canot amarré par un biffin !!! grommelle le Cdt …
- Manoeuvrez pour l’accoster , on va le prendre en remorque !!! dit-il à l’Off de quart .
Celui-ci manœuvre de manière à accoster la barcasse sur l’avant , à l’endroit où la coque est presque verticale , cela sera plus pratique pour sauter dans le canot … le timonier récupère un lance-amarre dans le panier à aussières , passé en double , cela fera une bonne remorque , et il va vers la proue pour s’apprêter à sauter dans le canot …. L’accostage est mené de main de maître , la barque est à moins d’ un mètre de notre avant et le timonier regarde dedans sans bouger ….
- Alors !!! qu’est-ce-que vous attendez !!! gueule le Cdt du haut de la passerelle ….
Le timonier lui fait signe de se taire et nous invite par gestes à le rejoindre … Certains courageux se lèvent et obtempèrent … et les voilà figés eux aussi scrutant le fond de la barcasse ….et il y a de quoi !!!!!!!
Une magnifique nénette genre top-modèle est endormie au fond de la barcasse pratiquant le bronzage intégral !!!!!
Le Cdt impatient de savoir ce qui se passe , nous fait avancer , la barcasse glisse doucement le long du bord suivie bien naturellement par le groupe de curieux silencieux et arrive au niveau de la passerelle d’où tous se rincent l’œil y compris le Cdt qui a une place de choix : assis sur le tube d’air …. Jugeant que le spectacle n’a que trop duré , le Cdt décide d’aller s’amarrer au coffre …..
- Allez-y , donnez donc un coup de sifflet !!! dit-il …
Le coup de sifflet fait sursauter la belle qui s’assoit en poussant des cris d’orfraie , effrayée par cet horrible bateau noir . Elle essaye de cacher sa nudité comme elle peut tout en continuant d’hurler sous les applaudissements de l’équipage … Hurlements qui se transforment en bordées d’injures et d’insultes à faire pâlir le Capitaine Haddock !!! La barcasse est à une centaine de mètres de nous , qu’on l’entend toujours vociférer : quelle tigresse !!!!
Nous prenons le coffre où nous allons passer la nuit ; je vous laisse deviner quel a été le sujet de conversation de la soirée …..Il fallait bien que les pauvres gars de quart privés du spectacle soient mis au courant avec moultes précisions et descriptions !!!
Ce petit intermède a été pour nous un rayon de soleil dans notre dure vie de sous-mariniers …….