par Roger Tanguy Dim 10 Sep 2023, 11:40
Effectivement plusieurs monuments aux morts portent la date de 1919. Il a été déjà répondu à cette question quelque part plus haut.
L'armistice a bien été signée le 11 Novembre 1918, mais armistice ne signifie pas fin de la guerre. Cette armistice ne concerne que le front "occidental", la guerre continue sur le front d'Orient (Yougoslavie, Bulgarie, Serbie, empire Ottoman, les Balkans, Macédoine, Salonique...) - voir le film Capitaine Conan - Mon grand-père y était.
Le ravitaillement ne suit pas (menace des sous-marins). Les poilus d’Orient sont contraints, pour ne pas mourir du scorbut, de cultiver des salades et des légumes entre leurs tentes. Cela leur vaudra d’être appelés, par dérision, "les jardiniers de Salonique" par Clemenceau qui était hostile à cette expédition. D’ailleurs l’idée la plus répandue dans l’opinion française de l’époque est que les soldats de l’armée d’Orient sont des "planqués surtout occupés à jardiner et à faire la noce avec les filles de mauvaise vie". La vérité est toute autre.
Partis à 20 000 en 1915, deux ans plus tard les Français se retrouvent à plus de 200.000 dans les camps insalubres de Salonique (la base arrière). Ils découvrent des combattants fanatiques, des Bulgares, dotés d’armement moderne, des canons, des mitrailleuses, encadrés par des officiers formés à Berlin ou même en France. L’été le paludisme fait des ravages sur des organismes affaiblis par le surmenage. L’hiver entraînent son cortège de “maladies de poitrine”, de pieds gelés. Les pertes sont considérables et obligent constamment à envoyer des renforts de France.
Les conditions sont extrêmement pénibles. Les soldats doivent affronter les rigueurs de l’hiver balkanique. Les chevaux ne peuvent avancer dans des sentiers recouverts de 3 mètres de neige. La température descend parfois jusqu’à –36°. Des soldats meurent gelés. Après le dégel vient la canicule, et les moustiques. Le paludisme accable l’ensemble de l’armée (95% des hommes selon les statistiques). Mon grand-père est atteint du mal. S’il avait fallu rapatrier tous les malades, il n’y aurait plus eu d’armée d’Orient.
On prend une colline, aussitôt reprise par l’ennemi, à nouveau reconquise, et ainsi de suite. Tout cela au prix de quantités de morts inutiles.
Malade, mon grand-père sera rapatrié mais reste tout de même sous les drapeaux jusqu’au 22 mars 1919.
Privés des bénéfices de la victoire qu’ils avaient pourtant bel et bien remportée sur le front, maintenus dans la guerre plus longtemps que les autres, les survivants de Salonique sont rentrés chez eux plein d’amertume, conscients d’avoir été les oubliés de la Grande Guerre.
Le traité de Versailles qui met fin à la guerre est signé le 28 juin 1919.