Jamais je n'ai entendu et jamais plus je n'entendrai aussi distinctement cela (même au centre écoute).
C'est assez étonnant, car, depuis des heures, nous n'avons eu que des faux échos (marsouins, navires en transit, hauts fonds, etc...) ; mais, pas de "HMS Porpoise", notre sous-marin leurre.
Pourtant il est bien là, car ce matin, nous l'avons vu passer en surface, à quelques encablures, et nous lui avons rendu les honneurs ; et puis, il et parti vers le large, pour prendre sa position d'attente.
Ensuite, quelques heures plus tard, nous avons fait de même avec la frégate "HMS Leander" dont nous avons emboité le pas, en bon matelot.
Mais que fabrique-t-elle, justement, cette belle frégate qui doit connaître ces lieux comme sa poche ? ; mais, rien ma parole !!!...
Maintenant, le DUBA est "calé", lui aussi ; pas question de laisser filer notre proie...
En fait, c'est notre "bœuf" qui est de quart, notre officier étant de sieste (cela arrive, même aux officiers).
Il poursuit la procédure et nous donne les ordres appropriés.
"Faux écho", nous dit la passerelle ; reprenez la procédure.
"Echo dans le 350 ; distance 1.000 yards", confirmons-nous, DUBA et DUBV en duo.
Re-procédure, Re-Bœuf.
La passerelle nous répond :
- "Abandonnez la procédure - faux contact ASM - Navire en surface dans l'azimut".
Après tout, vu de notre PC, plongé dans le noir et sans vue sur l'extérieur, cela semble plausible.
Mais pas pour notre officier ASM, qui entre comme une furie dans le local et qui me lâche au passage (le DUBV est juste à côté de la porte) :
- Bon Dieu MONEL ; mais qu'est-ce que tu fous, tu ne vois pas que tu tiens un sous-marin !!!, tu ne le lâches pas et toi X.... (DUBA) non plus.
- "De PC ASM à passerelle : ici Méchet, contact sous-marin avéré ; je prends la direction des opérations".
- "De passerelle à PC ASM : confirmons "faux écho", c'est un cargo russe qui est à la remorque d'un autre cargo russe.
- "De PC ASM à passerelle : Négatif, contact avéré ; je prends la direction des opérations"
Et voilà, c'est parti ; mais cette fois, ce n'est plus l'un des exercices du centre des essais des Salins.
Tout va très vite ; les ordres fusent et les changements de direction s'enchaînent à une vitesse vertigineuse.
Nous, les deux détecteurs, nous avons bien de la peine à ne pas perdre notre contact.
Notre hantise, c'est quand notre bâtiment doit virer de 180° et que le contact se retrouve dans notre sillage (bruits d'hélices, bouillonnements).
D'autant plus que, chaque fois que cette opération devient nécessaire, nous devons manœuvrer notre sonar afin de lui faire accomplir un tour de 360°, en sens inverse, pour éviter que le câble de connexion s'enroule autour de son axe (je ne sais pas si vous me suivez...) et cela prend un certain temps.
Cependant, nous ne le perdrons pas et c'est là, maintenant, que notre officier ASM va faire preuve de tout son art.
Toutes ces évolutions durent un certain temps, puis, alors que notre contact évoluait tout doucement, le voilà qui s'anime et prend de la vitesse.
Nous harcelons, sans cesse, et, et, et...
Curieux, quand même ; d'un écho, au début, nous en avons deux qui s'éloignent l'un de l'autre, maintenant.
La passerelle nous indiquait 4 nœuds pour l'attelage et maintenant notre écho file bien plus vite.
Pas de doute, c'est bien un sous-marin.
Au bout de quelques temps, et alors que nous ne le quittons pas des oreilles et des spots, ordre nous est donné d'abandonner la chasse ; ce que nous faisons à regret, notre officier, en premier.
Après le debriefing, il nous sera confirmé que c'était un sous-marin russe qui passait, sous un cargo à la remorque, de Méditerranée en Atlantique.
En fait, la réalité aura dépassé la fiction, car, en cette période de guerre froide, c'était une aubaine que de repérer un de ces passages.
Pour nous consoler, il ne nous restera qu'à reprendre notre CASEX Franco-Anglais ; mais, dommage, cela manquera de sel...

Je reviens au mien, le 2, pour apprendre que je suis bien le seul du lieu à avoir l'idée d'aller à terre, alors que, depuis l'indépendance de l'Algérie, l'expédition n'est pas forcément sûre.
Pourtant, s'il y a des permissionnaires, c'est bien, sans doute, parce que notre sécurité y sera assurée...
Désabusé, je retourne au poste 3, pour faire une partie de belote.
Et là, que vois-je ? ; mes "potes" en train de s'habiller pour sortir.
Les "vaches", ils auraient pu me prévenir, quand même...
Je fonce me changer à mon tour et, quand cela est fait, je cours dans la coursive pour aller passer la revue de détail, sur la jetée.
Il est grand temps, car les haut-parleurs annoncent que celle-ci va commencer dans la minute.
J'accélère encore, saute la porte étanche,


Et là...
Aïe ! aïe ! aïe ! ; je me retrouve "cul par dessus tête", à terre, complètement sonné.
Pas suffisamment, cependant, pour ne pas entendre une voix qui dit : "Et bien, celui-là, il a son compte".
Et bien non, je n'ai pas mon compte et je compte bien aller à terre comme je l'avais décidé.
Je revisse donc mon bachi, me remets debout et franchis la coupée pour aller m'aligner avec mes camarades.
Ouf ! Il était temps.
Nous ne sommes pas nombreux et tout se passe rapidement et sans problème ; sauf que, sauf que...
Sauf que, soudain, j'ai bien chaud sous mon bachi.
Je le soulève et un flot de sang inonde mon visage et goutte sur ma belle tenue de sortie.
Mon officier ASM (c'est lui qui faisait l'inspection) me fait accompagner à l'infirmerie.
M'y voilà donc ausculté, soigné et consigné pour observation, jusqu'au lendemain matin, pour le moins.
En fait, j'ai une sacrée bosse, un bel hématome et une plaie de 2/3 cm sur le haut du crâne.
Pour une sortie, c'est plutôt raté ; j'enrage...
L'infirmier, lui, est enchanté ; pour une fois qu'il peut exercer son art et faire partager les installations de son petit "Royaume".
Je passe une assez bonne nuit dans mon petit lit pendulaire et me réveille frais comme un gardon.
Dommage que nous soyons à quai ; j'aurais bien aimé tester cette petite merveille par gros temps.
Comme je n'ai pas saigné du nez, ni des oreilles ; pas de fracture du crâne, donc.
Au milieu de la matinée et après un ultime examen, je suis libéré et puis vaquer normalement à mes occupations habituelles.
En fait, c'est le pompon de mon bachi, en amortissant le coup, qui m'a sauvé la mise.
Par contre, c'est son agrafe qui m'a profondément entaillé le cuir chevelu.
Merci quand même, petit pompon rouge ; sans toi...
Et dire que, dans les autres marines, une telle petite merveille n'existe pas...

XM