Une nuit, entre la descente vers la machine et la cabine des O3 ET O4, j'entends un bruit d'eau.
Il y avait là un fût destiné à un moteur hors-bord.
Je m'approche et voit se débattre dans l'eau graisseuse, notre petit passager clandestin.
Je le récupère, le sèche et le glisse dans une des poches intérieures de ma vareuse.
D'abord tremblant, il se calme.
Je regagne le PC Radio, pour une vac nocturne, et là ils s'échappe dans les chemins de câbles.
Dès lors, chaque nuit, il prit l'habitude de sortir de sa cachette, de me sauter sur l'épaule et d'enrouler sa longue queue autour de mon cou.
Je le nourrissais de fruit, ces animaux étant en effet fructivores.
Mais hors ces moments, il demeurait invisible.
Je l'avais appelé SACO.
Il devait probablement avoir d'autres amis à bord.
Débarquant de l'Altair début 76 pour rejoindre la Possession, j'ai perdu la trace de mon petit camarade... jusqu'à ce que...

Fin 76, je sortais, un soir prendre un repas au Port des Galets, dans un petit resto de type boui-boui.
Je m'attablais sous un arbre et commandais mon repas.
Un sauté de mines et une bière, bien évidemment.

Soudain, je distingue un mouvement sur une branche et voit apparaitre un petit maki à l'air familier.
Il était attaché à une branche par une longue ficelle.
La patronne m'amène mon repas.
Je commence à manger, et voit le maki s'approcher.
Je l'appelle SACO.
Il dresse la tête et d'un bond saute sur la table.
Je pousse un verre d'eau vers lui et approche l'assiette en bout de table, j'avais commande des fruits en dessert.
L'animal se restaure, se désaltère puis, saute sur mon épaule et met sa queue autour de mon cou.
Je lui prodigue caresses et lui parle, j'avais retrouvé mon Saco.
Survient la patronne, qui affolée veut chasser le maki.
Je l'interromps et lui demande comment l'animal est arrivé là.
Elle m'explique qu'il avait été déposé par un gendarme qui le tenait lui même d'un bateau, et que depuis qu'il était arrivé chez elle, il était agressif.
Je lui fournis quelques explications sur l'animal, son nom, ses habitudes...

Je suis repassé plusieurs fois dans ce restaurant, discutant avec la patronne et retrouvant mon Saco, elle m'a assuré qu'il était métamorphosé en gai compagnon et avait retrouvé la joie de vivre.
J'espère que ce petit déraciné a coulé des jours heureux et que depuis que l'espèce est protégée, personne n'en a exfiltré d'autres de leur milieu naturel.

Combien sont attachants ces petits animaux, fiers et sauvages, ils peuvent être amicaux envers qui sait les comprendre.
Mais ne sont-ils pas plutôt destinés à rester fiers et sauvages ?

Saco n'a pas été une mascotte, mais plutôt un passager involontaire.
Arrivé petit à bord, il n'aurait probablement pas pu se réadapter à son milieu d'origine, et il n'existait pas à l'époque d'ONG à qui le confier en vue d'une réintroduction.
Mascottes ?
Un chien d'accord, j'ai peu entendu parler de chats.
Mais les espèces protégées, foutons leur la paix.
Bien sur, je tiens ce discours avec plus de trente ans de recul, mais ce pauvre animal attaché à un arbre par une ficelle, même à l'époque...